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Travailler est-il un obstacle à la liberté ?

Publié le 11/02/2004

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Nous verrons que, si elle constitue une limitation de la liberté naturelle, la nécessité de travailler peut être une dimension importante de la liberté proprement humaine, à condition de ne pas se transformer en aliénation de l'homme par l'homme. I. La nécessité de travailler : une limitation de la liberté naturelle... * Une contrainte extérieure.La comparaison entre les peuples d'Océanie et ceux des pays froids montre que l'homme n'éprouve pas spontanément le besoin de travailler mais y est souvent contraint par les difficultés extérieures qui menacent sa vie : climat rude ou nature avare. D'où, souvent, le sentiment que les peuples favorisés par le climat et la générosité de la nature sont plus heureux et plus libres car ils ne doivent consacrer qu'une très petite partie de leur temps à subvenir à leurs besoins. Mais allons plus loin, cette nécessité d'être industrieux et travailleur, n'est-elle pas la condition de possibilité de tout développement humain ? * Une contrainte renforcée par la division du travail.La division et la répartition du travail entre les membres de la société, donc le phénomène de spécialisation, sont l'une des premières composantes du lien social et le fondement de l'économie. On peut également y voir une limitation de la liberté puisque chacun dépend de ses semblables pour que la chaîne de production soit complète, et est contraint de travailler pour disposer de biens à échanger ou d'argent pour payer d'autres biens.

« Abordons le problème de la division du travail, cad la répartition des tâches nécessaires et le problème général desconditions de travail. On peut considérer la division du travail du point de vue de son efficacité pour la production des biens nécessaires àla société, donc de son utilité économique.

Mais il faut aussi considérer les conséquences de la division du travailsur la personne du travailleur. L'utilité économique de la division en métiers paraît évidente : elle est la condition d'une production diversifiée et dela satisfaction de besoins variés.

Considérée du point de vue du travailleur, elle implique un développement del'habileté individuelle et un perfectionnement des capacités.

La maîtrise d'un métier, qu'il soit manuel ou intellectuel,permet une réalisation de soi et une reconnaissance sociale (ainsi, l'admiration pour le professionnalisme).

Aussil'ambition d'avoir un métier et d'y réussir est-elle autre chose que la volonté de gagner sa vie, même si laspécialisation dans un métier, en interdisant par définition les autres, peut apparaître comme un enfermement dansun seul domaine. En revanche, la division du travail qui s'est imposée avec le développement de la grande industrie, et qui caractériseencore aujourd'hui nombre d'entreprises a vu son utilité très vite contestée. Des premières manufactures aux usines modernes, la division technique du travail s'est en effet accentuée jusqu'àl'extrême parcellisation.

Tant que le travail est divisé en métiers différents, chaque homme de métier peut réaliser unproduit dans son ensemble, et même s'il existe une coopération, chacun est capable d'accomplir toutes les tâchesnécessaires à la réalisation du produit (au Moyen âge par exemple, la fin de l'apprentissage est symbolisée par laréalisation d'un chef-d'œuvre).

Avec les manufactures cette capacité à réaliser le produit en entier se perd et, dansla grande industrie, avec le machinisme, elle disparaît totalement. A la fin du XVIII ième siècle, l'économiste Smith souligne l'accroissement de productivité apporté par la division du travail, telle qu'elle se développe dans les manufactures lors de la première révolution industrielle. « Prenons un exemple dans ne manufacture de la plus petite importance, mais où la division du travail s'est faitsouvent remarquer : une manufacture d'épingles. Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait un métier particulier, niaccoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont l'invention est probablement due encore à ladivision du travail –cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sajournée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine.

Mais de la manière dont cette industrie et maintenantconduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grandnombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers.

Un ouvrier tire le fil à la bobine, unautre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le boutqui doit recevoir la tête.

Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est unebesogne particulière ; blanchir les épingles en est une autre ; c'est même un métier distinct et séparé que de piquerles papiers et d'y bouter les épingles ; enfin l'important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérationsdistinctes ou à peu près qui, dans certaines fabriques sont remplies par autant de mains différentes, quoique dansd'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois.

J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait quedix ouvriers, et où , par conséquent, quelqu'uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations.

Mais quoique lafabrique fût fort pauvre et pour cette raison, mal outillée, cependant quand ils se mettaient en train, ils mettaient àbout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour ; or, chaque livre contient au-delà de quatre milleépingles de taille moyenne […].

Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ilsn'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles,peut-être pas une seule, dans sa journée, cad pas, à coup sûr, la deux cent quarantième partie, et pas peut-être laquatre mille huit centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division etd'une combinaison convenables de leurs différentes opérations.

» SMITH , « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Pour montrer l'efficacité de la division du travail, Smith prend comme exemple une fabrique qui produit des « objets de peu de valeur » et qu'il est donc utile de produire en grand quantité. Dans cet exemple, la division du travail possède deux aspects : d'une part, « fabriquer des épingles » devient un métier particulier alors qu'auparavant le forgeron fabriquait des épingles et aussi d'autres produits.

D'autre part cemétier lui-même est divisé en autant de métiers qu'il y a d'opérations à effectuer. L'habitude accroît l'habileté pour chacune de ces opérations, permettant ainsi une plus grande rapidité dans letravail.

Mais la spécialisation a pour contrepartie l'incapacité à exercer le métier de forgeron dans toute sa diversité.Et plus la division du travail augmente, plus chaque opération est simplifiée.

La dextérité acquise par la répétitiond'une tâche particulière n'est pas équivalente à l'habileté de métier.. »

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