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Est-il vrai de dire que l'observation directe est loin de suffire pour apprendre à se connaître ? (Pistes de réflexion seulement)

Publié le 24/03/2004

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Dans L'Être et le Néant (chapitre II), Sartre fait le procès de l'inconscient, pour lui substituer la notion de « mauvaise foi ». Comment, écrit-il, la censure pourrait-elle refouler sans connaître d'une certaine façon ce qu'elle refoule ? Pour Sartre l'inconscient (entre guillemets) est le produit d'un refus du sujet. Il est le mode d'une conscience qui se rend étrangère à elle-même. Alors que chez Freud l'inconscient est l'Autre de la conscience, et qu'on n'y a pas accès en dehors de certaines circonstances, chez Sartre l'inconscient (entre guillemets) procède de la conscience puisque selon lui celle-ci est constitutive de tout ce qu'elle se donne.* Problématique(s) instituée(s) par la sociologie, la psychologie, l'histoire (singulièrement l'histoire dite des mentalités).citations * Sartre : « Comment discernerait-elle les impulsions refoulables sans avoir conscience de les discerner ? Peut-on concevoir un savoir qui serait ignorance de soi ? »* Marrou : « L'histoire nous libère des entraves, des limitations qu'imposait à notre expérience de l'homme notre mise en situation au sein du devenir, à telle place dans telle société à tel moment de son évolution. La prise de conscience historique réalise une véritable catharsis, une libération de notre inconscient sociologique.

« événements ? Ses biographes ont montré l'incertitude de son témoignage, tant au plan des faits que de leurinterprétation.On peut faire remarquer cependant que toute connaissance ne s'élabore pas sur le modèle scientifique.

Sans nier lavaleur de la distinction entre le sujet observateur et l'objet qu'il observe, on est en droit de penser que d'autresformes plus intuitives de la connaissance sont possibles, et mieux adaptées à certains domaines. c) Une objection psychologiqueL'observation directe de soi se heurte en outre à une autre difficulté : elle risque à tout instant d'être mise endéfaut par le sujet lui-même.

Celui-ci peut, en effet, se mentir à lui-même, ou vouloir donner à autrui une certaineimage.

Il faut faire référence ici aux analyses de Sartre sur la mauvaise foi.

Le choix d'une attitude mensongère parrapport à soi peut résulter d'une volonté de se masquer sa responsabilité, d'un refus d'assumer sa liberté.

Est-ilpossible d'être sincère avec soi-même ; n'existe-il pas toujours une tentation de jouer un rôle, de prendre uneposture par rapport aux autres et à sa propre conscience ? De plus, la connaissance qui m'objectiverait à mespropres yeux peut sembler contradictoire avec le projet de vivre qui dépasse toujours par définition ce que l'on est àun moment donné du temps.Admettre que l'on puisse apprendre à se connaître par observation directe revient alors à accepter de se figer, des'immobiliser en un ensemble de déterminations qui aliènent la personnalité.

La perspective sartrienne oblige àconsidérer, au contraire, que la liberté de chacun lui permet d'échapper aux déterminations qui le constituent.

Plusfondamentalement, le projet d'apprendre à se connaître s'oppose à une conception existentielle, pour laquellel'homme n'est pas une essence, mais un existant.

Certes la connaissance de soi reste possible, mais elle ne peutêtre complète : on peut rappeler ici les reproches de Sartre à Mauriac à propos de ses personnages romanesques :Sartre fait remarquer que les héros de Mauriac manquent d'humanité parce que leurs réactions sont prévisibles, enfonction de ce que l'on sait d'eux.

Ils sont prisonniers de leur « psychologie » qui les détermine.

Or, pour Sartre, lepersonnage doit pouvoir, comme chez Dostoïevski par exemple, commettre des actes imprévisibles, y compris de lui-même. 2 - Le leurre d'une observation directe a) Une objection de fond : la psychanalyseL'objection la plus forte à l'idée d'une connaissance de soi par observationdirecte, vient de la psychanalyse.

La théorie freudienne montre que laconscience, en son fonctionnement, est dans un rapport de méconnaissanceavec l'inconscient.

Pour le sujet, l'inconscient reste toujours hors de portée.Ses motivations profondes qui prennent forme dans cette instanceinaccessible, lui échappent.

En d'autres termes, la connaissance que le moipeut avoir de lui-même est limitée, puisqu'elle ne touche pas aux fondementsdes principes qui font agir l'individu.Bien au contraire, ce qu'il peut savoir ou croit savoir est marqué du sceau dela méconnaissance, de l'illusion.

Le moi conscient résulte en effet d'uncompromis qui s'instaure entre des forces qu'il ne contrôle pas, et qu'il neconnaît pas.C'est seulement par le biais du psychanalyste et le mécanisme du transfertque la connaissance devient partiellement possible.

La médiation du praticienest obligatoire : seul le psychanalyste, qui joue un rôle de catalyseur, peutorienter le sujet vers la découverte de lui-même.

Il empêche la résistance dupatient de faire son œuvre, en occultant une fois de plus les véritablesmotivations, en interdisant le retour du refoulé. b) Le clivage du sujetL'objection de la psychanalyse, si on l'accepte, récuse donc touteobservation directe : on ne peut pas se psychanalyser soi-même.

S'il en est ainsi, c'est parce que le sujet ne formepas un tout homogène.

Il est, au contraire, étranger à lui-même ; la conscience n'est qu'une instance constitutive,alors que l'inconscient échappe à toute connaissance.

Pour reprendre l'expression consacrée, le sujet est le lieu d'unclivage, d'une division qui le rend étranger : il n'est pas « maître dans sa propre maison » selon les termes de Freud. c) L'apport des sciences humainesLes sciences humaines, en mettant en cause également la primauté de la conscience individuelle, ont renforcé lesobjections adressées à l'observation directe de l'individu par lui-même.

Mais surtout elles ont mis en cause leprésupposé qui se situe au fond du problème : celui de l'identité de l'individu.

Est-il encore légitime de considérerque le sujet est souverain sur tout ce qui le concerne après les acquis de la psychanalyse et des sciences humaines? Peut-on encore penser les problèmes en les rapportant au sujet conçu comme une unité sans faille ? La réponse àcette question conditionne l'analyse même du problème. Conclusion La réponse à la question posée peut donc se dédoubler : dans la perspective de la psychologie, l'observation directefournit une connaissance intuitive, mais invérifiable qui se heurte aussi bien aux réticences scientifiques qu'auxphilosophies qui refusent l'objectivation de l'homme.

Mais elle est récusée dans son fondement même par tous ceuxqui dénient toute validité à la notion de sujet.

La question de la connaissance de soi devient alors un problème mal. »

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