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Vaut-il mieux changer ses désirs que l'ordre du monde ?

Publié le 10/09/2005

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Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté. La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux.Descartes subvertit la tradition. D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie «, d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance. Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de connaître.La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique «. « Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé [...] «La nature ne se contemple plus, elle se domine. Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur «.Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.
Si je m'attache à ce qui ne dépend pas de moi, je perds toute liberté. Or, l'ordre du monde ne dépend pas de moi. Changer mes désirs me permet d'accéder à la satisfaction et donc à l'ataraxie. Mais, si les hommes avaient toujours changé leurs désirs au lieu de changer l'ordre du monde, ils en seraient restés à l'âge de pierre ! C'est le désir, essence de l'homme, qui le pousse à se perfectionner.



« Il y a ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pasMon pouvoir d'accomplir des actes est très limité, par les lois de la nature oules lois juridiques.

Quant à mon pouvoir de faire réussir mes actions, il estquasiment nul, puisque cela dépend du concours du reste du monde, ouencore de la chance.

En y réfléchissant bien, je ne suis pas absolumentcertain d'être encore vivant demain ou tout à l'heure.

Tant de chosespeuvent arriver...En revanche, il est une chose qui ne dépend que de moi, sur laquelle j'ai unpouvoir absolu : c'est ma volonté.

Moi seul décide de ce que je veux.

Parexemple, si je ne veux pas aller à un endroit, on peut m'y contraindre par laforce, mais on n'aura pas pu changer ma volonté.

Je découvre, par cetteréflexion, que je possède, comme chaque homme, une volonté absolumentlibre, ou encore un libre-arbitre, comme disent les philosophes.

Je disposedonc d'un domaine de pouvoir et de liberté, qui est tout intérieur à moi-même.Néanmoins, comment parvenir à maîtriser complètement mes désirs ? Mavolonté est-elle toujours assez puissante ? Là encore, une juste vision deschoses, cad une bonne connaissance métaphysique du réel, peut nous aider.Les stoïciens affirment que tout ce qui arrive est nécessaire.

Rien ne pouvaitarriver autrement.

En effet, chaque événement est le fruit d'une longue sériede causes.

Et la relation de la cause à l'effet est nécessaire : un autre effetne peut pas naître d'une même cause, ou d'un même ensemble de causes.

Ilne sert donc à rien de désirer autre chose que ce qui advient ou de se révolter contre ce qui est, car tout est nécessaire.

On ne ferait que se rendre inutilement malheureux.

Cetteconception métaphysique juste de la nécessité qui règne dans toutes les choses du monde contribue à annuler mesdésirs.

Tel est le principe : admettre ce qui nous arrive comme inéluctable, pour ne plus s'en affliger.

Mais pour lesstoïciens, les hommes sont comme des enfants ou des fous puisqu'ils désirent sans cesse autre chose que ce quiest et se rendent par eux-mêmes malheureux : « Il ne faut pas demander que les événements arrivent comme tu leveux, mais il faut les vouloir comme ils arrivent ; ainsi ta vie sera heureuse » (pensée 8).C'est l'amour du destin, l' « amor fati » auquel il faut parvenir pour être sage.Les stoïciens allaient même encore plus loin dans cette réflexion sur l'ordre des choses.

Ils ne s'en tinrent pas àcette simple conception de la nécessité absolue du rapport de cause à effet, idée qu'ont partagée tous les savantsqui ont fondé la science moderne.

Cela ne serait qu'une nécessité aveugle.

Mais les stoïciens pensaient que laNature est un être divin et intelligent, qui ne fait rien en vain.

Tout est fait pour quelque chose, tout a un but, toutest finalisé.

Le but ultime que poursuit la nature, c'est évidemment le Bien.

Le destin qui règne dans le monde estdonc bon, il est une Providence.

Mais ce Bien, c'est la vie et le Bien du Tout, de la nature elle-même, non dechaque créature qui la compose.

Chaque homme n'est qu'un rouage du grand mécanisme universel, et c'est par unefolle présomption que chacun s'imagine être le centre du monde et voudrait que tout conspire à son bonheur.

Enrevanche, cette idée que le monde est dirigé par la Providence, que chaque événement concourt à un Bien pour leTout, même si la petite partie que nous sommes ne l'aperçoit pas, cette idée est beaucoup plus puissante que cellede la simple nécessité pour incliner notre volonté à vouloir ce qui advient.

Telle est précisément l'attitude du sagequi peut ainsi goûter le bonheur.

Dès lors , chaque homme doit se persuader que la Providence lui a assigné un rôleà jouer sur la terre.

Il ne doit pas désirer changer de rôle ou de condition, mais il doit s'efforcer de jouercorrectement son rôle ; « Souviens-toi que tu joues dans une pièce qu'a choisie le metteur en scène: courte, s'il l'avoulue courte, longue, s'il l'a voulue longue.

S'il te fait jouer le rôle d'un mendiant, joue-le de ton mieux; et fais demême, que tu joues un boiteux, un homme d'État ou un simple particulier.

Le choix du rôle est l'affaire d'un autre.

»(Pensée 17). Les hommes sont la cause de leur propre malheurDescartes s'est inspiré de la philosophie d'Épictète, en affirmant qu'il vaut mieux changer ses désirs plutôt quel'ordre du monde.Dans la troisième partie du « Discours de la méthode », Descartes affirme qu'une de ses règles d'action est « detâcher plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l'ordre du monde » (« Fortune »désigne ici le cours changeant de la nature).Pour comprendre cette maxime, qui semble d'un conformisme révoltant, il faut savoir qu'elle fait partie d'une morale« par provision », c'est-à-dire qu'elle ne correspond pas à la morale définitive de Descartes, mais s'intègre à unensemble de règles provisoires et révisables, dictées par l'urgence de la vie et de l'action, alors même que la raisonet la recherche recommandent la prudence.Le but que poursuivent les stoïciens, et Descartes ici, est de nous rendre les plus indépendants possibles des coupsdu sort, d'assurer au sujet la plus grande autonomie possible.

Or pour cela il faut NOUS vaincre, plutôt que de nousen prendre à la fortune (au mode, au hasard) et changer nos désirs plutôt que de sombrer dans l'illusion deremodeler le mode suivant nos projets.

Comme le déclare Épictète : « Ce n'est pas en satisfaisant nos désirs quel'on se fait libre, mais en détruisant les désirs.

»On voit ici naître l'opposition entre le sujet et la fortune, ses désirs et le monde.

En fait, il faut d'abord savoir faire ladifférence entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, compter nos propres forces, et les mesurer àcelles du monde qui nous fait face.Ce qui m'appartient en propre et sur quoi j'ai un pouvoir, c'est moi-même, mes désirs, mes pensées, l'initiative demes actes.Par contre, les choses extérieures, ce qui prend pour moi la forme du hasard, l'action des autres, les conséquencesde mes actes, tout cela échappe à mon contrôle, dépasse mon pouvoir.. »

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