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Tout échange est-il inégal ?

Publié le 27/02/2005

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  Transition : mais les échanges considérés comme légitimes et légaux sont-ils pour autant nécessairement égaux ? En dehors de ces cas limites, celui de l'esclave et celui de la contrainte, n'y a-t-il pas des échanges qui ne peuvent être échanges que parce qu'ils sont inégaux, c'est-à-dire parce que l'un des deux gagne plus que l'autre ?   II. l'échange ne peut être égal, car les choses sont toujours différentes   A. Ce n'est pas parce qu'il y réellement échange que celui-ci est égal. L'expression même de « commerce équitable », toute récente, nous montre que l'équité est ici une valeur exceptionnelle que l'on peut attribuer à certains échanges, et non à tous, ni même à la plupart. Le commerce équitable consiste en ce que le consommateur paye plus cher des produits importés des pays du Sud, mais avec la certitude que le producteur a reçu une rétribution juste (et proportionnée au prix de vente). Le concept même dénonce donc le commerce en général comme étant non équitable. De plus, on voit ici que le consommateur paye plus cher le produit : c'est donc, paradoxalement, l'équité (en tant que valeur morale, et non plus économique ou qualitative) qu'il paye.   B.

On appelle échange l’action de donner une chose et d’en recevoir une autre en contrepartie mais aussi le résultat de cette action. La vente est par exemple un échange, puisqu’on donne une certaine quantité de monnaie en échange d’un objet. Or, on comprend bien que chacun des participants tient à ce que cet échange soit égal, c'est le cas même dans les « échanges de bons procédés « entre voisins ou amis : celui qui rend service alors qu’il ne reçoit rien en échange finit par avoir une impression d’injustice. Or, on peut se demander s’il est vraiment possible qu’un échange soit juste. Quand il y a échange, c'est que les deux biens qui circulent ne sont tout simplement pas les mêmes, sinon, à quoi bon les échanger ? Or, s’ils ne sont pas les mêmes, peuvent ils pour autant être strictement égaux ? Leur valeur est-elle extrinsèque, de sorte qu’il puisse y avoir un équivalent entre deux objets différents, ou au contraire une valeur est-elle toujours unique à un objet, de sorte que jamais deux objets ne pourrons être réellement équivalents, à moins d’être les mêmes ?

« l'employeur paye, c'est uniquement le temps de travail de l'ouvrier.

Autrement dit, l'échange est inégal, car, bienque ce soit l'ouvrier qui produise la plus-value, sa rétribution n'est en rien proportionnée à cette plus-value, puisqu'iln'est ni qualifié, ni unique (n'importe quel autre ouvrier pourrait accomplir la même tâche que lui).

Or, Marx montre lelien qu'il y a eu entre l'exode rural et la prolétarisation en Angleterre : c'est quand les anciens paysans ou ouvriersagricoles arrivent en masse dans les villes, avec la seule force de leur bras pour moyen de subsistance qu'ilsdeviennent vulnérables.

Ils peuvent tout simplement être remplacés sans aucun problème par leur employeur.

Transition : certains types d'échanges sont donc essentiellement inégaux.

Pour autant, est-ce vraiment dans l'essence même de l'échange d'être inégal, ou n'est-ce là qu'un accident ? un échange strictement égal est-ilencore un échange ? III.

Tout échange est inégal, mais de manière symétrique A.

Aristote ( La Politique, 1, 3, §11-14) : toute chose a deux valeurs, sa valeur d'usage et sa valeur d'échange.

La valeur d'échange, c'est le bien ou leprix que l'on peut obtenir en contrepartie, tandis que la valeur d'usage, c'estl'utilité que l'on en a.

Autrement dit, chacun des deux échangeurs trouve unavantage dans l'échange : le boulanger peut donner du pain contre deschaussures, la valeur d'échange sera alors égale, mais la valeur d'usage, non,si le boulanger se débarrasse de son pain, c'est qu'il trouve plus avantageuxd'avoir des chaussures que du pain.

Aristote explique que la monnaie n'ad'autre utilité que de simplifier l'échange plus facilement transportable, elledevient un équivalent universel.

Partant d'un matériau brut, non traité, le travail est une force detransformation qui produit des objets utiles aux besoins.

On peut distinguer,en chaque marchandise, une double valeur : une valeur d'usage, qui semesure à l'utilité ou à la satisfaction d'un besoin ; et une valeur d'échange,qui est la valeur financière que l'on peut en tirer sur le marché.

Dans toutesociété, le travail est le prix qu'il faut payer pour toute richesse, et très tôt lanécessité de la division du travail s'est imposée, du fait de l'impossibilité faiteà chacun de produire la totalité des biens qui sont nécessaires à sasubsistance.

Aristote a montré que l'autonomie" ne peut valoir que pour uneCité, jamais pour un individu.

Dans l'Éthique à Nicomaque, il résume leproblème central de l'économie : "On fait une communauté en général entre des travaux différents et inégaux : et ilfaut pourtant les égaliser." La vie sociale est ainsi un échange de biens produits par les individus en fonction deleurs spécialités.

Chacun travaille, non pas pour produire ses propres objets d'usage, mais des objets qui serontvendus sur le marché pour en tirer de l'argent et acquérir tout ce dont on a besoin.

Quand les échanges sontlimités, le troc peut suffire, mais lorsqu'ils deviennent plus étendus et complexes, il devient nécessaire d'introduireun intermédiaire : la monnaie.

Celle-ci n'a en soi aucune valeur, sinon symbolique.

Le cours de la monnaie, c'est-à-dire le prix de l'argent, est fixé conventionnellement.

Son rôle est d'établir un équilibre entre les objets échangés.Les "vraies richesses sont les biens d'usage et de consommation.

Dans l'idéal, les choses ne devraient avoir un prixfixé qu'en fonction de l'usage qu'on en peut faire, c'est-à-dire des besoins qu'elles satisfont.

Pourtant, il existe deschoses qui ont une grande valeur d'usage, mais un prix quasiment nul sur le marché, par exemple l'eau.

Le besoin nesuffit donc pas à définir la valeur de l'objet.

Le paradoxe de l'échange est qu'une chose n'a de prix qu'en tant qu'elleest utile, mais ce n'est pas l'utilité qui en fixe le prix.

Aristote est le premier à définir l'économie, soit ce quiconcerne les biens de famille et le patrimoine.

L'acquisition économique reste conforme à la nature quand elle sert lasatisfaction des besoins naturels.

Mais l'introduction de la monnaie pervertit l'échange quand, d'intermédiaire,l'argent devient finalité.

Le négoce (étymologiquement negotium : négation de la chose) est un échange"chrématistique", où la marchandise sert d'intermédiaire entre deux sommes d'argent : en revendant plus cher quel'on achète, la richesse devient l'argent lui-même.

B.

Tout échange est donc en un certain sens inégal.

S'il était égal, personne ne se donnerait la peine d'échangerquoi que ce soit contre quoi que ce soit.

Mais ce qui est inégal, c'est la valeur d'usage, non la valeur d'échange.Autrement dit, l'échange semble avantageux à chacun des membres : les deux trouvent l'échange inégal, mais enleur faveur.

Par contre, la valeur d'échange non seulement peut, mais aussi doit être égale.

Conclusion En conclusion, on peut dire que tout échange doit être à la fois égal et inégal.

Il doit être égal du point de vue de lavaleur d'échange, sans quoi l'une des parties se sentirait lésée et finirait par ne plus vouloir échanger, et celamenacerait le lien social.

Mais il doit être inégal du point de vue de la valeur d'usage, car je dois avoir unemotivation pour échanger, il faut donc que j'ai l'impression de tout simplement gagner au change.

Pour autant, lefait que l'échange possède par essence cette inégalité ne doit pas banaliser et normaliser l'échange inégal lorsqu'il ya exploitation, aliénation, lorsque l'un des deux tire profit de la position de faiblesse ou d'ignorance dans laquelle setrouve l'autre.

Il importe donc bien de distinguer entre l'inégalité inhérente à tout échange, inégalité qui le permet. »

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