LA CONNAISSANCE PEUT-ELLE NUIRE AU BONHEUR ?
Publié le 01/11/2015
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CORRECTION BAC S PHILOSOPHIE PONDICHERY 2015 2/3 SUJET 2 : LA CONNAISSANCE PEUT-ELLE NUIRE AU BONHEUR ? INTRODUCTION : Lorsque l'on se plaint, on s'entend souvent dire : « tu ne connais pas ton bonheur ». Nous aurions tout pour être heureux, mais nous n'en aurions pas conscience, nous ne serions pas capables de nous en rendre compte, comme s'il était nécessaire que nous augmentions nos connaissances pour être heureux. Cependant, dans le même temps, ne parle-?t-?on pas aussi des fameux « imbéciles heureux », ces personnes dénuées de toutes connaissances, naïves, et qui néanmoins nagent en plein bonheur ? Leur existence met en question la nécessité de connaître pour être heureux. Ainsi, la connaissance peut-?elle nuire au bonheur ? À première vue, la connaissance paraît bien être handicapante dans la recherche du bonheur : ne serions-?nous pas en effet plus heureux si nous ignorions l'ensemble de tous les problèmes qui nous empêchent justement de l'être ? Mais dans le même temps, on peut se demander s'il n'est pas nécessaire de connaître au moins un peu pour être heureux, ne serait-?ce que, justement, pour « connaître son bonheur », et ne pas s'entendre dire que l'« on ne connaît pas son bonheur ». Partant, ne se pourrait-?il pas que le bonheur grandisse de façon proportionnelle à l'étendue de nos connaissances ? À partir de quand la connaissance devient-?elle handicapante dans l'accès au bonheur ? PLAN DETAILLE : 1 ? Connaître n'empêche-?t-?il pas tout bonheur ? ? Pour le dire avec les mots d'Heidegger, l'homme est un « être-?pour-?la-?mort ». Selon Heidegger dans Être et Temps, c'est bien cette connaissance-?là, de se savoir destiné à mourir, qui est à la source des angoisses et des peurs existentielles de l'homme. L'homme, à la différence des animaux et des plantes, se sait mourir, ce qui gâche son bonheur. L'homme cherche alors à oublier cette angoisse, à la dissimuler derrière les activités de la vie quotidienne ? Heidegger parle de « dévalement ». Les hommes prétendument heureux dans ce qu'ils font ne font que se leurrer : ils essaient d'ignorer ce qu'ils n'ignorent plus, la mort. ? Face à ces troubles, la religion propose un ensemble de réponses qui constituent selon elle des connaissances. Les grandes religions monothéistes promettent ainsi la félicité éternelle à qui conduit son existence droitement. Mais quel crédit accorder à ces connaissances proposées par la religion ? Selon Freud dans L'Avenir d'une illusion, la religion propose des réponses illusoires à ces craintes existentielles. Croire dans les promesses d'une religion revient à prendre ses désirs pour des réalités. La connaissance fait naître certaines craintes et chasse le bonheur. Ses craintes trouvent leur refuge dans les connaissances illusoires proposées par la religion. ? Plutôt que dans des illusions, on pourrait alors être tenté de chercher son bonheur dans l'ignorance. Cioran, philosophe pessimiste, faisait le v?u dans les Syllogismes de l'amertume de « ne plus être homme », au point d'envier l'existence paisible des plantes et animaux. Ceux-? là n'ont pas conscience d'exister. Tout un lot de questions existentielles et métaphysiques échappent pour ainsi dire à ces êtres, qui vivent dans une douce insouciance, contrairement à l'homme, toujours enclin au désespoir. Cioran rêvait de pouvoir se réveiller un jour fou, sans la raison, afin d'être délivré de sa détresse. Le bonheur est s'obtient au prix de la perte de toute connaissance. II ? Cependant, le bonheur ne suppose-?t-?il pas nécessairement la connaissance, en ce qu'il est la conscience d'un état de plénitude ? ? Les animaux et les plantes paraissent certainement heureux, mais le sont-?ils vraiment ? Le bonheur est à distinguer du simple plaisir et de la joie. Le plaisir est une sensation agréable, généralement corporelle, qui naît de la satisfaction d'un désir : nul doute que l'on peut en éprouver sans rien connaître, même s'il est évident que le plaisir est également quelque chose qui peut se cultiver grâce à la connaissance. La joie quant à elle est un sentiment de bien-?être, mais qui souvent n'est pas durable. Nul doute qu'un animal peut ressentir du plaisir ou de la joie. Mais le bonheur, en tant qu'il est un état durable de bien-?être, peut lui échapper, en tant que cet état nécessite la conscience de sa situation. ? La conscience ? étymologiquement « avec science » ? permet en effet de donner un autre relief aux plaisirs et aux joies. D'une façon paradoxale, on peut éprouver une infinité de plaisirs et de joies, tout en restant malheureux, de même que l'on peut enchaîner souffrances et tristesses, tout en étant heureux. Ceci parce que nous avons la capacité de prendre du recul sur ce qui nous arrive, grâce à la réflexion, grâce à la connaissance. ? Les stoïciens, comme par exemple Épictète ou Marc-?Aurèle, faisaient ainsi de la connaissance la clé permettant d'accéder au bonheur. Les stoïciens distinguent dans les choses celles qui dépendent de nous, de celles qui ne dépendent pas de nous. Ce qui dépend de nous est essentiellement notre jugement sur les choses, qui nous permet de les considérer comme des biens ou des maux, pendant que la plupart des autres choses nous échappent : nous ne sommes pas entièrement maîtres de la santé de notre corps, de ce que disent les autres de nous, ou encore de notre fortune. Les malheureux sont alors selon les stoïciens ceux qui ignore cette vérité. En effet, le bonheur est en effet accessible à quiconque connaît ce qu'il en est vraiment des choses. Les stoïciens connaissent qu'une chose n'est jamais en elle-?même un malheur, mais que c'est l'opinion que nous nous en faisant qui nous meurtrit. Les stoïciens connaissent qu'une chose n'est jamais entièrement un malheur, mais que, selon le point de vue que nous prenons sur elle, celle-?ci peut tout aussi bien être un bonheur. Les stoïciens connaissent également le fait qu'avoir la force de supporter un grand malheur avec courage peut constituer un grand bonheur. III ? Au final, les souffrances causées par la connaissance ne sont-?elles pas négligeables compte tenu de ses bienfaits ? ? À la source de toute connaissance, il y a au départ un désir de connaître, la fameuse « soif de savoir ». Comme tout désir non satisfait, la connaissance qui n'est pas encore faite, qui est encore recherche, fait naître une sorte de souffrance. L'ignorance de celui qui cherche à connaître est inconfortable. Mais la découverte en revanche, en tant que satisfaction de ce désir de connaître, provoque du plaisir, de la joie. La souffrance résultant du désir de connaissance qui attend d'être satisfait peut quant à elle être facilement surmontée par l'anticipation du résultat : simplement espérer connaître est un bonheur. ? Tout en ne permettant pas nécessairement d'apporter le bonheur en lui-?même, la connaissance peut toutefois nous aider à éloigner les peines et la souffrance, voire éloigner le malheur. Ainsi, la médecine permet de soulager de nombreux maux qui peuvent à eux seuls nous barrer la route du bonheur. La connaissance apparaît alors comme une condition nécessaire au bonheur, même si elle ne saurait être suffisante. ? Par ailleurs, Kant remarquait que le bonheur est quelque chose d'indéterminé. Si tout le monde comprend ce qu'est le bonheur, personne n'est capable de le définir de façon exacte, ni d'en donner avec certitude les voies d'accès. Il n'existe pas une science du bonheur, mais peut-?être existe-?t-?il comme un art d'être heureux, qui relève tout autant de la connaissance. On peut fort bien apprendre à être heureux, en suivant certaines règles que l'expérience des hommes nous ayant précédé nous a légué. Comme nous n'avons pas la connaissance exacte de la façon d'accéder au bonheur, le mieux est d'agir de façon « prudente », conformément aux préceptes de la « prudence » proposée par Aristote : il est plus probable que le bonheur ce situe dans un « juste milieu », que dans l'un ou l'autre de deux comportements extrêmes. Ce placer donc entre l'ignorance et la quête de la connaissance absolue.
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