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Le travail aliène-t-il l'être humain ?

Publié le 23/01/2004

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Il n'a ni griffes pour chasser, ni crocs pour se défendre, ni toison pour se protéger du froid : sa simple survie est déjà un problème. b) Le mythe d'un paradis perdu, d'un état dans lequel le travail n'était pas nécessaire (âge d'or du Politique de Platon, Eden de l'Ancien Testament), évoque par contraste cette dure nécessité. Travail humain et « travail » animal. a) Le travail humain implique la conscience d'un projet. « Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche » (K. Marx, Le Capital, 1867). b) Ainsi, alors que le travail humain est régi par la conscience du but à atteindre, le « travail » animal est instinctif et n'est pas perfectible. * Instinctif: Bergson (dans L'Évolution créatrice, 1907) définit la conscience comme la « différence arithmétique entre l'activité réelle et l'activité virtuelle ». Dans l'instinct, poursuit-il, « la représentation est bouchée par l'action ».
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« contrainte s'impose à nous de toute façon comme une nécessité pratique, vitale, biologique.

Comment relier cettenature première à la valorisation morale du travail, aux exigences de justice et d'égalité qui se manifestent pourtantà son sujet ? Ces questions mêmes témoignent d'un besoin de l'homme : celui de donner un sens – si possible unsens spécifiquement humain – à ce qui pouvait n'apparaître que comme simple activité mécanique, machinale.

D'oùla difficulté, par exemple, d'accepter l'exploitation dans le travail ou l'appropriation du travail d'autrui, alors qu'onn'ira pas s'indigner que, dans la nature et pour les nécessités de la survie, les gros poissons mangent les petits !Chaque homme ne se sent-il pas concerné avant tout par la survie de soi et des siens, par ce qu'il détient, sespropres biens ? Comment cela peut-il se conjuguer à l'idée de responsabilité sociale ? Le travail semble ainsi releverà la fois de la nature et de la culture, de la contrainte et de la moralité. Le travail peut-il être élevé au rang d'une valeur? Encore faudrait-il savoir si cette valeur, il la possède en lui-même,ou si elle ne lui serait pas plutôt conférée de l'extérieur.

On peut ainsi penser qu'un travail n'a de valeur querelativement à l'intention qui l'anime ou au sens qu'on lui donne.

Ainsi en va-t-il pour le travail comme vecteurd'intégration sociale : est-ce par simple souci d'efficacité, ou afin de pouvoir contribuer à la société ? Pour soi oupour les autres ?Mais pour que l'homme puisse donner une valeur au travail, encore faut-il qu'il puisse le reconnaître comme uneactivité qui lui est propre.

Sur ce plan, il est parfois difficile de distinguer le travail de l'activité instinctive del'animal.

Sans doute le travail humain comporte-t-il une part essentielle de réflexion, d'élaboration rationnelle, dechoix, d'artifice, que l'on ne reconnaît pas chez l'animal.

Mais cette différence doit sans doute être relativisée : est-elle si tranchée, si radicale ? Ne reste-t-il pas, dans le travail humain, bien des aspects instinctifs ? La division dutravail n'est-elle pas déjà présente chez les animaux ? Il n'est pas sûr que ces différences soient vraiment décisives,qu'elles suffisent à distinguer le travail humain du comportement animal. L'idée de la liberté dans le travail paraît problématique, puisque celui-ci semble l'activité imposée par excellence,celle qu'on ne décide pas, ou dont on ne décide que dans des bornes très précises qu'il ne nous revient pas de fixer.Toutefois, c'est par le travail que l'homme se rend maître de la nature, qu'il s'agisse de son environnement extérieurou de sa propre nature humaine.

Par son travail, l'homme produit des objets, et d'abord des outils qui lui permettentde transformer le monde et lui-même, dans un sens voulu par lui, si ce n'est en tant qu'individu, du moins en tantqu'être social.

Cependant, le monde de la société et le monde technique engendrent de nouvelles contraintes à leurtour, de sorte qu'il apparaît que l'homme n'échappe à une sujétion que pour entrer sous une autre : le déterminismenaturel cède la place au déterminisme social ou scientifique.

Or une contrainte n'est pas moins contraignante parcequ'elle a été choisie, ou parce qu'elle émane de nous-mêmes.

Ne sommes-nous pas aujourd'hui condamnés à latechnique et à l'efficacité ? On le sait, notre monde moderne se caractérise par le développement technique inouï auquel nous serionscondamnés.

La technique semble du reste tellement imbriquée dans toutes nos activités, qu'elle paraît à la foisomniprésente et difficile à saisir, à isoler, spectaculaire et invisible.

Son aspect le plus frappant réside dans lesmachines, qui en sont la manifestation constante.

Mais le règne de la technique ne se limite nullement à la seuleutilisation de machines et s'exerce dans bien d'autres domaines : en tant que procédure et savoir-faire.

Autreparadoxe : la technique est à la fois ce que nous utilisons et ce qui nous utilise, le symbole de la maîtrise comme dela soumission, de la liberté et de la servitude.

Cela non seulement parce que la technique contraint les corps,puisque en somme elle est une force, mais aussi, et peut-être davantage encore, parce que notre esprit, nospensées, nos désirs sont suscités ou commandés par elle.

La facilité dans la vie et le travail, justification essentielleet atout majeur de la technique, ne nous prive-t-elle pas, par exemple, de l'effort essentiel à la constitution denotre être ? Tout travail s'applique à la transformation d'un donné, qu'il soit naturel ou artificiel, c'est pourquoi il est souventdéfini comme une activité productive.

La notion de production semble toutefois réductrice, car bien des activités yéchappent sans qu'on puisse si facilement les exclure de la sphère du travail, pour en faire des jeux ou des loisirs,par exemple la création artistique.

L'enseignement ou l'industrie du service en général posent un problème semblable.La technique nous renvoie également à la sphère de la production, où l'élément intellectuel semble prendre uneplace variable.

Il a peut-être plus d'importance aujourd'hui, dans la mesure où techniques et sciences semblentdevenir indissociables, mais de multiples tâches sont encore dotées d'un caractère répétitif et peu créatif.

En cesens, sciences et techniques peuvent se distinguer, dans leur fonctionnement, leur nature et leur genèse.Néanmoins, à travers leur développement, l'homme explore un nouveau rapport avec la nature et sa possibletransformation, et sur ce plan technique et travail sont solidaires.

La technique, moyen d'action, volontiersconquérante, dominatrice, plus efficace que jamais, apparaît aussi comme une source de dangers et de risques,suscite des suspicions, plus ou moins bien fondées, en tant que symbole d'une volonté de puissance qui inquiète.L'homme contemporain se voit donc confronté à des enjeux inédits et conséquents. On peut hésiter quand se pose la question de savoir si le développement technique est un facteur de libération oud'asservissement, d'aliénation pour l'homme.

La technique opère une mise en ordre, une organisation d'un mondeaccordé à l'homme, si bien que son rôle ne peut être négligé dans la réalité sociale.

Elle s'accompagne, par exemple,d'une division du travail, aux conséquences sociales importantes, dont on ne sait s'il faut y voir liberté ou servitude.Si elle engendre de fait une solidarité entre les hommes, la complexité de la technique cantonne chacun à un aspectréduit des processus, tant au travail que dans le quotidien, risquant ainsi d'éloigner l'immense majorité des citoyensdes lieux de décision, abandonnés aux experts ou aux puissants.

On constate aussi que le progrès techniqueapparaît de plus en plus comme une puissance indépendante, dont la maîtrise ou le contrôle nous échappent, ousemblent largement illusoires, ce qui constitue une menace pour l'homme s'il voulait se définir comme un sujet. »

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