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Tout ce qui est naturel a-t-il nécessairement de la valeur ?

Publié le 10/01/2004

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C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent des blâmes. Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs. C'est pour empêcher que ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres et que l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus. Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs.Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en se référant à la loi. Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort. Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités !Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste.De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit la guerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son père ont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loi de la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous !Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge, comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisons des esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste. Mais, j'en suis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'en délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussi toutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nous apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat.

POUR DÉMARRER L'appartenance d'une chose à la nature, c'est-à-dire à ce qui existe spontanément en dehors de nous, en tant que milieu environnant donné, lui donne-t-elle systématiquement un prix, en fait-elle un idéal, une chose hautement désirée ou préférée ? CONSEILS PRATIQUES Ce sujet est rendu délicat par les différents plans d'analyse possibles : échanges, morale, esthétique, droit, etc. Il faut donc parfaitement cerner le sens des deux termes essentiels : valeur et naturel. Un plan de type progressif, explorant successivement les domaines les plus importants, paraît ici particulièrement adapté. BIBLIOGRAPHIE ARISTOTE, La Politique, Vrin. NIETZSCHE, Le Gai Savoir, éditions de poche. SARTRE, L'existentialisme est un humanisme, Nagel.

PROBLEMATIQUE Notre temps est marqué par une prise de conscience écologique, et par un mouvement qui tend donc à vouloir nous faire respecter la nature. Son présupposé est par conséquent qu'il y a quelque chose de respectable dans la nature, et que donc ce qui est naturel a une valeur. C'est pourtant, en apparence, quelque peu paradoxal : en effet l'idée même de valeur est culturelle, elle marque l'importance d'un sens, et donc l'intervention de l'homme. Se peut-il alors que la nature elle-même ait une valeur, ou bien est-ce l'intervention de l'homme qui lui confère cette valeur qu'elle n'aurait pas par elle-même ? La valeur de la nature est-elle quelque chose de donné ou quelque chose de construit ?

 

« norme, quitte à être vide et introuvable.

Dans l'entreprise de Rousseau, par exemple, l'idée d'une nature favorable et satisfaisant tous les besoins n'est guère cohérente d'un point de vuescientifique : mais précisément, ce n'est pas là sa vocation ni son rôle.

L'étatde nature chez Rousseau est une hypothèse méthodologique qui permet depenser un état social que Rousseau veut pouvoir critiquer.

La valeur de l'idéede nature est alors opératoire et normative.

Plus largement, l'appel à la notionde nature est souvent révélateur de la recherche d'une caution, et l'emploicourant de l'adjectif « naturel » en est l'illustration : quand nous disons d'unechose qu'elle s'est passée de façon naturelle, nous voulons souligner satransparence, son caractère acceptable ; quand nous invoquons notre «nature » ou notre « pente naturelle », nous désignons la nature comme unecause implacable et donc comme une excuse : l'idée de nature fonctionnealors comme un secours ou une justification, ce qui la transforme en uneculture qui ne veut pas dire son nom et qui ne s'engage pas.b) On peut aller ici jusqu'à retourner l'énoncé, pour répondre que c'estprécisément ce qui a une valeur pour nous que nous avons tendance àappeler « naturel », comme pour nous excuser de décerner des valeurs etd'être intéressé : la nature ainsi comprise est le paravent de la culture, ellen'a de valeur que comme construction culturelle.

Ainsi la phrase « c'est toutnaturel », que je peux rétorquer à celui qui me remercie de lui avoir tenu laporte, signifie-t-elle en réalité : « c'est tout culturel ».

On peut alors parlerd'un fétichisme de la notion de nature ; peut se définir en effet commeattitude fétichiste toute attitude qui consiste à conférer une valeur à unechose, à incarner cette valeur dans cette chose.

Donner cette valeur opératoire à la nature, construire cette idéede la nature comme fonds de justification universelle relève donc bien d'un fétichisme, qui consiste peut-être àconfondre la notion de nature avec celle de vie : « Et à supposer que votre maxime "vivre en accord avec la nature"signifie au fond "vivre en accord avec la vie", comment pourrait-il en être autrement ? » (Nietzsche, Par-delà bien etmal). Conclusion Seul ce qui est culturel peut avoir une valeur : la nature ne prend donc de valeur qu'en tant que constructionculturelle. SUPPLEMENT: Le discours de Calliclès. "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent desblâmes.

Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.

C'est pour empêcherque ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres etque l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.

Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux àde tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en seréférant à la loi.

Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus quele moins bon et le plus fort plus que le moins fort.

Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, cheztoutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste. De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit laguerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son pèreont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loide la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous ! Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisonsdes esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste.

Mais, j'en. »

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