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Saint François d’Assise

Publié le 24/11/2020

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Saint François d’Assise

Saint François d’Assise nous fait, dans son testament, une description de la spiritualité franciscaine qu’il veut transmettre à ses frères. François commence par raconter comment le Seigneur l’a poussé à faire pénitence auprès des lépreux, ce qui lui a permis de trouver la foi et de comprendre son devoir de se consacrer aux églises et d’honorer les prêtes (l.1 à 14). Il rapporte ensuite la manière dont il s’est appliqué à vivre selon l’Evangile, comment la première communauté de frères s’est formée avant de décrire leurs actions (l.15 à 35). Dans la troisième partie du texte, François manifeste ses préoccupations, ses craintes et donne des consignes à appliquer pour les frères (l.36 à 52). Enfin, François transmet la Règle à ses frères, Règle qui pour lui doit être leur unique richesse et qui ne doit pas jamais être modifiée (l.53 à 59).

Ce texte est le testament de Saint-François d’Assise, probablement écrit en 1226. François d’Assise, de son nom de baptême Jean Bernadone, né en 1181 est un religieux séculier catholique italien issu d’un milieu laïc. Il participe à partir de 16 ans aux combats opposants Assise à Pérouse et est fait prisonnier pendant deux ans dans la ville ennemie. En 1205, il commence un long parcours de conversion et finit par créer l'Ordre franciscain, composé des frères mineurs, qu'il développe jusqu'à sa mort en 1226, à l'âge de 45 ans C’est un ordre mendiant qui consiste à répandre les messages de joie, d’espoir et d’amour contenus dans la Bible et de porter la paix au peuple en accordant toute son importance à la Création, qui est l’ensemble du monde créé par Dieu. Avec le Cantique de Frère Soleil, le Testament est l’écrit le plus important de Saint François d’Assise. 

L’écriture d’un texte aussi moralisateur s’explique par la période troublée que traverse l’Ordre. En effet, les frères se déchirent entre eux. L’Ordre est reconnu officiellement par le pape Innocent III en 1210. Cette reconnaissance mène à des conflits et des oppositions puisque le nombre de franciscains augmente : le petit groupe des débuts de l’Ordre est devenu un groupe plus étendu et plus diversifié. Les nouveaux frères apportent des aspirations nouvelles quant aux études, à la prédication et au travail. A travers son testament, François d’Assise rappelle donc sa vision de l’Ordre et l’importance de la pauvreté absolue. 

On peut se demander de quelles façons voit-on l'attachement de François d'Assise à la religion catholique et la fierté de ce qu'il a accompli. Après avoir vu le changement intervenu chez St François d'Assise, changement qui l'a poussé à créer l'ordre franciscain, nous verrons que ce testament peut être considéré comme un texte hagiographique et une preuve d'amour pour la religion.

 

I- De Jean Bernadone à St François d'Assise

A- Le chemin de la conversion

« Le Seigneur m’a fait grâce » l.1 : ces mots sont le fondement même de la conversion de François. Il reconnait que la conversion est un don et une grâce reçus du Seigneur. La conversion ne commence pas par un effort de volonté. C’est en effet le Seigneur qui donne la force de changer de vie, de l’orienter autrement. Il fait le choix de quitter le monde dont il vient, celui des marchands, des propriétaires pour rejoindre le monde des lépreux, des exclus, des sans-droits. Ce choix est d’autant plus frappant que François a longtemps caressé des rêves de promotion sociale et de noblesse par les armes. Pour François l’appel qu’il reçoit du Seigneur est d’être pauvre au milieu des pauvres.

« Amer de voir des lépreux » l.2. Il exprime ici sa difficulté de voir des lépreux avant de devenir un homme de Dieu. Dans la Bible, le Christ ose justement s'approcher des lépreux qui sont évités pour faire passer le message qu'on ne doit laisser personne de côté. François d'Assise, par l’évolution de son comportement envers les lépreux « j’exerçais la miséricorde à leur égard » l.3 veut signifier qu'il a bien suivi le message du Christ lorsqu'il est entré dans l'Église. 

B- La naissance de l'ordre franciscain

« Le Seigneur m’eut confié la charge des Frères » l.15. François d’Assise créé l’Ordre des Frères Mineurs entre 1205 et 1210. Attirés par sa foi et son mode de vie, un groupe de compagnons se forment autour du futur saint. Rapidement, l'ordre franciscain est dépassé par son succès : dès 1217, on compte près de 5000 frères, quoique ce chiffre qui est souvent donné soit sans doute quelque peu exagéré.

« Vivre conformément au Saint Evangile » l.16. L’Evangile, c’est le message porté par Jésus-Christ. Le Seigneur enjoint donc ici François d’Assise à vivre de la même manière que son Fils. C’est pour cela que les règles de l'ordre sont la prédication de la paix et la pauvreté. Les compagnons doivent donc être pauvres, d'où les vêtements ressemblants à ceux des paysans : une seule tunique, doublée de pièces à volonté, plus une corde et des braies. Les frères doivent se consacrer à la prédication et gagner leur pain par un travail manuel ou par l'aumône. 

C- L’ébauche de la Règle Primitive 

« Selon la règle » l.40. François d’Assise fait ici référence à la Règle, écrite en 1223 par le futur saint et par le cardinal protecteur Hugolin, futur Grégoire IX. Elle peut être nommée canoniquement Règle car elle a été reconnue par l’Eglise. En effet, le pape Honorius III, le 29 novembre 1223, dans sa bulle Solet annuere approuve la Règle : « le Seigneur Pape me la confirma » l.18.  C’est le grossissement de l’Ordre en nombre de membres qui a poussé François a rédigé un texte fondateur pour minimiser les déviations par rapport à son idée première. 

« Le Seigneur m’a fait grâce […] d’écrire purement la Règle » l.58. François d’Assise s’attribue donc ici la rédaction de la Règle qui régit la vie des franciscains. François insiste sur son rôle de  modèle pour ses frères et surtout sur la question de l’obéissance aux supérieurs. Il pose un problème grave dû à l’augmentation du nombre des frères. Il pointe du doigt les frères qui vagabondent en dehors de l’obéissance et qui veulent vivre leur vie en dehors de la vie fraternelle. 

Ainsi, Jean Bernadone devient François d’Assise, futur saint, lors de sa conversion, qu’il considère comme un don du Seigneur. Il créé l’Ordre des Frères Mineurs, compagnie dont il revendique le rôle de meneur, de modèle. Il se sert donc de son testament pour faire son autobiographie, ce qui nous permet de parler d’hagiographie. 

II- Un testament hagiographique, une preuve d'amour pour la religion

A- Un testament comme hagiographie

Saint François d’Assise, dans son testament, retrace sa vie. Il commence par évoquer sa conversion « je sortis du siècle » l.5, avant de se remémorer la formation de l’Ordre des Frères Mineurs en « la charge des Frères » l.15.  Il évoque ensuite la Règle à partir de la ligne 40. François d’Assise fait donc de son testament une hagiographie, du grec hagios qui signifie sacré et de graphein qui veut dire écrire. C'est le récit de la vie d'un saint. Le terme a parfois pris le sens péjoratif de biographie enjolivée. Évidemment, le texte est un testament et non pas une biographie, mais François d'Assise écrit son texte en enjolivant sa vie et son œuvre. 

Il met en avant son caractère de sainteté à travers son application à vivre de la même manière que Jésus Christ. L’importance du vœu de pauvreté « sainte pauvreté » l.30 et de l’habit « tunique rapiécée » l.19 ne sont pas sans rappeler le Fils du Seigneur qui a vécu dans la misère toute sa vie. De plus, la ligne 14 « je ne veux point faire attention à leurs [aux prêtres] pêchés » montre que François d'Assise ne repousse pas ce clergé pêcheur, tout comme le Christ qui accepte ces derniers. Enfin, l. 1 à 4, le futur Saint fait référence à son comportement envers les lépreux, à qui il accorde sa miséricorde, tout comme Jésus le fait dans l’Evangile selon Saint Marc : Un lépreux vient auprès de lui ; il le supplie et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » (Mc 1,40-41).

B- Une adoration de la religion 

Tout d’abord, l. 6 « Le Seigneur me donna une telle foi dans les églises » : François d’Assise témoigne ici de son amour de la religion à travers le respect qu’il possède pour ses institutions comme pour ses représentants « le Seigneur me donna tant de foi aux prêtres » l.9. Il considère les prêtres comme ses « maîtres » l.13, il se met à leur service. Il les honore particulièrement parce qu’ils sont les seuls à recevoir et à donner aux autres le Corps du Seigneur. François a une très grande foi en l’Eucharistie, qui représente pour lui la source et le condensé de toute vie chrétienne, dans le sens où il croit profondément que le pain et le vin consacrés sont le Corps et le Sang du Seigneur.

Ensuite, tous les termes utilisés pour faire référence à Dieu sont extrêmement mélioratifs « le Très-Haut » l.16, « fait la grâce » l.1, « me donna » l.6. Toutes les actions du Seigneur sont généreuses : il donne, il offre et François d’Assise s’applique dans son testament à prouver qu’il en digne.   

C- La crise de l’ordre franciscain

François d’Assise s’applique donc tout au long de sa vie à appliquer et à faire appliquer ce qu’il considère être le désir de Dieu, c’est à-dire à vivre l.16 « conformément au saint Evangile ». Il se sent donc investit d’une mission importante, celle de faire appliquer la Règle. Cependant, lors de la rédaction du testament en 1226, l’Ordre connait une période troublée dont il a conscience : certains frères se détachent de la Règle et en souhaitent une relecture. L. 39 « que tous les frères soient aussi tenus d’obéir à leur gardien », François d’Assise tente de s’assurer l’obéissance des membres de l’Ordre. Pour empêcher une modification de la Règle, il écrit « Je défends formellement […] d’ajouter des gloses à la Règle » l.56. 

De plus, du fait de l’augmentation du nombre de frères, de leur formation, de la perte du travail manuel, leur manière de vivre se modifie. L.28 « Que les Frères se gardent de recevoir […] demeure » : François ne veut pas que les frères construisent des couvents, à la manière d’autres ordres, mais qu’ils soient logés comme des pèlerins et des étrangers dans des lieux de passage.

l. 31 à 33 « Je défends formellement à tous frères […] d’oser demander quelque lettres en Cour de Rome […] sous prétexte de prédications » : certains frères veulent demander le privilège de la prédication à Rome qui leur été jusque-là refusé par les évêques.  Mais François d’Assise restait ferme sur la question. Pour le futur saint, le frère ne possède rien donc il doit rester soumis à tous et doit renoncer à tout soutien ou appui qui pourrait lui donner des privilèges. 

 

Ainsi, François d’Assise montre son amour de la religion catholique à travers les indications qu’il égrène au sujet de son Ordre et de ses compagnons, mais aussi à travers son adoration du Christ dont il s’inspire tout au long de sa vie. A travers un discours moralisateur, il rappelle à ses compagnons l’importance de la Règle, c’est-à-dire de la pauvreté. Il meurt en 1226, l’année de la rédaction de ce texte. Ses mises en garde face à l’éloignement de la Règle initiale n’ont cependant pas permis la continuité unifiée de l’Ordre : en 1230, Grégoire IX dispense les franciscains de suivre le testament du fondateur. L'idée est normalisée par saint Bonaventure, ministre général de 1257 à 1274 : on insiste moins sur la pauvreté et on s'intéresse aux activités intellectuelles et pastorales. Deux tendances apparaissent alors dans l’Ordre, ceux qui restent fidèle à la parole du dorénavant Saint depuis 1228, et ceux qui sont pour une réinterprétation de la Règle. 

Une étude approfondie de la dite Seconde Règle de Saint François d’Assise, qui gouverne la vie des frères, peut apporter de nouvelles informations et donc une seconde lecture de ce Testament. 

 

Bibliographie

Y. GOBRY, Saint François d’Assise, Points, 2001

A. VAUCHEZ, Dictionnaire encyclopédique du Moyen-Age, Editions du Cerf, 1997

J. MOORMAN, A history of the Franciscan Order : from its origins to the year 1517, Oxford Clarendon Press, 1968

Willibrord-Christiaan VAN DIJK, « FRANCISCAINS », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 12 décembre 2019. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/franciscains/

Site officiel de l’Ordre des Frères Mineurs, [en ligne] consulté le 10 décembre 2019. URL : https://franciscains.fr/regledesfreresmineurs/

 

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