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Commentaire : Les Fausses Confidences, Marivaux, Acte II scène 15

Publié le 03/10/2013

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Commentaire : Les Fausses Confidences, Marivaux, Acte II scène 15 Les Fausses Confidences est une comédie en trois actes écrite par le dramaturge Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, en 1937. Dans cette comédie d'intrigue, Dubois devient un véritable stratège. Par ses ruses, il va permettre aux amants d'exprimer leurs sentiments, jusque-là empêchés par leur différence de condition sociale : Dorante, fils désargenté d'un homme de loi, ne peut dire son amour à la riche veuve d'un financier, Araminte. Il se fait donc introduire en tant qu'intendant. Dans la scène 15 de l'acte II, Marton demande à Araminte de l'aider à épouser Dorante. Celui-ci s'explique, se déclare, et tombe aux genoux de la veuve. Marton voit la scène, et Araminte, confuse, chasse Dorante et nie les faits. On observera comment le stratagème d'Araminte va provoquer la révélation d'un amour partagé entre l'intendant et elle, en étudiant son double jeu, qui provoquera une révélation de sentiments. Nous verrons également comment cet amour est mis en danger à la fin de la scène. Le stratagème d'Araminte consiste à lui créer une double personnalité, et donc jouer un double jeu afin de provoquer Dorante et lui faire avouer son amour. Tout d'abord, nous pouvons constater que la ruse est menée à bien grâce à plusieurs mobiles. Araminte fait usage du portrait découvert dans la scène 9. Celle-ci fait semblant d'ignorer ce que représente la peinture, et désigne le « hasard « (ligne 74) pour justifier la connaissance de son existence. « Il m'en est tombé un par hasard « (ligne 74) ajoute un effet comique à la réplique de la maîtresse : on distingue l'exagération dans les mots « tombé « et « hasard «. A la découverte du tableau, elle demande à Dorante de l'examiner et le juge « extraordinaire «, expression qui peut avoir des connotations ironiques. Araminte, plus tôt dans la scène, questionne Dorante sur la raison pour laquelle il a choisi d'être son intendant plutôt qu'à une autre, étant donné que Marton n'était pas l'objet pour lequel l'intendant avait une préférence chez elle. Araminte fait preuve d'incompréhension, et demande naïvement plus d'explication. Cela contribue à sa ruse qui s'avère diabolique, car la veuve lance le sujet de l'amour dans sa réplique « Il y a quelque chose d'incompréhensible en tout ceci ! Voyez-vous souvent la personne que vous aimez ? « (lignes 25-27) qui pousse Dorante à la confidence. Sa maîtresse fait également preuve d'étonnement, ce qui accentue la tension de la scène, et par la même occasion son effet comique : « Avec elle ! Oubliez-vous que vous êtes ici ? « (ligne 61). Le lecteur et le spectateur savent qu'Araminte a été informée de l'amour que lui porte Dorante et rit lorsque cette dernière s'exclame. De plus, Araminte, pour fortifier son jeu, opte pour une stratégie offensive. En effet, la scène est vécue comme un duel, un corps à corps entre les deux personnages. Araminte se montre autoritaire dans son rôle de maîtresse de maison : on constate un emploi d'impératifs «  Vous avez tort « (ligne 17), « Montrez-moi ce portrait « (ligne 70), « examinez « (ligne 79). Le tempo des répliques est rapide, et celles-ci sont pour la plupart très brèves (pas de tirade). Ceci accentue le rapport de force qui s'installe : Araminte mène à bien son jeu, et Dorante se replie le plus possible et recule. La veuve se montre cruelle et sans pitié, et n'épargne pas son intendant. Elle le pousse à bout en ayant recours à de nombreuses interrogations : « Est-elle fille ? A-t-elle été mariée ? « (ligne 31) « Et ne devez-vous pas l'épouser ? Elle vous aime, sans doute ? « (lignes 33-34) « Que prétendez-vous ? « (ligne 58). On observe une répétition de « Que prétendez-vous « dans la réplique d'Araminte qui accroît l'effet d'offensive, de domination. L'utilisation du portrait est un supplice pour Dorante : il est obligé de se dévoiler, et Araminte obtient ce qu'elle veut de son intendant. Celui-ci est placé dans le doute et dans l'inquiétude tout au long de la scène, mais le lecteur connaît les intentions de la veuve grâce aux apartés : « il faut le pousser à bout « (ligne 69). Le ton d'Araminte est assez hautin, voire satirique : « Elle ignore que vous l'aimez, dites-vous, et vous lui sacrifiez votre fortune ? Voilà de l'incroyable. « (lignes 39-40). Cependant, une double personnalité se crée. En effet, Araminte se montre également flattée et sensible. Un aparté le prouve : «  Il a des expressions d'une tendresse ! « (ligne 30). La flatterie est également démontrée : « Elle est donc au-dessus de toute comparaison ? « (ligne 50), réplique à laquelle Dorante répond « Dispensez-moi de la louer, Madame « (ligne 51). Plus tard, l'auteur nous donne des informations sur le comportement de la veuve : celle-ci « baisse les yeux et continue «. Cela prouve que la confidence de Dorante l'a touchée. La maîtresse est décrite comme curieuse et impatiente ; le dénouement l'émoustille. En effet, l'emploi de phrases interrogatives à chacune de ses répliques traduit son mal. En se montrant cruelle auparavant, elle accentue la souffrance de Dorante, qui lui-même accentue celle d'Araminte, en l'affaiblissant définitivement : « Votre égarement me fait pitié « (ligne 83), « laissez-moi, allez-vous en « (ligne 90). La maîtresse laisse passer plus d'émotion, cachée auparavant à Dorante. En somme, il s'agit de l'effet de surprise de l'amour. Le double jeu d'Araminte pousse l'intendant à révéler ses sentiments, auxquels la maîtresse répond de manière implicite. Au cours de la scène, Dorante exprime ses sentiments en parlant d'une personne « inconnue « à sa confidente tout en la désignant. Celui-ci dresse un éloge amoureux de sa maîtresse. Le champ lexical de l'amour est employé : « douceur «, (ligne 23) ; «  épouser «, (ligne 34), « je l'adore « (ligne 36), « amour « (ligne 41), « passion « (ligne 51) ... On observe ainsi une soumission amoureuse, de la souffrance dans chaque mot. Araminte est désignée comme une idole : « avec son portrait, quand je ne la vois point « (ligne 62), « je l'adore « (ligne 36). Dorante est un homme épris, son langage hyperbolique en témoigne : « bien au-dessus « (ligne 45) ; « je mourrai « (ligne 46) ; « je m'égarerais « (ligne 52), « rien de si beau ni de si aimable « (ligne 53)... Ses exclamations accentuent l'expression de son amour : « Hélas ! « (ligne 35) ; « Etre aimé, moi ! « (ligne 44). Dorante se montre pessimiste, souffrant et malheureux (« Mon respect me condamne au silence «, ligne 45) : il emploie des expressions fortes. De plus, l'intendant opte aussi pour un comportement exagéré : «toujours abattu « (ligne 27) ; « il se jette à ses genoux « (ligne 82). On voit ainsi Dorante comme un personnage théâtral, inspirant la pitié : c'est un personnage pathétique. Dans sa ruse pour faire avouer l'intendant, Araminte, plus pudique et discrète, dévoile également ses sentiments. En effet, ses nombreuses questions dans lesquelles elle parle de l'être aimé de Dorante la désigne : « Elle vous aime, sans doute ? « (ligne 34). Cela prouve au lecteur et au spectateur qu'elle n'est pas indifférente à son intendant et peut mener vers la réciprocité des sentiments. Dans sa réplique ligne 38, sa légèreté la trahit : « Je ne vous interroge que par étonnement «. Son étonnement cache de l'émotion. De même, elle continue d'insister en disant « Elle ignore que vous l'aimez, dites-vous... « (ligne 39). Le message est désormais clair : Ses équivoques nous prouvent qu'Araminte sait que Dorante l'aime et elle l'aime en retour. A son tour, celle-ci fait usage d'expressions hyperboliques : « une passion si étonnante « (ligne 49) ; « incroyable « (ligne 40) ; « tant d'amour « (ligne 41). Araminte s'investit dans la confidence et donne son avis : « ce me semble : cela est naturel et pardonnable « (ligne 42). Son point de vue n'est pas objectif, et elle s'avoue touchée : « votre conduite blesse la raison « (ligne 56), alors qu'elle prononce ces mots les yeux baissés. Elle manifeste de l'intérêt pour ce portrait la représentant : « Son portrait ! Est-ce que vous l'avez fait faire ? « (ligne 66). Aussi nous pouvons constater qu'elle de se sent pas dérangée d'être aimée par Dorante : «  je ne me fâcherai point. [...]Je vous le pardonne « (ligne 84). Cet amour partagé est également associé à la fragilité, car l'implicite règne encore entre les deux personnages : personne ne s'est encore déclaré volontairement. Cet amour réciproque est mis en danger à la fin de la scène 15. Les certitudes que le lecteur s'est fait s'estompent peu à peu. En effet, l'entrée d'un témoin, en l'occurrence Marton bouleversé les aveux. Dès lors, Araminte, qui contrôlait son jeu, le perd complètement. L'intrusion de sa suivante est un événement imprévu, et son intimité est désormais révélée à la société. On constate que Marton est choquée de cette relation : elle s'enfuit et pousse un gémissement « Ah ! «. Le secret est dévoilé. Dès lors, Araminte change brutalement de ton : elle regagne son statut de maîtresse, et toute son autorité : « Elle vous a vu, vous dis-je : laissez-moi, allez-vous-en... « (ligne 90). Dorante, comme soulagé de la situation, feint d'être déconcerté, puis le remord prend la place de l'euphorie : « Voilà pourtant ce que c'est que de l'avoir gardé « (ligne 91), conclusion de la scène. En somme, on observe un retournement de situation inattendu, et une maîtresse souffrante en raison du trop-plein d'émotion : elle paraît comme une femme défaite. La mise en danger se fait également lorsque que le réalisme refait surface. Les deux personnages ont deux conditions sociales très différentes. La relation professionnelle est entravée : il y a une relation maître-serviteur ; La maîtresse est veuve et fait preuve de méfiance auprès des hommes qui n'en veulent qu'à son argent, en particulier de Dorante, qui comme indiqué dans la situation initiale, est un bourgeois désargenté. Les convenances sociales jouent également un rôle très important, et chaque personnage est enfermé dans son jeu. Leur rôle devient caricatural et romanesque : emploi du vocabulaire romanesque « sans espérance «, « secret inviolable «. On peut aussi penser à Dubois, qui a provoqué cet amour, qui au final est un « complot «. En conclusion, l'amour des deux personnages a été révélé grâce à la stratégie d'Araminte. Celle-ci, en menant à bien sa ruse, a été perturbée par ses sentiments qui ont été révélés peu à peu, ainsi que par l'intrusion de Marton dans l'aveu, qui a fait connaître la vérité au grand jour. Cet amour courtois, quelque peu interdit, a fait d'Araminte une femme fragile laissant échapper ses émotions. Sa fausse confidence a provoqué un retournement de situation : le piège tendu à Dorante s'est finalement refermé sur la veuve. Cette pièce a pour vocation de montrer au lecteur et au spectateur les sentiments des personnages à leur égard, sans dénouer toute l'action, car aucune déclaration n'est encore faite. En conséquence, elle tient le public en haleine tout en lui laissant apparaître un dénouement. Il a donc une position privilégiée puisqu'il est le seul témoin de l'intégralité de la scène, tout comme dans la scène 12 de l'Acte III, où un tête à tête entre les deux amants a de nouveau lieu, cette fois-ci laissant place à de vrais aveux de la part de chacun d'eux.

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