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Le travail est-il servitude ?

Publié le 24/01/2004

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Rousseau souligne déjà (cf. le second Discours) qu'en modifiant ainsi le milieu, l'homme se modifie lui-même. Le travail apparaît alors comme autoproduction de l'homme, ou humanisation. C'est bien pourquoi on admet qu'au sens strict, l'animal ne travaille pas (il satisfait bien ses besoins primaires, mais il ne produit pas de besoins autres, et il ne se modifie pas par une activité dépendant entièrement de son organisation physiologique).

[III - Travail et humanisation]

Marx a analysé le projet inhérent à l'activité laborieuse : l'objet désiré préexiste « idéalement « dans l'esprit du travailleur, et cela détermine une évolution intellectuelle de l'homme, en éveillant en lui « des facultés quiy sommeillent «. D'où la formule de L'Idéologie allemande : « On peut définir l'homme par la conscience, par les sentiments et par tout ce que l'on voudra, lui-même se définit dans la pratique à partir du moment où il produit ses propres moyens d'existence « : il n'y ainsi d'humanité authentique (au moins au sens générique) que par le travail et grâce au travail. De façon plus abstraite, Hegel avait antérieurement montré que le stade final de la liberté (la liberté en-soi-pour-soi) ne se réalise que dans le travailleur. Cf. la dialectique du maître et de l'esclave : l'esclave, en se retrouvant dans ce qu'il a produit, se définit finalement comme conscience ayant sa réalité dans le monde et sans devoir passer par le maître - tandis que ce dernier a toujours besoin de son esclave pour se repérer (pour trouver la satisfaction de son désir et se définir comme maître).On peut ainsi considérer, soit que le travail apporte directement la liberté qui est la réalisation de l'essence humaine (version hégélienne), soit qu'il participe à l'humanisation et participera à la libération finale de l'homme (version de Marx, pour lequel ce que Hegel nomme liberté est encore trop abstrait, ou insuffisamment inscrit dans la totalité de l'humanité puisque réservé à une classe).

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« C'est seulement par le risque de sa vie que l'on conserve sa liberté.HEGEL C'est dans l'un des plus fameux passages de la « Phénoménologie de l'esprit »,qui décrit la lutte à mort pour la reconnaissance avant que d'aborder ladialectique du maître et de l'esclave, que Hegel déclare : « C'est seulementpar le risque de sa vie que l'on conserve la liberté.

»Hegel entend montrer que la rencontre avec autrui prend logiquement laforme d'un conflit, d'une lutte, dont le risque est la mort et l'enjeu lareconnaissance par l'autre de mon humanité.Pour ne pas méconnaître l'enjeu de la « lutte à mort pour la reconnaissance »,il faut savoir que la « Phénoménologie » envisage de décrire le mouvementlogique du développement de la conscience, cad les expériences, lemouvement par lequel la conscience s'éduque.Il est donc toujours dangereux d'isoler un chapitre du texte, puisque « le vraiest le tout », que chaque étape n'est qu'un moment dont la compréhensionexigerait la connaissance de l'ensemble du processus.

Il faut d'autre partprévenir un autre contresens possible.

Hegel n'entend pas décrire un épisoderéel de l'histoire humaine, et il ne faut pas s'imaginer deux individus surgissantface à face et engageant une lutte.

Il s'agit bien plutôt d'une genèse logiquede la rencontre avec autrui.Hegel souhaite montrer que, dans la mesure où l'homme accepte de risquer savie pour quelque chose, il pose qu'il n'est pas seulement un simple être vivant, sensible, fini.

Il pose que l'homme nese réduit pas à la simple animalité et au souci de la conservation de soi.

En quelque sorte le risque de la mort est lapierre de touche de nos valeurs, car en risquant sa vie, l'homme montre que ce pourquoi il la risque a plus de valeurqu'elle, et qu'il se définit et s'éprouve comme autre chose qu'un simple vivant.Plus précisément, l'idée maîtresse de Hegel dans ce passage est la suivante : l'homme n'accède à la véritableconsciente de son humanité que lorsqu'elle est reconnue par un autre.

L'homme doit faire la preuve de sonhumanité, et il ne peut la faire qu'en engageant une lutte à mort avec un autre homme.

C'est en acceptant le risquede sa mort qu'il prouve que sa reconnaissance comme conscience, comme autre chose qu'un simple animal, vautplus que par sa simple survie.

Etre homme, c'est donc pouvoir mettre en jeu sa propre vie pour prouver la valeurmême de son existence, c'est pourquoi cette lutte est à la fois nécessaire et absurde.

L'essentiel est que laconscience de soi véritable requière la médiation d'un autre homme : être conscient de soi-même comme êtrehumain, c'est être reconnu comme homme par un autre homme, par une autre conscience.

Seul, je ne peux faire lapreuve de mon humanité.La conscience immédiate que j'ai de moi-même est celle d'un être vivant et désirant.

Mais tant que mon désir neporte que sur un objet naturel (ce fruit par exemple), tout ce que je peux faire est de détruire et d'assimiler cetobjet.

Or, dans la mesure même où je dois sans cesse me procurer un nouvel objet, je fais l'expérience de madépendance à l'égard de l'objet, du monde vivant et naturel.

Tant que je reste enfermé en moi-même, avec un désirqui ne porte que sur des objets, je ne peux en aucune façon prouver mon indépendance à l'égard de la vie.Pour que je me comprenne comme conscience de soi, autre chose qu'un simple animal, il faudra que mon désir portesur autre chose qu'un simple vivant naturel : il faudra que mon désir porte sur un autre désir, sur un homme.Il faudra que je prouve que je dépasse le simple stade vital, que je ne suis pas un simple vivant, donc que je courele risque de ma mort, pour prouver mon indépendance à l'égard de la vie.

Il sera donc nécessaire que je montre àmoi-même et à l'autre que je ne me confonds pas avec l'animalité, le souci de la vie.La conscience d'être homme ne se prouve et ne s'éprouve que face à un autre homme, dans le rapport entre deuxconsciences.Reste à comprendre pourquoi cette reconnaissance prend la forme d'une lutte à mort.D'une part la différence entre l'animalité et l'humanité, je ne peux la faire qu'en prenant un autre à témoin, qu'enmontrant ma liberté face à la vie.Or, on ne connaît pas autrui par science immédiate.

Autrui surgit face à moi, si l'on peut dire, comme un objet : lesdeux êtres qui surgissent face à face sont sûrs de leur conscience, mais non de celle de l'autre.

Il faut donc prouverà l'autre mon caractère de conscience : je dois mettre ma vie en jeu.« Chacune [des deux consciences] est bien certaine de soi-même, mais non de l'autre, et ainsi sa propre certitudede soi n'a aucune vérité [...] Le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé de telle sortequ'elles se prouvent elles-mêmes et l'une à l'autre au moyen de la lutte pour la vie et la mort.

Elles doiventnécessairement engager cette lutte, car elles doivent élever leur certitude d'être pour soi à la vérité, en l'autre eten elles-mêmes.

»Il est essentiel de noter que la lutte engagée est le contraire de la violence naturelle.

Cette dernière a toujours pourenjeu la survie.

Je me bats avec un autre pour assurer les moyens de ma conservation.

Mais ici, la violence, leconflit ont précisément pour enjeu le refus d'être assimilé à un simple vivant qui ne serait guidé que par le souci desurvivre.

Cette lutte n'a pas pour enjeu la survie « biologique », mais la valeur.Une fois comprise la nécessité de cette lutte à mort par laquelle j'essaie de faire la preuve de mon humanité commeliberté face à la vie, reste à en comprendre l'absurdité.

L'enjeu est la reconnaissance par l'autre, qui seule peut fairela preuve que je suis bien ce que je prétends être.

Or il est certain tout d'abord que cette lutte ne sert à rien si lesdeux meurent, ou refusent la lutte, ou qu'un seul survit.

La seule configuration où la reconnaissance est possible estque l'un abdique par peur de la mort, souci de la survie, et l'autre non.

La mort sert donc de discriminant entre deuxconsciences, l'issue du conflit dépend du rapport que chacun des deux entretient avec la mort.Celui qui a véritablement accepté de courir le risque de la mort pour prouver la valeur de sa liberté et son. »

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