Vous montrerez comment les moralistes, les historiens qui ont vu. dans le développement du luxe le commencement de la corruption et de la ruine des Etats ont pu s'e tromper. Le luxe n'a-t-il pas une utilité sociale ?

Pour bien comprendre l'article de Voltaire et son attitude il faut, d'ailleurs, se souvenir des circonstances dans lesquelles il a été écrit. Le thème de la malfaisance du luxe était traditionnel; on exaltait la frugalité des Spartiates, des premiers Romains. Rousseau avait repris ce thème éloquemment en faisant, depuis 1750, le procès de la civilisation corrompue. Mais, depuis Saint-Evremond (fin du XVIIe s.), une réaction s'était fait sentir. On avait revendiqué pour l'homme le droit au bonheur. Les premiers « économistes » avaient disserté sur la « circulation des richesses » et les dépenses du luxe sont un des moyens essentiels de cette circulation. Voltaire était l'ennemi de la morale ascétique, l'ennemi de Rousseau; il croyait au progrès, à la civilisation aux bienfaits matériels de cette civilisation. De là le ton polémique de son article et surtout ce qu'il y a d'un peu étroit dans sa démonstration. Le problème est beaucoup plus complexe qu'il ne le croit et nous ne voulons pas dire, en le citant, qu'il ait nécessairement raison. Mais il s'agit seulement pour nous de donner un modèle de méthode et de style.