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I–QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ?

Publié le 05/10/2020

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I–QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ?QUELLES FACULTÉS SONT À L’ŒUVRE? qu’est la vérité pour pouvoir la reconnaître quand on la cherche. La vérité estdans les choses, et l’essence de la vérité est impliquée danstoute définitionessentielle, qu’elle soit ou non celle de la vérité. La définition de l’essence dela vérité ne concerne donc pas que la vérité ; elle implique l’essence vraie detoute chose, c’est-à-dire l’être en général.De plus, ce qui est tenu pour vrai semble varier et se transformer d’uneopinion à l’autre, d’un pays à l’autre, et tout au long de l’histoire. « Vérité »ne signifie pas toujours quelque chose d’identique. Commentarticuler cettecontradiction entre l’un et le multiple ? La relativité apparente de la vérité neremet-elle pas en cause l’idée même de vérité ? Mais, plus encore, n’est-ce pasau fond l’essence même du vrai qui évolue au cours des âges ? Comment alorsconcilier l’idée qu’il puisse y avoir des mutations dans l’essence de la vérité,sans en tirer pour conséquence un relativisme sceptique, c’est-à-dire l’idéeque la vérité ne serait pas la vérité – qu’elle n’est pas véritablement vraie ?II Plan détailléI La représentation courante de la vérité1. L’évidence sensible2. L’opinion commune3. Relativisme et scepticismeII La conception philosophique1. Le regard sur l’essence2. La vérité en tant que certitude3. L’adéquation de la chose à l’intellectIII Art, religion, philosophie1. L’historicité du vrai2. Le nihilisme3. La vérité et le dévoilement de l’êtreIII Dissertation rédigéeQUELLEest la vérité de la vérité ? Telle est en somme le soupçon qui sur-git chaque fois que nous demandons : « Qu’est-ce que la vérité? » La vé-rité, les philosophes la disent une, inaltérable, éternelle. Platon, par exemple :« Aussi nombreux que soient les lits et les tables, il n’y a jamais que deux idées,l’une pour le lit, l’autre pour la table. » Il vise donc la vérité une et inaltérabledu lit ou de la table. Mais quelle est cette vérité ? C’est la vérité de leur essence,que Platon nomme : l’Idée. Philosopher, c’est prendre en vuel’essence, c’est-à-dire ressaisir la vérité sous l’aspect de l’éternité, selonl’expression de Spinoza. SUJET171Qu’est-ce alors que la vérité philosophique ? Car si je dis : «Il fait nuit », cettevérité n’est vraie que la moitié d’un jour. Heidegger remarquait devant ses étu-diants : « Prenons une feuille de papier, et inscrivons-y la vérité : « Ici est lacraie ». Soit. Mais supposons que le cours fini, quelqu’un aère la salle ; voiciqu’à la faveur d’un courant d’air, le papier s’envole dans lecouloir. Quiconquelit le papier : « Ici est la craie » peut constater qu’il n’en est rien. » Un coup devent suffirait-il à balayer la vérité éternelle et supratemporelle ? À moins quela vérité au sens philosophique ne soit déjà une compréhension toute parti-culière de la notion de vérité : l’essence de la vérité est-elle d’être la vérité del’essence ?Nous verrons, dans un premier temps, en quoi la représentation courantede la vérité semble dénier l’idée même de vérité. Nous nous demanderons en-suite comment la philosophie oppose à cette représentationun autre modede vérité sur lequel doit se régler le savoir. Nous nous interrogerons alors surle sens des mutations historiques de la notion de vérité.POURbeaucoup de gens, la vérité n’est pas une essence dont on se deman-derait par ailleurs ce qu’elle pourrait bien être, où elle setrouve, et com-ment la saisir, mais elle reposerait dans l’évidence immédiate du sensible :le monde est là, la réalité est ce qui s’observe, la vérité se tient dans le concret,le réel. Qu’est-ce donc que la vérité ? C’est ce qu’on veut analyser et dont ondiscute, mais c’est d’abord ce qui est là, ce qui se donne sousla forme depreuves tangibles. Comme saint Thomas, dans les Évangiles,le bon sens a be-soin de toucher pour voir. Cependant, Hegel l’établit au début de saPhénomé-nologie de l’esprit, la certitude de l’immédiateté sensible semble « la plus abs-traite et la plus pauvre vérité » ; elle exprime seulement que« ceci est » d’unemanière indéterminée et générale. Elle ne peut « fixer » une vérité stable, le« ici » et le « maintenant » étant toujours passagers, c’est-à-dire pris dans leflux des apparences changeantes. Aussi, pour la plupart des gens, la véritédemeure-t-elle insaisissable, mouvante, et toujours révisable.Cette représentation de la vérité fonde le règne de l’opinion. L’opinion n’estpas sotte, mais elle règle ses jugements sur le cours des événements et des ap-parences. Or, comme les choses n’apparaissent pas toujoursidentiquementà elles-mêmes, elle déclare que la vérité est multiple. Et comme chacun nevoit pas les apparences sous le même angle, l’opinion considère que la vé-rité est aussi diverse que celle des opinions. Dans l’Antiquité déjà, Protagorassoutenait : « telle la chose t’apparaît, telle elle est ». Autrement dit : « À cha-cun sa vérité. » La vérité est ce qui se tient dans la multitudeémiettée desavis, aussi contradictoires soient-ils. Elle devient l’objet d’innombrables dis-cussions, d’interminables disputes et controverses. Protagoras avait d’ailleurs 72PARTIE I–QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ?QUELLES FACULTÉS SONT À L’ŒUVRE?donné pour titre à un de ses traités : lesAntilogies– il s’agissait de réperto-rier des procédés argumentatifs pour, dans les tribunaux aussi bien qu’à l’As-semblée politique, être à même de « retourner » les argumentsde l’adversaire.« À chaque argument (logos) répond un argument contraire (antilogos) », affir-mait-il. Il y a sans doute là une conception très démocratique de la véritécomme « règne de l’opinion », et dont on voit combien aujourd’hui encore elledemeure inscrite dans les sociétés contemporaines si friandes de débats et de« polémiques ». Mais à quoi conduit cette représentation du vrai ?La conséquence de cette représentation implique que la vérité n’est pasvraiment la vérité. Quand deux personnes discutent et ne parviennent pas àse mettre d’accord, c’est qu’une des deux au moins est dans l’erreur, et sansdoute même les deux puisqu’aucune ne parvient à convaincre l’autre. Quandbien même un grand nombre serait-il du même avis, la vérité dépend-elle del’opinion majoritaire ? Ne peut-on être dans le vrai seul contre tous ? La di-vergence des opinions semble plutôt attester la fragilité de la vérité ; celle-ciparaît bien relative et justifie au fond un certain scepticisme, à la manière parexemple de Montaigne dans l’Apologie de Raimond Sebond: « Rien ne semblevrai, qui ne puisse sembler faux. » Leur mot sacramental, c’estépéchô, c’est-à-dire « je ne soutiens, je ne bouge ». Le sceptique est celui qui se garde de seprononcer sur la vérité : il ne dit ni ce qu’elle est, ni même qu’elle est. « Qu’est-ce que la vérité ? » Personne ne le sait. Voilà au moins une vérité sur laquelletout le monde s’accorde ! Tout au plus concède-t-on qu’il y a des opinions plusvraisemblables que d’autres. Mais une vérité qui n’est que probable n’est qu’àmoitié une vérité. Elle fluctue au gré des humeurs, des âges etdes habitudesde pensée. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. »La représentation courante de la vérité conforte donc spontanément lescepticisme exposé par certains penseurs, par ailleurs souvent critiques à l’en-contre de la philosophie. Mais que peut leur répondre cette philosophie ? N’a-t-elle pas une tout autre idée de la vérité ?LA PHILOSOPHIE– c’est son acte de naissance – s’est constituée contre la re-présentation habituelle de la vérité. Contre le relativisme de l’opinion,contre l’attachement exclusif au flux des apparences mouvantes, la démarchephilosophique s’est affirmée comme un désir de vérité absolue : il y a, dit Pla-ton, quelque chose de « sain », quelque chose de « stable » dansl’être, quelquechose qui demeure fixe et permanent en soi-même. La philosophie est un dé-sir de savoir, et le savoir (en grec :épi-stémé) réclame une stabilité de la vérité– sans quoi il n’y aurait aucune possibilité de « dire le même sur le même ».Aussi bien, cette saisie du Même, cette visée de l’Un sous le multiple, suppose-t-elle un complet retournement du regard. Dans sa célèbre allégorie de la ca- SUJET173verne, Platon décrit comme une « conversion de l’âme tout entière » l’ascen-sion progressive vers la vérité : partant de ce qui se manifeste à première vue,c’est-à-dire partant de la vision sensible, le regard doit percer jusqu’à ce qui,de soi-même, est « plus dévoilé », « vraiment vrai », c’est-à-dire percer jusqu’àl’être sans lequel aucune vision sensible ne reconnaîtraitquoi que ce soit. Pla-ton détermine cet « être » comme « idée » – au sens de ce qui est proprementvu dans le visible. C’est par l’idée du beau que toutes les belles choses sontbelles. Or, ne peut-on en dire autant de la vertu, du courage ou de la justice ?On reconnaît l’acte courageux à une certaine idée du courage. Platon est fidèlesur ce point à son maître Socrate. En revanche, voulant constituer la philoso-phie comme un savoir véritable, il va un peu plus loin que lui :il subordonne lavérité à la rectitude du regard, opérant une profonde mutation dans l’essencede la vérité. Platon est en somme le premier métaphysicien. La philosophiesera désormais ce regard qui, sous le nom de vérité, visera précisément l’être,ou comme on dira plus tard l’essence.Un tel savoir de la vérité de l’essence est-il toutefois possible ? Que le savoirsoit possible, c’est d’évidence ce que semble prouver le savoir mathématique,dont les théorèmes rayonnent d’une impeccable majesté. Bien plus, quand ungéomètre dessine une figure, comme un triangle ou un carré, ses raisonne-ments portent en vérité sur la figure idéale qu’il intuitionne sans trop y penser.Les mathématiques sont donc pour Platon une indispensable propédeutiqueà la philosophie par leur manière de tourner le regard vers lavérité. Mais, avecle développement de la scientificité moderne, elles deviendront plus encore lemodèle absolu de vérité : « Je me plaisais surtout à l’étude des mathématiques,à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons » écrit Descartes dansleDiscours de la méthode. Grâce aux mathématiques et à leur manière de rai-sonner, Descartes pense la vérité comme certitude de l’évidence rationnelle.Les mathématiques ont en effet une telle lumière de vérité que la raison nepeut qu’y reconnaître sa propre « lumière naturelle ». Avec Descartes et l’avè-nement des sciences, la vérité n’est plus tant question d’exactitude du regardque de certitude d’une raison assurée d’elle-même dans ses représentations.Mais sur quoi peut bien alors se fonder cette certitude d’être la vérité ?La certitude subjective que l’homme trouve dans l’exercicede sa raison nesuffit pas à fonder la vérité. L’homme n’est pas le maître de lavérité ; il fautqu’il se règle sur ce qu’il ne peut pas créer. C’est pourquoi,selon une représen-tation traditionnelle de la vérité, c’est Dieu qui en définitive est le garant de lavérité. Descartes ne pense pas autrement quand il soutient que Dieu ne sauraitnous tromper et que c’est de là que la raison trouve sa confiance en elle-même.Car la seule forme logique de la pensée est impuissante à atteindre la vérité ;il faut encore que la raison intuitionne quelque chose de donné. Lorsqu’il écrit 74PARTIE I–QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ?QUELLES FACULTÉS SONT À L’ŒUVRE?qu’« on définit la vérité d’après ce en quoi la notion de vrai s’accomplit for-mellement », Descartes reprend donc la définition de la vérité comme adé-quation proposée par saint Thomas d’Aquin : « La vérité est adéquation de laréalité et de l’intelligence.» (De Veritate) Par adéquation, saint Thomas entendla conformité de la représentation à la chose. Mais la véritésuppose mêmeune double adéquation : adéquation de la chose à l’intellectdivin qui la crée,puis de l’intellect humain à la chose créée par Dieu, de sorteque « la véritése rencontre proprement dans l’intellect humain ou divin ».L’homme, pourconnaître absolument la vérité, doit donc se régler sur les choses telles queDieu en a créé la vérité. Mais le peut-il ? Si Dieu lui-même n’est pas une certi-tude, malgré les démonstrations qu’on a pu faire de son existence, il faudra ad-mettre que ce n’est pas l’homme qui se règle sur les choses, mais à l’inverse leschoses qui se règlent sur la faculté qu’a l’homme de les connaître. Autrementdit, selon la «révolution copernicienne» qu’effectue Kantdans laCritique de laraison pure: « nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y met-tons nous-mêmes ». C’est la grande révolution qu’opère Kantsur la possibilitéde la vérité face à la « présomption délirante» de la métaphysique. Car dire quece sont les objets qui se conforment à nos facultés, c’est renoncer à connaîtrel’essence absolue de ce qui est (la chose en soi) et se limiterà la régulation des« phénomènes ». Dès lors, que devient la vérité ? Que devient la prétention àl’absolu ? La philosophie permet-elle réellement d’échapper au relativisme etau scepticisme qu’elle croyait pouvoir dénoncer ?Ainsi voit-on que sous le nom de «vérité», la philosophie conçoit essentiel-lement « la » vérité en tant que vérité de l’essence une, éternelle et immuable.Pour autant, cette vérité se décline elle-même en « rectitude », « adéquation »,« certitude » semblant avec le temps peu à peu modifier la relation au vrai. Parconséquent, ne faut-il pas aller jusqu’à penser à nouveau l’unité de ces mul-tiples acceptions de la vérité ?LA RELATIONde la philosophie à sa propre histoire, et plus généralementàl’histoire effective, semble essentielle. Dès lors, il estnécessaire de repen-ser la vérité dans sa relation au temps et à l’histoire : « la vérité est le devenird’elle-même», écrit Hegel dans sa préface à laPhénoménologie de l’esprit. Celane signifie pas que la vérité se perdrait dans la multiplicitédes opinions ou desdivers systèmes philosophiques, chacun exprimant un pointde vue particu-lier sur le vrai. La philosophie est une totalité, et la vérité un mouvement duvrai vers lui-même. Hegel propose d’échapper à l’unilatéralité et d’intégrer lescontradictions pour comprendre que le mouvement du vrai estdialectique,c’est-à-dire qu’il procède par erreurs rectifiées, ou – dit logiquement – parcontradictions surmontées. L’erreur, le négatif, sont desmoments essentiels SUJET175de la marche progressive vers la vérité. Ce n’est qu’à ce prixque la vérité peutretrouver sa prétention d’être la vérité absolue. L’Absolu, c’est-à-dire la véritése contemplant elle-même dans la conscience humaine, se manifeste ainsi àtravers une intensification spirituelle progressive : « La religion est la vérité del’art ; la philosophie est la vérité de la religion. » Pour autant, cette « religion duprogrès » – dont le plus grand disciple est peut-être Marx, qui ne conserve quela thèse d’un développement dialectique de l’histoire – ne contribue-t-elle pasà engendrer ces « historicismes», que dénonce Karl Popper etque les tragédiesdu XXesiècle ont rendus difficiles à assumer ?Nietzsche, déjà, opposait au progrès hégélien une représentation tragiquede l’histoire. Ce qui se joue dans l’histoire de la vérité, c’est au contraire unaffaiblissement de la croyance en la vérité. Ce qui nous distingue, nous mo-dernes, des Anciens c’est, affirme Nietzsche, qu’ils « possédaient » la vérité.La domination exclusive des représentations scientifiquesnous a appris à neplus croire qu’aux vérités «positives». Le «monde-vérité»est devenu une fable.La proclamation nietzschéenne de « la mort de Dieu » signifie la fin des « ar-rière-mondes » et la perte de la foi en la vérité. Mais en conséquence, si l’his-toire philosophique de la vérité, commencée avec Platon, aboutit finalementau «nihilisme», Nietzsche pose la question de la «valeur» dela vérité. «Qu’est-ce que la vérité ? » Que signifie cette « volonté de vérité » ? N’est-elle pas hostileà la vie, aux forces profondes qui animent la vie ? Ne faut-il pas alors préférerl’illusion à la vérité ? « Nous avons l’art pour ne pas périr devant la vérité », dit-il. Là où la foi en l’Absolu disparaît peu à peu, il reste l’art, dont la puissanced’illusion demeure « le grand stimulant de la vie ».Et pourtant, en «retournant» le platonisme, Nietzsche ne demeure-t-il pas,lui aussi, encore tributaire de la définition philosophiquede la vérité comme« vérité de l’essence », c’est-à-dire dépendant de la distinction entre l’être etl’apparence ? La « volonté de puissance » demeure pour Nietzsche « l’essencela plus intime de l’être » ; loin d’être une apparence, la volonté reste à saisir« derrière » le jeu des représentations. L’anti-platonismene serait-il alors fina-lement que la forme ultime du platonisme ? Pour toute la philosophie, de Pla-ton jusqu’à Nietzsche, « l’essence de la vérité » réside dans« la vérité de l’es-sence », soutient donc Heidegger dansDe l’essence de la vérité. C’est là unecritique : cela signifie qu’un autre sens de la vérité est possible. Et ne revient-ilpas à l’art, aux artistes et à la poésie de dire, mieux sans doute que ne peut lefaire la philosophie, la « vérité de l’être» ? À l’opposé de lascience et de la tech-nique, qui réduisent la réalité à un monde plat, homogène, infiniment maîtri-sable, exploitable, et qui finit par s’épuiser, l’art est révélateur d’une vérité d’unautre ordre. Nous ne sommes plus alors dans un rapport d’antagonisme avecle monde, mais nous l’appréhendons sous la forme d’une harmonie, d’une se- 76PARTIE I–QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ?QUELLES FACULTÉS SONT À L’ŒUVRE?crète connivence, qui donne sens à l’existence. Sur cette voie, Heidegger rap-pelle que les anciens Grecs désignaient par un privatif : «a-léthéia» ce que l’onnomme aujourd’hui, depuis les Romains, par un positif : « la vérité ». Au sensgrec, la vérité était donc initialement un « dévoilement», une « manifestation»,une pure « apparition » dont l’éclat et la plénitude nous comblent sans jamaiss’épuiser. L’autre nom de la « vérité de l’être » serait-il alors la beauté ?«QU’EST-CEque la vérité ? » Au-delà d’une définition formelle de la vérité,il s’est agi de méditer sur sa détermination initiale par la philosophiecomme « vérité de l’essence » et quête d’une vérité absolue. L’essence de lavérité serait donc elle-même à chercher dans le sens de ses mutations succes-sives : progrès ou nihilisme, ce qui n’est peut-être pas si différent, il revient àchacun d’en décider, et par là même de faire de son existence,ou bien le lieud’un combat contre le monde ou celui de la révélation d’un accord qui sonnejuste. Loin de désespérer d’une réalité qui ne serait jamaisassez bonne pournous, la vérité manifeste que nous sommes faits pour le monde, que nous pou-vons accueillir l’être.IV Éviter le hors-sujetLa question du sujet problématise la notion du programme tout entière.Le candidat peut donc être décontenancé à l’idée d’avoir à rassembler d’uncoup tout ce qu’il a pu étudier durant l’année. Plus que jamais, il est donc né-cessaire de fixer délibérément un problème précis, de fixer unaxe de rechercheen mettant de côté la tentation de tout dire, difficilement maîtrisable.On recommande en général d’éviter les plans chronologiques: c’est légi-time, sauf si, comme ici précisément, c’est de l’histoire même que l’on dégagela problématique. Ce qui est déconcertant avec la vérité, c’est la multiplicité deses définitions successives : réussir à saisir le sens de ce qui apparaît commeun pur divers, c’est manifester une compréhension du problème et de ses so-lutions, c’est parvenir à s’orienter dans la pensée, et c’est exactement ce quel’on attend d’un candidat. 229Citations choisies1 Qu’est-ce que la vérité? Quelles facultés sont à l’œuvre ?« Le vrai et le faux sont des attributs du langage, non des choses. Et là où il n’ya pas de langage, il n’y a ni vérité ni fausseté. » (Thomas Hobbes,Léviathan)« Si on ne suppose pas que les hommes ont tous la même intelligence, et l’onttoute, il n’y a plus ni vérité ni erreur. »(Émile-Auguste Chartier, dit Alain,Cahiers de Lorient)« À cause de la faiblesse de nos sens, nous sommes impuissantsà distinguer lavérité. »(Anaxagore,Fragments)« Nous connaissons la vérité non seulement par la raison maisencore par lecœur, c’est de cette dernière sorte que nous connaissons lespremiers prin-cipes, et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point depart, essaie deles combattre. »(Blaise Pascal,Pensées)« Le vrai consiste simplement dans ce qui est avantageux pournotre pensée,de même que le juste consiste simplement dans ce qui est avantageux pournotre conduite. »(William James,Le pragmatisme)« Nous nommons vrai un concept qui concorde avec le système général detous nos concepts, vraie une perception qui ne contredit pasle système denos perceptions ; la vérité est cohérence. »(Miguel de Unamuno,Du sentiment tragique de la vie)« Pour nous, l’art n’est plus le mode suprême dans lequel la vérité se procureexistence. »(Georg Wilhelm Friedrich Hegel,Esthétique)«Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphoresqui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaiesqui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non pluscomme pièces de monnaie, mais comme métal. »(Friedrich Nietzsche,Le livre du philosophe)« La photographie, c’est la vérité et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la véritépar seconde... »(Jean-Luc Godard, dialogue du filmLe Petit Soldat)

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