Devoir de Philosophie

La vérité est-elle différente de la réalité ?

Publié le 03/03/2004

Extrait du document

S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit." Gaston Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, Vrin, 1938. Un dernier aspect de cette opposition permet à l'auteur d'opérer une distinction capitale qui constitue la thèse véritable de ce texte. L'opinion, nous dit-il, n'envisage les objets sur lesquels elle porte ses jugements que par rapport à l'aspect de leur utilité la plus commune. La pluie n'est pas pour elle un phénomène de condensation complexe qu'il s'agit d'étudier pour lui-même, elle est cette eau qui tombe du ciel et que je ne définis, dans l'opinion, que par rapport à mes propres intérêts : nécessité d'arroser les récoltes, par exemple. De même, l'eau n'est pas cette molécule que le savant définit par la formule H20. Elle est, pour l'opinion, cette réalité qui lui permet de boire, de se laver, de faire bouillir grâce à elle des aliments, etc.

 

De manière générale, on qualifie de « vrais « ou de « faux « aussi bien des énoncés que des choses, des événements, des situations, etc. Dans tous les cas, ces qualifications renvoient aux idées de concordance et de non concordance, d’adéquation et de non adéquation, de conformité et de non conformité. Pourtant un énoncé ou une chose (un événement, etc.) ne sont pas vrais de la même façon. L’énoncé « la terre tourne autour du soleil « est vrai parce qu’il est conforme à ce que l’on sait de la réalité ; en revanche, si on parle de vraies perles, c’est pour insister que ce ne sont pas des fausses en plastique par exemple ; toutefois, elles n’en restent pas moins réelles. Mais on ne peut dans l’état actuel de nos connaissances faire l’hypothèse que la terre ne tournerait pas autour du soleil. On remarque que c’est le jugement qui change sur la nature des perles par exemple (elles sont vraies ou fausses), mais leur existence n’est pas remise en cause. Les qualifications des choses comme vraies ou fausses rejoint la définition philosophique traditionnelle de la vérité comme « adéquation de l’esprit et de la chose «. Beaucoup de philosophes ont confondu, à l’instar du sens commun, vérité et réalité. La réalité désigne ce qui existe, ce qui s’impose par les sens (le monde sensible) ou par l’esprit (comme les idées mathématiques). Mais peut-on prétendre à une vérité totale et simplement scientifique ? 

 

« Mais bien plutôt un savoir qui ne se réduit pas à ce qui fait, pour nous, l'utilité de tel ou tel phénomène.Bachelard retrouve ainsi l'idée, développée par Auguste Comte, selon laquelle la recherche scientifique est, en sonprincipe, désintéressée.

Cela signifie qu'elle n'est ni conduite, ni limitée par la seule satisfaction des besoinsimmédiats, à quoi on reconnaît l'utile.Elle est désintéressée parce qu'elle vise à définir les phénomènes naturels indépendamment de la question de savoirsi ces derniers peuvent répondre à nos besoins, contrairement à l'opinion, qui ne les appréhende que sous cet angle.

Bachelard établit dans ce texte que la science s'oppose à l'opinion.Contrairement à une idée répandue que Bachelard cherche à réfuter, il nes'agit pas ici d'une opposition de circonstance, comme lorsqu'une théorievient contredire ce que l'opinion commune tient pour vrai.C'est une opposition de principe, liée à la nature fondamentale de cetteconnaissance qu'on appelle la science.

Pour cette dernière, dans tous les cas,«l'opinion a, en droit, toujours tort».

Comment l'auteur peut-il affirmer cela?Pour comprendre cette affirmation, il faut distinguer le fait du droit.

Certes, ilpeut arriver qu'une opinion «vise juste» dans son appréhension d'unphénomène quelconque, mais cette justesse de fait, qui permet de la«légitimer», ne lui donne malgré tout aucune valeur.

L'opinion est, dans sonprincipe, « antiscientifique », ce qui signifie qu'elle ne repose pas sur untravail critique.Elle s'appuie, en effet, sur des préjugés, des idées reçues, ou une observationpremière des phénomènes.

L'opinion pense mal, ou plutôt : elle ne pense pasdu tout.La science, au contraire, n'est pas observation première.

Elle n'est niprisonnière de l'apparence, ni asservie aux préjugés.

En outre, elle estobservation polémique, confrontation et examen critique d'un réel activementsollicité.

C'est pourquoi la science ne croit pas aux évidences : «Rien ne vade soi.

Rien n'est donné.

Tout est construit.

», écrit Bachelard, qui retrouve ainsi les critères du travail scientifique, que le savant Claude Bernard avait défini au XIX siècle, dans sonIntroduction à l'étude de la médecine expérimentale.

Le vrai est le tout. La formule : « Le vrai est le tout » apparaît dans le véritable manifeste qu'estla Préface de Hegel (1770-1831) à la Phénoménologie de l'esprit (1807).Dans ce texte, Hegel présente une nouvelle façon de philosopher, qui romptavec le romantisme et que l'on nomme dialectique.

L'ambition de Hegel est deressaisir la totalité de l'histoire (de la réalité historique, mais aussi de laphilosophie, de l'art, etc.) comme une unité.

« Le vrai est le tout » signifieque l'on ne comprend une chose qu'en refusant de l'isoler et de la considérerhors du processus dans lequel elle s'insère.« Le vrai est le tout » est, à première lecture, une formule énigmatique.Cependant, celle-ci peut définir la dialectique de Hegel ; la vérité n'est passeulement un moment, quelque chose d'immédiat, le but d'une recherche.

Lavérité est à la fois le but et le chemin qui y conduit, et isoler le résultat, c'estse priver de la «plénitude du détail », de l'intelligibilité du processus danslequel cette vérité se délivre.Hegel commence abruptement sa préface par la dénonciation de la façon donton comprend habituellement le rapport des doctrines philosophiques.

Oncherche seulement en quoi l'une s'oppose à l'autre, et l'on croit que si l'uneest vraie l'autre est fausse.

C'est contre cette conception du vrai et du faux,comme s'excluant réciproquement, de façon statique, que s'élève toutel'oeuvre de Hegel, attitude que résume notre formule « Le vrai est le tout.

»La façon traditionnelle de comprendre l'histoire de la philosophie « ne conçoitpas la diversité des systèmes comme le développement progressif de lavérité: elle voit plutôt seulement la contradiction dans cette diversité.

» Or, remarque Hegel, on pourrait tout aussi. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles