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La vérité peut-elle se définir par son utilité ?

Publié le 20/01/2004

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VÉRITÉLa vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité. Elle se définit traditionnellement comme l'adéquation entre le réel et le discours.Qualité d'une proposition en accord avec son objet. La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord de l'esprit avec ses propres conventions. La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements, l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel. On distinguera soigneusement la réalité qui concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement. Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux. La vérité ou la fausseté qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du jugement vrai. 1.

« établie entre les choses une liaison de nature à nous contenter; dès lors, enfin, qu'elle fonctionnera de façon à nousdonner une parfaite sécurité, tout en simplifiant notre travail, tout en économisant notre effort, - cette idée seravraie dans ces limites, et seulement dans ces limites-là; vraie à ce point de vue, et non pas à un autre; vraie d'unevérité "instrumentale", vraie à titre d"instrument", et seulement à ce titre.Telle est la théorie de la vérité "instrumentale", ou de la vérité consistant pour nos idées dans leur aptitude à fournirun certain "travail"; - théorie enseignée avec tant de succès à Chicago [Dewey], et ensuite propagée à Oxford[Schiller] avec tant d'éclat.

» William James, Le Pragmatisme (1907). Le pragmatisme, avec James, soutient que le seul critère de la vérité est le succès.

La pensée est au service del'action.

Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir : l'idée vraie c'est celle qui paie le mieux,celle qui a le plus de rendement, qui est la plus efficace.Pour apprécier la valeur de cette théorie il faudrait savoir quel sens donner aux formules de James.

L'idée vraie c'estl'idée utile.

Mais que veut dire « utile » ? Faut-il prendre le mot au sens de vérifiable ? En ce cas le pragmatisme est très acceptable.

Descartes lui-même, si attaché qu'il fût aux « idées innées » et auxévidences pures, reconnaissait qu'il se rencontre « beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun faittouchant les affaires qui lui importent et dont l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceuxque fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet.

»Malheureusement le mot « utile » tel qu'il est employé par les pragmatistes a le sens le plus large et le plus vague.James n'a jamais rien fait pour en dissiper l'équivoque : « Ce qui est vrai c'est ce qui est avantageux de n'importequelle manière.

» Ainsi une loi physique ou chimique est vraie si elle a des applications techniques fécondes.

Mais aussi une croyancepolitique est vraie si elle me donne « bonne conscience », si elle me justifie ; une théorie philosophique est vraie sielle calme mes inquiétudes, si elle assure « mon confort intellectuel », une religion est vraie si elle est consolante, sielle me permet de m'améliorer moralement.

L'idée de Dieu est comme toutes les autres idées, elle n'est vraie que sielle est rentable et James déclare sans ambages : « Dieu est une chose dont on se sert.

» « Je dois d'abord vous rappeler ce fait que posséder des pensées vraies, c'est, à proprement parler, posséder deprécieux instruments pour l'action.

Je dois aussi vous rappeler que l'obligation d'acquérir ces vérités, bien loin d'êtreune creuse formule impérative tombée du ciel, se justifie, au contraire, par d'excellents raisons techniques.Il n'est que trop évident qu'il nous importe, dans la vie, d'avoir des croyances vraies en matière de faits.

Nousvivons au milieu de réalités qui peuvent nous être infiniment utiles ou infiniment nuisibles.

Doivent être tenues pourvraies, dans le premier domaine de la vérification, les idées nous disant quelle sorte de réalités, tantôt avantageusespour nous, tantôt funestes, sont à prévoir.

Et le premier devoir de l'homme est de chercher à les acquérir.

Ici, lapossession de la vérité, au lieu, tant s'en faut ! d'être à elle-même sa propre fin, n'est qu'un moyen préalable àemployer pour obtenir d'autres satisfactions vitales [...].Mais, maintenant, que faut-il entendre par « l'accord » que la définition courante exige à l'égard de la réalité ? C'estici que le pragmatisme et l'intellectualisme commencent à se fausser compagnie.

Le fait d'être « d'accord », au sensle plus large du mot, avec une réalité, ne peut être que le fait, ou bien d'être conduit tantôt tout droit à elle, tantôtdans son entourage, ou bien d'être mis en contact effectif et agissant avec elle, de façon à mieux opérer soit surelle-même, soit sur un intermédiaire, que s'il y avait désaccord [...] J'en viens donc à dire, pour résumer tout cela :« le vrai » consiste tout simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée, de même que « le juste »consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre conduite.

» James, « Le pragmatisme ».

La conception pragmatiste de la vérité vient de ce que James subordonne la pensée à l'action.

La réussite de celle-ci devient dès lors le juge de la vérité ou de la fausseté de nos « croyances » ou idées.

Cette vision utilitariste de lavérité s'oppose absolument à la conception spéculative des philosophes grecs, et d'une manière générale à ce queJames appelle l' « intellectualisme », c'est-à-dire une définition de la vérité comme simple contemplation du réel :lavérité ne satisfait pas une exigence spéculative désintéressée (elle n'est pas « à elle-même sa propre fin »), ellerépond à « d'excellentes raisons pratiques ».Cela signifie pas que la vérité est arbitraire, et qu'il n'existe pas de vérités objectives, comme le croyait Protagoras.La vérité est bien concordance avec le réel, mais pas en le copiant : en nous guidant à travers lui et en permettantà nos actions d'avoir prise sur lui. 3.

La volonté de vérité, une volonté de mort ? « Donc la foi dans la science, cette foi qui existe en fait d'une façon incontestable, ne peut avoir son origine dansun calcul utilitaire; elle a dû se former au contraire malgré le danger et l'inutilité de la "vérité à tout prix", danger etinutilité que la vie démontre sans cesse.

(Vérité "à tout prix"! Nous savons trop bien ce que c'est, nous ne le savonshélas que trop, quand nous avons offert sur cet autel, et sacrifié de notre couteau, toutes les croyances, une àune!) "Vouloir la vérité" ne signifie donc pas «vouloir ne pas se laisser tromper», mais, et il n'y a pas d'autre choix:"vouloir ne pas tromper les autres ni soi-même", ce qui nous ramène dans le domaine moral.

Qu'on se demandesérieusement en effet: "Pourquoi vouloir ne pas tromper?", surtout s'il semble - et c'est bien le cas ! - que la vie soit. »

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