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«Je ne veux pas qu'on me plaise, […] je veux qu'on m'instruise». Ce souhait du géant Micromégas dans le conte de Voltaire du même nom (1752), vous semble-t-il de nature à éclairer les enjeux de l'apologue et le travail d'écriture mené par Voltaire dans Memnon?

Publié le 11/09/2006

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conte

Jean de La Fontaine dit à Madame de Montespan, la maîtresse du Roi Soleil la chose suivante: «L’apologue est un don qui vient des immortels; ou si c’est un présent des hommes, quiconque nous l’a fait mérite des autels«. En effet, l'apologue, du grec «apologos«, qui signifie «le langage sous le langage« est une forme de récit à son apogée au XVIIIe siècle, siècle des Lumières, du savoir et de la réflexion. L'apologue désigne ainsi un court récit démonstratif, à visée argumentative ou didactique, dont on tire une morale pratique. Dans le conte philosophique Micromégas, de Voltaire, le géant éponyme déclare: «Je ne veux pas qu'on me plaise, je veux qu'on m'instruise «. On peut alors se demander si ce souhait est de nature à éclairer les enjeux de l'apologue et le travail d'écriture mené par Voltaire dans Memnon. On verra alors, que, si l’instruction tient un rôle majeur dans le travail de l’apologue, la possibilité d’en faire un récit plaisant est également primordiale. Enfin, nous verrons que cette forme présente des limites.    Toutes les définitions de l’apologue s’accorde sur un point : l’enjeu invariable de l’apologue est de délivrer une morale.  En effet, l’auteur de l’apologue peut tout d’abord donner une leçon de vie à ses lecteurs, cachée (ou non) sous un récit fictif. Il faut savoir que Voltaire n'est pas le premier à penser à cette forme de récit, puisqu’on retrouve une forme d’apologue, la parabole, dans le livre le plus lu de tous les temps : la Bible. L’une des plus connues, la parabole du bon samaritain, sous une histoire inventée, explique à ceux qui l'écoutent une leçon de vie. Voltaire fit de même avec ce qu'on appelle ses «contes philosophiques«. Il le démontre ainsi dans Memnon, ou la sagesse humaine, qui raconte l’histoire d’un homme qui prend la décision d’être parfaitement sage. Seulement, sa curiosité, et ses idées toutes faites lui font perdre tout ce qu’il a. Ici, la leçon est claire : il ne faut pas faire preuve d’indiscrétion, et il ne faut pas avoir d’à prioris. Diderot le fait également, par exemple avec une histoire tirée de Jacques le Fataliste et son maître , qui explique, en prenant pour modèle un certain Gousse, qui, sous des aspects généreux se montre en fait totalement malhonnête, qu’il ne faut pas se fier aux premières apparences.  L’apologue a aussi un autre but : son auteur peut l'utiliser pour critiquer des décisions ou des faits qu'il considère comme anormaux ou injustes. Voltaire le démontre d'ailleurs avec son apologue: Aventure indienne, traduite par l'ignorant. Dans ce récit mettant en scène le philosophe grec Pythagore, il critique la justice qui a condamné le Chevalier de la Barre, pour avoir oublié d'ôter son chapeau lors d'une procession religieuse. Il condamne dans ce récit non seulement l’intolérance parfois ridicule dont font preuve les hommes et surtout l’Eglise, mais aussi le voyeurisme de ceux qui prennent plaisir à regarder des condamnés à mort mourir.  Enfin, l'auteur de l'apologue peut démontrer sa philosophie et critiquer celle des autres. Voltaire nous en montre l'exemple parfait dans Candide, ainsi que dans Memnon, lorsqu'il critique ouvertement la philosophie de Leibniz, qui dit que «tout est bien dans le meilleur des mondes«. Dans Memnon, c’est en croyant à une telle philosophie, que le pauvre Memnon perd tout ce qu’il a. Dans Candide, c’est l'ironie qui se charge de la critique, puisque même en voyant les pires horreurs, Candide continue de penser que «tout est bien dans le meilleur des mondes«, ce qui apparaît comme ridicule quand on voit tous les problèmes qu’il rencontre.  Le côté didactique de l’apologue est donc capital.    Cependant, le plaisir du lecteur est lui aussi très important dans l'apologue : c’est lui qui fait son succès.    En effet, la forme plaisante de l'apologue sert à attirer les lecteurs : c’est plus divertissant à lire que les livres purement instructifs tels que l'Encyclopédie de Diderot, qui, certes, regroupe tous les savoirs de l’époque, mais est longue et difficile. Au contraire, l'histoire de Candide, par exemple, est non seulement porteuse d'une morale, mais aussi et surtout un récit d'aventure très divertissant pour tous.  De plus, l'apologue permet une approche plus légère de la philosophie, et il lui confère une facilité de compréhension, et de mémorisation. Par exemple, les fables de La Fontaine, sont faciles à lire, même pour les plus jeunes, et leur forme versifiée permet leur apprentissage. Quel enfant n'a pas appris par cœur « la Cigale et la Fourmi «? Cette fable nous apprend que même s'il est difficile de travailler, c'est aussi indispensable, si l'on ne veut pas, comme la cigale, se retrouver «fort dépourvu(e) quand la bise [sera] venue«. On retrouve également cela dans l’histoire de Memnon, écrite par Voltaire, puisqu’elle est très simple à comprendre non seulement au niveau du récit, mais également au niveau du langage. De plus, la forme généralement concise de l’apologue permet de ne pas se perdre dans les détails pour se focaliser sur la morale.  Ensuite, cette forme, non seulement plaisante, permet d’éviter la censure. On le retrouve dans les fables de La Fontaine, lorsque le roi Louis XIV est incarné par le lion et sa cour par d’autres animaux, pour faire passer les critiques contre le pouvoir absolu. Si cette fable n’avait pas été racontée ainsi, La Fontaine n’aurait pas pu les éditer en France, et encore moins les présenter et plaire au Roi Soleil, sans éviter la censure ou pire: la condamnation à mort.    Cependant, Voltaire a raison sur un point : la forme plaisante de l’apologue comporte quelques limites qui font parfois obstacle à la totale compréhension de l’apologue.    Tout d’abord, l’apologue repose sur l’implicite. Ce côté qui fait son succès à un revers de médaille: si elle est trop cachée, la leçon délivrée peut être mal interprétée, ou mal comprise par le lecteur. On peut le voir dans Candide, lorsque la morale « il faut cultiver son jardin « peut et doit être interprétée par chaque lecteur à sa façon. Ainsi, personne ne peut affirmer avec certitude ce que Voltaire entendait par cette phrase. C’est également le cas dans Micromégas : lorsque le géant Micromégas remet aux humains un livre sensé contenir la vérité, ce livre est en fait rempli de pages blanches… Le lecteur doit alors chercher quel est le sens de cela tout seul.  De plus, le côté plaisant, divertissant de l’apologue entraîne lui aussi une limite de taille : elle peut détourner le lecteur du sens même de l’apologue : sa morale. Le lecteur peut en effet n’y voir qu’un simple conte. Tel est le cas du Taureau Blanc de Voltaire. Ce récit est relativement long et sa morale peut facilement être couverte par l’histoire de la princesse Amadis et son amour pour le prince Nabuchodonosor.  Enfin, contrairement à l’essai par exemple, l'apologue ne permet pas de démontrer une argumentation structurée où chaque argument, suivi d’un exemple, est clairement énoncé. Si le fait de faire réfléchir le lecteur est intéressant, ce type d’argumentation est peut-être moins efficace qu’un tel type d’argumentation.    La Fontaine le dit dans la préface de ses fables: « L'apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l'une le corps, l'autre l'âme. Le corps est la fable; l'âme, la moralité. «. Ainsi, dans l’apologue, même si la morale est capitale, c’est aussi le côté divertissant de cette forme qui permet son succès. Memnon en est un parfait exemple, Voltaire lui-même ne peut pas le nier, puisque ses apologues sont parmi les plus connus. C’est un moyen utile pour se faire comprendre et de diffuser ses idées dans un siècle des Lumières, où de nombreuses façons de penser voient le jour. Encore aujourd’hui, le cinéma ou la musique, qui sont à la base des moyens de se divertir, sont souvent utilisés pour faire passer des messages engagés. La phrase de Micromégas n’est cependant pas entièrement inadaptée à l’apologue, car il ne faut jamais oublier de décrypter la morale, sans quoi l’œuvre perdrait tout son sens : telles sont les limites de l’apologue.

conte

« Tout d'abord, l'apologue repose sur l'implicite.

Ce côté qui fait son succès à un revers de médaille: si elle est trop cachée, la leçondélivrée peut être mal interprétée, ou mal comprise par le lecteur.

On peut le voir dans Candide, lorsque la morale « il faut cultiverson jardin » peut et doit être interprétée par chaque lecteur à sa façon.

Ainsi, personne ne peut affirmer avec certitude ce queVoltaire entendait par cette phrase.

C'est également le cas dans Micromégas : lorsque le géant Micromégas remet aux humains unlivre sensé contenir la vérité, ce livre est en fait rempli de pages blanches… Le lecteur doit alors chercher quel est le sens de celatout seul.De plus, le côté plaisant, divertissant de l'apologue entraîne lui aussi une limite de taille : elle peut détourner le lecteur du sensmême de l'apologue : sa morale.

Le lecteur peut en effet n'y voir qu'un simple conte.

Tel est le cas du Taureau Blanc de Voltaire.Ce récit est relativement long et sa morale peut facilement être couverte par l'histoire de la princesse Amadis et son amour pour leprince Nabuchodonosor.Enfin, contrairement à l'essai par exemple, l'apologue ne permet pas de démontrer une argumentation structurée où chaqueargument, suivi d'un exemple, est clairement énoncé.

Si le fait de faire réfléchir le lecteur est intéressant, ce type d'argumentationest peut-être moins efficace qu'un tel type d'argumentation. La Fontaine le dit dans la préface de ses fables: « L'apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l'une le corps,l'autre l'âme.

Le corps est la fable; l'âme, la moralité.

».

Ainsi, dans l'apologue, même si la morale est capitale, c'est aussi le côtédivertissant de cette forme qui permet son succès.

Memnon en est un parfait exemple, Voltaire lui-même ne peut pas le nier,puisque ses apologues sont parmi les plus connus.

C'est un moyen utile pour se faire comprendre et de diffuser ses idées dans unsiècle des Lumières, où de nombreuses façons de penser voient le jour.

Encore aujourd'hui, le cinéma ou la musique, qui sont à labase des moyens de se divertir, sont souvent utilisés pour faire passer des messages engagés.

La phrase de Micromégas n'estcependant pas entièrement inadaptée à l'apologue, car il ne faut jamais oublier de décrypter la morale, sans quoi l'œuvre perdraittout son sens : telles sont les limites de l'apologue.. »

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