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Vous supposerez que la Cathos des Prècieuses Ridicules, vieillie, assagie et devenue, au fond d'une province, une bourgeoise mère, de famille, raconte à ses enfants son aventure avec le faux marquis deMascarille. Avec une gravité tempérée de malice, elle commente ce péché de jeunesse, et elle en tire la leçon qu'elle comporte

Publié le 13/02/2012

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famille

Un soir d'hiver, à Rouen, en 1680. Dans le salon d'un hôtel cossu, rue du Fardeau, au coeur même de la vieille cité, une bourgeoise est assise devant une vaste cheminée où brûle un joyeux feu de bois. A sa droite, deux garçons, de 13 et 17 ans; à sa gauche, deux filles, de 15 et 19 ans. Tandis que la flamme projette des ombres fantastiques sur la muraille, frères et soeurs se tiennent dans l'expectative. Madame leur mère leur a promis, en soupant, une histoire aussi drôle que vraie, dont l'héroïne leur est, paraît-il, fort connue. La conteuse va profiter, pour ce faire, de l'absence de Monsieur le Conseiller au Parlement de Normandie, parti pour les Andelys, où il mène je ne sais quelle enquête de son ressort. Madame la Conseillère narre à merveille, ses récits sont un régal pour ses enfants, toujours friands d'histoires. Aussi huit oreilles et huit yeux gourmands attendent-ils goulûment. Oyez s'ils avaient raison....

famille

« d'oncle qui, en maugreant, dut solder la facture: Le sejour de la petite ville devint, vous le comprenez, insupportable a nos mijaurees, « apres un tel affront ).

El les livrerent un assaut en regle a leur pere et oncle, pour qui affection et faiblesse etaient mots synonymes.

Me croirez-vous? cet honnete homme consentit a quitter ses vieux amis, ses anciennes habitudes, ses occu- pations pour suivre, ces petites sottes que la lecon n'avait point gueries. La province, pensaient-elles, n'est pas digne de nous.

Seule la capitale inerite d'enchasser de pareilles perles; hors Paris, centre du bon goat, du bet esprit, des manieres distinguees, hors Paris, point de saint! « El les y furent et, je vous l'ai dit, ce faillit etre pour leur perte.

A l'instar de Mlle de Scudery, de Mme de Sable et autres grander dames, elles reso- lurent de briller dans la Societe in plus brillante qui filt au monde.

Pensez done; elles avaient lu maintenant Balzac et Voiture, Benserade et Cotin! El les s'etaient essayees en prose et en vers :portraits, maximes, epi- grammes, sonnets, quatrains, enigmeA, elles n'ignoraient aucun des genres a In mode, et n'attendaient pour se faire imprimer qu'une occasion propice. Mille autres secrets qui se murmurent dans les ruelles leur etaient connus. El les savaient les meilleures adresses pour se procurer fards, savons et cos- inetiques; chaussettes, rubans et dentelles.

El les n'avaient point d'egales pour soupirer en minaudant : « Ah! ma there! voila le fin du fin!...

) ou : « Est-ce qu'on n'en meurt point?...

) ou encore : « oh! je me garderai de donner de mon serieux dans le doux de votre flatterie...

v Elles ne craignaient rien taut que de paraitre ce qu'elles etaient; aussi de quel superbe dedain elles chargeaient ces quatre mots.: « Voila qui est bourgeois!...

) La vanite avait tue en elles la reconnaissance; la folie romanesque etait pres d'y tuer le veritable amour, celui dont vous etes issus, mes enfants.

» Ici, Mine la Conseillere, qui allait se vendre, se rattrapa fort habilement. Le papa Gorgibus, continua-t-elle, car c'etait le nom du brave bourgeois Jun nom de guerre, invente par la conteuse pour les besoins de la cause) jugea que le meilleur moyen de guerir les deux toquees - ne se faisaient-elles pas appeler Aminte et Polyxene? - (Les levres questionneuses des auditeurs auraient bien demande leurs vrais noms, mais on savait que la conteuse n'aimait pas etre interrompue) c'etait de les marier.

Il connaissait a Paris deux gentilshommes, de petite noblesse, it est vrai, mais « honnetes gens» parfaits; it avait jadis etudie avec leur pere au College de Clermont; it les iuvita a le venir voir.

Its vinrent.

Leur seul defaut, aux yeux de nos deux precieuses, leur vice impardonnable, kali de ne s'etre point metes aux gens du « bel air >>.

Simples en leur cceur comme en leur tenue its allerent droit au but et demanderent bientot la main des deux cousines.

Ce fut une belle indignation : « Comment! venir en visite amoureuse avec une jambe tout unie, des pourpoints pen ou pas enrubannes, des chapeaux qui souffrent tine indigence de rubans! En arriver de but-en-blanc au mariage! Les jolis galants qui ne connaissent pas meme la Carte de Tendre! Fi done! nous ne nous marierons jamais qu'apres toutes les aventures comme dans le Grand Cyrus!...

>> Tandis que M.

Gorgibus grondait et se lamentait en pure perte, les gen- tilshommes, honteusement econduits, preparaient une eclatante vengeance. Ce sont eux, en effet, mes enfants qui furent, en l'occasion, les medecins des Ames, et qui administrerent a nos deux folles l'ellebore salutaire.

La maladie de la preciosite se transmettait du salon a l'offlce.

Nos pretendants repousses avaient chez eux deux echantillons de valets beaux-esprits; le plus habile - un nomme Mascarille fut depeche le premier par son maitre chez Aminte et Polyxene.

Quel « cavalier ) ! Copieusement emperruque et enru- banne, son pourpoint noye sous un fiot de dentelles, ses jambes empri- sonnees dans des canons d'une ampleur demesuree, sur ses souliers aux talons rouges sureleves, des nceuds comme une paire d'ailes; celui-la etait fait pour plaire, et l'on ne pouvait lui reprocher « une frugalite d'ajustement b ! Son parler, ses manieres, congruents a l'habit, achevent de conquerir l'admi- d'oncle qui, en maugréant, dut solder la facture; Le séjour de la petite ville devint, vous le comprenez, insupportable à nos mijaurées, « après un tel affront».

Elles livrèrent un assaut en règle à leur père et oncle, pour qui affection et faiblesse étaient mots synonymes.

Me croirez-vous'? cet honnête homme consentit à quitter ses vieux amis, ses anciennes habitudes, ses occu­ pations pour suivre.

ces petites sottes que la leçon n'avait point guéries.

La province, pensaient-elles, n'est pas digne de nous~ Seule la capitale mérite d'enchâsser de pareilles perles; hors Paris, centre du bon goût, du bel esprit, des manières distinguées, hors Paris, point de salut! « Ell~s y furent et, je vous l'ai dit, ce faillit être pour leur perte.

A l'instar de Mlle de Scudéry, de Mme de Sablé et autres grandes dames, elles réso­ lurent de briller dans la Société la plus brillante qui fût au monde.

Pensez donc; elles avaient lu maintenant Balzac et Voiture, Benserade et Cotin! Elles s!étaient essayées en prose et en vers : portraits, maximes, épi­ grammes, sonnets, quatrains, énigme~, elles n'ignoraient aucun des genres à la mode, et n'attendaient pour se fa(re imprimer qu'une occasion propice.

Mille autres secrets qui se murmurent dans les ruelles leur étaient connus.

Elles savaient ~es meilleures adresses pout se procurer fards, savons et cos­ métiques; chaussettes, rubans et dentelles.

Elles n'avaient point d'égales pour soupirer en minaudant.: «Ah! ma chère! voilà le fln du fln! ...

» ou: «Est-ce qu'on n'en meurt point? ...

» ou .encore: «oh! je me garderai de donner de mon sérieux dans le doux de votre flatterie ...

» Elles ne craignaient rien tant que de paraître ce qu'elles étaient; aussi de quel superbe dédain elles chargeaient ces quatre mots.: «Voilà qui est bourgeois! ...

» La vanité avait tué en elles la reconnaissance; la folie romanesque était près d'y tuer le véritable amour, celui dont vous êtes issus, mes enfants.» Ici, Mme la Conseillère; qui allait se vendre, se rattr:apa fort habilement.

« Le papa Gorgibus, continua-t-elle, car c'était le nom du brave bourgeois _(un nom de guerre, inventé par la conteuse pour les besoins de la cause) jugea que le meilleur moyen de guérir les deux toquées - ne se faisaient­ elles pas appeler Aminte et Polyxène'l - (Les lèvres questionneuses des auditeurs auraient bien demandé leurs vrais noms, mais on savait que la conteuse n'aimait pas être interrompue) c'était de les marier.

Il connaissait à Paris deux gentilshommes, de petite noblesse, il est vrai, mais « honnêtes gens» parfaits; il avait jadis étudié avec leur père au Collège de Clermont; il les invita à le· venir voir.

Ils vinrent.

Leur seul défaut, aux yeux de nos deux précieuses, leur vice impardonnable, était de ne s'être point mêlés aux gens du « bel air ».

Simples en leur cœur comme en leur tenue ils idlèrent droit au but et demandèrent bientôt la main des deux cousines.

Ce fut une belle indignation : «Comment! venir en visite amoureuse avec une jambe tout unie, des pourpoints peu ou pas enrubannés, des chapeaux qui souffrent une indigence de rubans 1 En arriver de but-en-blanc au mariage 1 Les jolis galants qui ne connaissent pas même la Carte de Tendre 1 Fi donc! nous ne nous marierons jamais qu'après toutes les aventures comme dans le Grand Cyrus! .•.

» Tandis que M.

Gorgibus grondait et se lamentait en pure perte, les gen­ tilshommes, honteusement éconduits, préparaient une éclatante vengeance.

Ce sont eux, en effet, mes enfants qui furent, en l'occasion, lef médecins des âmes, et qui administrèrent à nos deux folles l'ellébore salutru.re.

La maladie de la préciosité se transmettait du salon à l'office.

Nos prétendants repoussés avaient chez eux deux échantillons de valets beaux-esprits; le plus habile - un nommé Mascarille -- fut dépêché le premier par son maître chez Aminte et Polyxène.

Quel « cavalier » ! Copieusement emperruqué et enru­ banné, son pourpoint noyé sous un flot de denteiles, stts jambes empri­ sonnées dans des canons d'une ampleur démesurée, sur ses souliers aux talons rouges surélevés, des nœuds comme une paire d'ailes; celui-là était fait pour plaire, et l'on ne pouvait lui reprocher «une frugalité d'ajustement»! Son parler, ses manières, congruents à l'habit, achèvent de conquérir l'admi-. »

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