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Vous avez étudié à la fois des textes isolés figurant dans vos manuels scolaires et quelques œuvres intégrales. De ces deux façons d'aborder la littérature, laquelle vous a paru la plus intéressante et vous semble devoir être privilégiée? Vous justifierez votre point de vue en vous référant à des exemples précis.

Publié le 09/03/2011

Extrait du document

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« « Le but du roman, selon Hytier, n'est pas de reconnaître le monde mais de le recréer, ni de définir la vie, mais d'endonner l'illusion.

» La littérature a une vérité qui n'est jamais autre chose qu'un accroissement de son pouvoird'illusion.

Elle forme un monde particulier, cohérent qui, selon sa puissance ou la valeur du lecteur, offre un intérêtrelatif.

Le lecteur, si l'œuvre lui plaît, se plonge et s'absorbe dans cet univers dont le contact lui procure undépassement.

Mais souvent il goûte un passage qui représente à ses yeux l'absolu d'un instant tandis qu'une œuvreentière peut aussi présenter pour lui d'autres attraits.

Intervient alors ce problème qui est de choisir laprédominance de l'extrait ou de l'intégrale de l'œuvre.

Faut-il condamner l'attrait des extraits de texte en dénonçantleur superficialité au profit de la connaissance quantitative de l'œuvre, érudition parfois bien vaniteuse? Qui n'a pas été un jour lecteur d'un instant et, s'exclamant sur son plaisir au contact d'un texte littéraire, n'acependant pas ressenti le désir de connaître l'œuvre d'où le passage était extrait? Il faut bien admettre que, parfois, notre volonté d'intellectuel, habituée à aborder par la « grande porte » l'œuvre,c'est-à-dire à lire consciencieusement de la préface jusqu'au dernier chapitre, ne peut résister à la lecture d'un seulpassage, et pourtant satisfaite, ne se forcera pas à une approche plus approfondie.

Cette contradiction apparenteconduirait à supposer que certains textes séparés détiennent une forme de charme et constituent une catégorie àpart.

Car comment se peut-il qu'une page unique d'une œuvre digne de ce nom, donc formant un tout, retienne toutà coup l'attention et suscite un intérêt particulier? L'exemple des manuels scolaires est caractéristique.

Ces manuelsenferment de nombreux extraits de genres divers mais groupés selon un même critère, la valeur culturelle.

Or l'élèvepourra aussi bien en lire quelques-uns et abandonner sa lecture au bout de la septième ligne que « s'enflammer »pour d'autres textes, dont la valeur reste discutable.

L'élève s'enthousiasmera en découvrant le tableauextraordinaire «des rives du Meschacebé », mais il est bien rare qu'il soit pour autant tenté de rechercher l'œuvreentière et la silhouette de Chateaubriand.

Il aura dégagé de cet aperçu du roman Atala un dépaysement enchanteurcar l'œuvre sera intervenue par le passage précis en lui offrant un de ses aspects pittoresques.

De même, lelecteur, séduit par l'une des péripéties arrivées à Fabrice del Dongo ne retrouvera pas implicitement son premierplaisir en découvrant ensuite l'intégrale de la Chartreuse de Parme.

Il ressentira en effet peut-être une déceptionsoit parce que l'œuvre présente d'autres dimensions qui lui sembleront longueurs, soit parce que le charme de lapremière approche s'est altéré.

Car c'est précisément l'illusion de pénétrer dans un univers d'un attrait soudain quidonne sa saveur à la lecture d'un passage coupé de son œuvre complète.

Le lecteur est passif, ignorant la tonalitécomplète du texte, il comprend inconsciemment la richesse de ce moment presque « sacré » car pur de toutecritique, jugement ou préjugé qu'auparavant il aurait pu acquérir sur la portée de l'auteur.

Ainsi le lecteur sera peut-être fortement intéressé par les débats philosophiques soulevés dans la Nausée par Sartre, auteur que ce lecteurrejetait naguère du fait de son anticonformisme proclamé.

Le lecteur alors ressent totalement l'intensité et l'ampleurde l'extrait.

Jusqu'ici ignorant le style et le genre de l'œuvre, il est assailli par un langage nouveau.

Nous réagissonsde même devant le lyrisme grandiose des « deux infinis » de Pascal.

Cependant une fois la satisfaction de cettecommunion entre lecteur et instant de l'œuvre consumée, est-il vain de pousser la curiosité jusqu'à lire l'œuvreentière même si le charme de l'instant risque d'être transformé? L'émotion retirée de l'extrait ne semble-t-elle pas -sil'on y réfléchit — superficielle et gratuite? La littérature présente en effet deux aspects, intellectuel et esthétique.

Or la lecture d'un passage ne livre quecertaines facettes, elles-mêmes éléments d'un tout, expression personnelle et spécifique.

Un livre est réalisé pourêtre lu, compris, interprété.

L'approche unique d'un de ses passages semble dérisoire et presque un non-sens àl'affirmation de l'œuvre.

Quelles seraient les possibilités de compréhension véritable du lecteur face à quelquesextraits des Pensées que Pascal élaborait comme une œuvre de prosélytisme^, œuvre toute entière tendue versune finalité? Cette approche insuffisante lasserait certainement plus qu'elle n'inciterait à rechercher le sens del'édifice entier.

Cette lecture furtive peut aussi défigurer la valeur de l'œuvre.

Quel ne fut pas le lecteur qui, agacéou ennuyé par une longue ou lente description, a rejeté son livre et catalogué l'auteur comme un artiste ou sansgénie ou ennuyeux? Bien des enfants, poussés trop tôt à lire les puissantes descriptions du Cousin Pons oud'Eugénie Grandet, répugnent - devenus adolescents - à pénétrer dans l'œuvre complète de Balzac.

Le lecteur seraaussi pris au dépourvu en découvrant, sans aucun renseignement sur l'intention philosophique de Diderot, le conteJacques le fataliste.

Un passage n'aura pour conséquence que de le troubler; comment pourrait-il découvrir, par cecontact avec quelques paragraphes seulement, les problèmes moraux soulevés à travers l'apparent badinage dupersonnage? Une préparation semble nécessaire à la pénétration de l'œuvre en son entier.

Souvent, l'époque, lesconditions sociales, les mouvements littéraires sont de précieux indices.

Mais pour comprendre totalement lasignification de l'œuvre, la seule vraie méthode est la découverte de l'intégrale.

Le lecteur peut alors apprécier lesqualités de l'œuvre que la première vue d'un passage ne saurait contenir.

L'œil du lecteur scrute l'œuvre entière,sans doute attiré davantage par tels détails mais sans les privilégier aux dépens du tout.

L'œuvre est un corps; or«un tout est beau lorsqu'il est un », affirme justement Diderot dans une lettre à S.

Volland.

Donc le lecteur désirantpénétrer l'œuvre s'absorbera dans une lecture consciencieuse afin de ne pas laisser échapper la moindre subtilité.Certes il ne s'agit pas de se heurter à l'écueil bien insupportable qui ravale la lecture au rang de connaissance de «bon ton ».

Le pédantisme du héros de La Bruyère, se vantant d'avoir « tout lu, tout vu », affleure souvent chez des« dévoreurs » de lecture.

La dénomination d'intellectuel encourage certains à « absorber » l'œuvre intégrale mêmes'ils en goûtent ou retiennent peu.. »

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