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Le travail est-il un droit ?

Publié le 12/01/2004

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En effet, contrairement à l'animal, qui agit par pur instinct, l'homme détermine dans sa conscience le but qu'il veut atteindre avant de le réaliser. « Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, écrit Marx, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. » * Le travail salarié constitue, selon Nietzsche, « la meilleure des polices » : « il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance ».IntroductionIl y a un certain paradoxe de la question, si l'on considère qu'au fond le travail n'est qu'un fait. Comment alors peut-il être un droit ? Il ne peut l'être qu'à condition de renvoyer à un « devoir-être », comme si quelque chose de décisif se jouait pour l'homme dans le travail. Est-ce le travail qui est un droit, ou est-ce ce à quoi la notion renvoie ?I - Sur quoi se fonde ce droit ?a) Le sens du mot « travail » est tellement associé par tradition à l'idée d'une contrainte, d'un désagrément ou même d'une torture (c'est le sens initial du mot dans le latin tripalium) qu'il y a quelque chose d'étonnant à ce que le travail puisse être perçu comme un droit. En effet, au premier abord, on s'attendrait plutôt à ce que le travail figure au nombre de nos devoirs plutôt que de nos droits.
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« Le travail est-il un droit ? « C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète.

»C’est par cette citation de Simone de Beauvoir que l’on peut, d’entrée, illustrer une des caractéristiques de l’activité de travail : il est nécessaire à l’existence del’humanité et son épanouissement.

En effet, l’Homme, par le travail, peut s’accomplir en tant que tel, s’élever à la conscience de soi.

Il faut, d’autre part, montrer quele travail est avant tout un droit dans le sens où il nous permet de survivre, autrefois à une nature hostile, aujourd’hui financièrement.

Il est donc une prérogative quenous sommes en droit de réclamer.

Cependant l’affirmation de ce droit pose problème dans notre société puisque si nous avons tous droit au travail nous n’avons paspour autant le droit de travailler.

Les personnes sans papiers, n’ayant pas l’âge requis en sont des exemples courants.

Il faut donc nuancer le droit au travail du droitde travailler ou le travail de l’emploi en quelque sorte.

Or le fait que nous ayons le droit au travail rend le droit de travailler non avenu puisque nous pouvons lerevendiquer.

Mais si nous le revendiquons c’est que nous estimons que travailler nous permet de nous réaliser en tant qu’être humain.

Cette dernière affirmationsignifiera donc que l’action de travail est presque devenue un devoir à nos yeux. Chaque homme doit pouvoir, par son activité, non seulement assurer sa subsistance et celle des siens, mais encore s’élever à la conscience de soi grâce à l’actionlibératrice ou salvatrice du travail.L’humanité s’affirme dans le travail.

En effet, un homme, lorsqu’il travaille, a l’esprit et le corps occupé à une tâche productive.

Cela lui permet de se sentir utile auxyeux de la communauté humaine.

C’est, entre autre, ce qui nous distingue des animaux.

Un animal, lorsqu’il opère en vue de sa survie, agit d’instinct naturel, demanière quasi automatique.

Cet automatisme n’a pas lieu d’être chez l’être humain puisqu’il pense avant toute action.

En vue de sa survie, il doit concevoir desprojets en son esprit pour ensuite disposer des moyens qu’il lui faudra pour les mettre en œuvre.

Un animal n’agit que pour lui, ou pour sa meute.

Le travail queproduit l’homme est utile à la société, il peut donc être un bienfait pour l’humanité et non seulement pour lui-même, d’où une certaine reconnaissance de lacommunauté.

C’est justement cette reconnaissance qui permet à l’homme de s’accomplir dans son travail.

Par exemple, on peut parler de cette reconnaissancelorsqu’un médecin annonce la guérison d’un patient à sa famille, lorsqu’un avocat sauve un innocent d’une incarcération ou encore lorsqu’un professeur apprend laréussite de ses élèves à une session d’examens.

Le travail développe aussi un grand nombre de qualités morales telles que la patience, l’organisation, l’assiduité ou lapersévérance.

En apprenant ces qualités, l’homme se façonne en tant qu’individu moral de la société.

Le travail est donc constitutif de l’humanité.

On doit cependantdifférencier l’emploi du travail puisque lorsqu’on parle d’emploi on ne conçoit pas la notion de travail dans tout son sens.

L’emploi, dans sa définition, impliquedirectement les notions de contrat et de rémunération.

Le travail, dans son sens entier, signifie une action productive quelle qu’elle soit.

C'est-à-dire qu’une femme aufoyer, par exemple, exerce un travail, au même titre que n’importe quel bénévole.Cela légitime aussi l’emploi de personnes handicapées qui, pourtant, bénéficient, selon leur handicap, de rentes qui leur permettraient de survivre sans emploi.

Cespersonnes ont besoin de travailler parce que cela les implique dans la société de façon active.

Si elles n’avaient que leurs rentes, elles ne seraient productives en rienpour la société et de ce fait marginalisées par rapport à celle-ci.

Cela cible le fait que le travail ne remplit pas simplement des exigences économiques mais bienmorales et humaines.

« Faire de nécessité vertu est le beau et grand travail.

» écrivait Alain dans ses Propos sur le bonheur L’homme aspire ainsi à s’éleverculturellement, moralement et socialement par le travail.

Ce qui l’anime n’est plus le simple fruit de son effort mais bien tout ce qui l’entoure : l’essence de cet effort,la reconnaissance d’autrui, la fierté de la réussite, etc.Le travail fait partie intégrante des droits de l’homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille,… » Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme Cet article signifie donc que chacun a droit au travail, que, par convention, la communauté adécidé que le travail est un des droits fondamentaux de l’être humain.

D’ailleurs, la philosophie a souvent vanté les mérites du travail et ses bienfaits.

Et commeVoltaire l’énonçait dans Candide :« Le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin.

» Malheureusement le travail peut aussi apparaître comme une contrainte originelle et essentielle : l’homme ne s’y soumet que par nécessité.Le travail est une malédiction.

Il est dit dans la Genèse que Dieu punît Adam en le contraignant à travailler pour subsister : « Tu gagneras ton pain à la sueur de tonfront.

» C'est-à-dire que l’homme, en péchant, a été banni du paradis, là où il ne semblait vraisemblablement pas avoir besoin de travailler.

La notion de travaildécoulerait-elle donc d’une punition ?Travailler peut signifier aliéner sa liberté.

Dans une société primitive, l’homme était à peu près capable de tout faire de lui-même : il créait ses outils et les utilisaitpour se protéger, se nourrir, etc.

Cela signifiait donc une certaine liberté et surtout une grande polyvalence.

Celle-ci est devenue impossible après la division dutravail.

Dès lors, dans le travail, les femmes se distinguaient des hommes puis l’humanité s’est divisée en toutes sortes de corps de métiers en créant inévitablementdes inégalités.

Celles-ci sont aujourd’hui remarquables entre homme et femme, entre cadre et employé, entre personne de couleur ou entre handicapé et non-infirme.Dans la société capitaliste, les travaux de tous les secteurs économiques sont produits en masse.

La masse implique une production surhumaine, d’où, dans unpremier temps, la spécialisation du travail en puis celle de l’automatisation, de la mécanisation puis de la robotisation d’une grande partie des tâches qu’effectuaitl’homme auparavant.

Cela signifie donc plus de tâches, celles-ci sont plus définies, produites toujours plus rapidement et de qualité supérieure.

En fait, cettetransition du travail a altéré certaines tâches que l’homme d’aujourd’hui se force à accomplir sans intérêt et sans réflexion.

Cette altération ampute le travail de savertu libératrice et synonyme d’élévation vers la conscience de soi.

C’est pourquoi certains travaux sont aujourd’hui récurrents pour l’ouvrier, tels que ceux faisantpartie d’un modèle de travail à la chaîne comme le fordisme ou le taylorisme.L’ouvrier ne se réalise donc plus en tant qu’être humain mais devient une sorte de mécanisme de l’économie.

De plus sa liberté cesse dès lors qu’il se met au travail.Marx et Nietzsche se sont révoltés contre cet état de fait en énonçant que :« L'ouvrier devient d'autant plus pauvre qu'il produit plus de richesse, que sa production croit en puissance et en volume.

» In Capital ou que « Dans la sociétécapitaliste libérale avancée, il s'agit de contraindre l'individu à se soumettre à un travail harassant et aliénant, comme aux temps de l'esclavage par la colonisation.L'aliénation de l'individu par le travail insipide, accablant, presque inhumain...

» In Aurore Même Voltaire écrivait : « Travaillons sans raisonner ; c'est le seul moyende rendre la vie supportable.

»La valeur d’un travail est définie de manière subjective.

Pourquoi un travail est-il plus valorisé qu’un autre ? Selon la simple loi du marché, de l’offre et de lademande.

Le problème est que cette loi du marché ne se situe plus sur une échelle humaine, la masse est bien trop importante pour pouvoir répartir des valeurs égaleset justes quant à la rémunération d’un travail.

« La concurrence dans le travail permet de faire baisser les salaires et de rabaisser l'individu au niveau du bétail.D’ailleurs c'est le marché du travail, ainsi on le ramène à un marché à bestiaux.

» Énonce Nietzsche dans Aurore.

Alors sommes-nous finalement revenu à notre étatanimal ? Aurions-nous donné un sens moral au travail pour l’ôter ensuite ? Aurions-nous fait le chemin inverse ? Non.

On constate tout de même, qu’aujourd’hui, l’homme aspire au travail dans son sens global.

C'est-à-dire dans la mesure où il est productif aussi bienmatériellement que moralement.

En fait travailler est devenu un mot qui désigne toute activité socialement rentable et non seulement l’action répétitive etcontraignante faite par nécessité.

L’humanité veut travailler pour s’émanciper du besoin et pour élever sa culture et son esprit aussi bien que sa production.

Ainsitravaillent les femmes aux foyers aussi bien que les artistes, les étudiants, les bénévoles ou que les personnes handicapées.Cependant le fait qu’autant d’activités soient traduites en une même notion rend le débat sur le droit au travail d’autant plus complexe que concrètement, en termesde rémunération, le travail c’est l’emploi.

Il serait donc judicieux de diviser cette notion en deux droits distincts : le droit à l’emploi, pour une vie décente et le droitd’exercer une activité susceptible de permettre l’épanouissement et l’accomplissement de soi.

De sorte à ce que l’on s’efforce à devenir des êtres moraux, justes ettoujours meilleurs.« Le travail est indispensable au bonheur de l'homme ; il l'élève, il le console ; et peu importe la nature du travail, pourvu qu'il profite à quelqu'un : faire ce qu'onpeut, c'est faire ce qu'on doit.

» Alexandre Dumas. »

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