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Le vivant serait-il connaissable sans l'errance, la maladie et la mort ?

Publié le 27/02/2008

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Le vivant serait-il connaissable sans l'errance, la maladie et la mort ?

Utilisé comme substantif, le terme générique « le vivant « recouvre l'ensemble des êtres vivants, mais désigne également les phénomènes et les propriétés qui constituent l'existence organique. C'est en ce sens que l'on parle de « sciences du vivant «. Celles-ci ne cessent, de leurs origines à nos jours, de progresser, de s'étoffer, de se complexifier et de se diversifier idéologiquement (on parle notamment de la controverse des thèses animistes, mécanistes, vitalistes). C'est dire l'immense difficulté pour l'homme d'approcher une connaissance du vivant.

La question ici posée aborde cette possibilité d'une telle connaissance à partir des aspects négatifs (errance, maladie) et même antithétiques (la mort) de la réalité vivante. Celle-ci semble donc, de prime abord, pour le moins paradoxal. Il faut pourtant bien reconnaître que ces trois aspects fonctionnent comme des « limites « au vivant. Ils sont, en outre, opérant pour tout organisme vivant, sans exception.

Est-ce à dire que ces trois modalités négatives sont, comme limites inhérentes au vivant, les conditions nécessaires de la connaissance de ce dernier ?

  • La connaissance des limites négatives intrinsèques du vivant est-elle, pour autant, une connaissance suffisante ?

  • Certaines pensées philosophiques ne permettent-elle pas, pourtant, d'accéder à un savoir du vivant par sa négativité ?

 

« Souvenons-nous que les progrès continuels effectués dans les sciences du vivant ont une histoire, des originesdiverses.

Les progrès en anatomie humaine, par exemple, durent beaucoup aux travaux (clandestins !) de Léonardoda Vinci qui, à l'époque, n'hésitait pas (malgré les interdictions religieuses) à aller chercher des cadavres humainspour les explorer ! La mort eut, en ce sens, une portée « heuristique » (qui aide à la connaissance).

Rappelons, en outre, que si les phénomènes de l'errance, de la maladie et de la mort semblent contredire enpremière analyse le concept de vie, ces limites sont cependant des phénomènes qui ne se rencontrent qu'en rapportétroit avec celle-ci ! Ce paradoxe, loin d'être un pur constat vain, nous offre de connaître le vivant dans sonuniversalité (tous les êtres vivants sont confrontés à ces aspects) mais également dans ses spécificités.

Certainesmaladies sont, par exemple, propres à une espèce vivante.

Dès lors, ces aspects sont plus que des limites auvivant, ce sont des modalités du vivant ! Nombreuses sont les philosophies qui ont construit leurs interrogations et discours sur le vivant à partir des aspectsobscurs, paradoxaux et négatifs de celui-ci.

Ce fut ainsi le cas de Hegel et Heidegger, exemples parmi tant d'autres.Le premier consacra son existence à penser et déterminer les mécanismes du vivant.

Sa thèse est que la vie estl'oeuvre d'une rencontre entre ce qu'il appelle l' « Esprit » ( Geist en allemand) et la matière.

Cette entité spirituelle aurait donc choisi de s' « incarner » dans l'espace et le temps (et donc accepté la souffrance, l'errance, la maladie,la mort inhérentes à ce choix) pour prendre acte concrètement de lui-même ! L'histoire du monde et donc du vivantserait donc l'oeuvre de ce choix, de cette rencontre métaphysique ! (cf.

La Phénoménologie de l'Esprit , œuvre dans laquelle Hegel raconte l'itinéraire, l'histoire de cette incarnation).

Le fait est que Hegel voit dans ces « négativités »le moteur même de cette histoire, et donc de la connaissance qui en découle.

Toute négation (et donc celles,suprêmes, de la vie) est, en son sens, porteuse de vérité et de connaissance.

L'homme, en s'appropriant cesnégativités (et donc en cessant de les mépriser), en faisant la douloureuse expérience de la conscience qui souffre(parce qu'elle sait qu'elle doit connaître la souffrance, l'ignorance, la mort ; Hegel parle de « consciencemalheureuse »), progresse intellectuellement par la prise en considération de sa nature double et paradoxale : entant que figure de l'Esprit, il est pur intellect, sans limites.

Mais en tant que corps, il est limité, en proie à lasouffrance, la maladie, la mort.Heidegger (cf.

Être et Temps ) voit également dans cette finitude (souffrance, limite, mort inexorables) un chemin tracé vers la sagesse.

L'homme ne peut progresser dans sa connaissance qu'en affirmant cette finitude (l'homme est« un être pour la mort » dira-t-il !) intrinsèque.

Il rejoint en cela, mais de manière différente, les pensées de Hegelet Kierkegaard.

La « finitude radicale » (limite fondamentale de l'être humain) est cela même qui permet à l'hommede connaître plus profondément le sens du vivant ainsi que sa place spécifique au sein de cette globalité.

Heideggernous donne d'ailleurs à voir dans quelles conditions (l'angoisse liée à des situations fondamentalement esseulentescomme la souffrance, la maladie, la rupture, l'errance, la proximité de la mort) les hommes prennent conscience queleurs constructions artificielles (monde social, réseau de significations, bavardages) perdent leur sens au profit d'unsens plus authentique, celui de la vie telle qu'elle est vraiment ! Connaître le vivant signifie donc, expressémentchez Heidegger, accepter les épreuves négatives authentiques inextricablement liées à la vie elle même.

Conclusion Le vivant, en se donnant par ses aspects négatifs, rebute l'esprit humain qui s'y confronte.

Les hommescherchent le plus souvent à fuir ses modalités négatives liées à la vie. Toutefois c'est bien par l'acceptation et l'étude de ces modalités que les sciences du vivant ont, à leur origine,pu faire de remarquables progrès.

Ces modalités marquent, certes, une finitude essentielle du vivant maisdonnent également à l'homme la possibilité de connaître « authentiquement » l'essence de la vie telle qu'elle semanifeste.. »

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