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?Texte 3 : L?aveu de Madame de Clèves à son époux

Publié le 12/09/2021

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?Texte 3 : L?aveu de Madame de Clèves à son époux ETUDE à partir de « Monsieur de Clèves était demeuré » jusqu?à « celui que vous voulez éviter. ». - Eh bien, monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l'on n'a jamais fait à son mari; mais l'innocence de ma conduite et de mes intentions m'en donne la force. Il est vrai que j'ai des raisons de m'éloigner de la cour et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n'ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d'en laisser paraître si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour ou si j'avais encore Mme de Chartres pour aider à me conduire. Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d'être à vous. Je vous demande mille pardons, si j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l'on en a jamais eu; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez.  M. de Clèves était demeuré, pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-même, et il n'avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de parler, qu'il jeta les yeux sur elle, qu'il la vit à ses genoux, le visage couvert de larmes et d'une beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l'embrassant en la relevant :  - Ayez pitié de moi vous-même, madame, lui dit-il, j'en suis digne; et pardonnez si, dans les premiers moments d'une affliction aussi violente qu'est la mienne, je ne réponds pas comme je dois à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d'estime et d'admiration que tout ce qu'il y a jamais eu de femme au monde; mais aussi je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m'avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue; vos rigueurs et votre possession n'ont pu l'éteindre : elle dure encore; je n'ai pu vous donner de l'amour, et je vois que vous craignez d'en avoir pour un autre. Et qui est-il, madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? Depuis quand vous plaît-il ? Qu'a-t-il fait pour vous plaire ? Quel chemin a-t-il trouvé pour aller à votre c?ur ? Je m'étais consolé en quelque sorte de ne l'avoir pas touché par la pensée qu'il était incapable de l'être. Cependant un autre fait ce que je n'ai pu faire. J'ai tout ensemble la jalousie d'un mari et celle d'un amant; mais il est impossible d'avoir celle d'un mari après un procédé comme le vôtre. Il est trop noble pour ne pas me donner une sûreté entière; il me console même comme votre amant. La confiance et la sincérité que vous avez pour moi sont d'un prix infini; vous m'estimez assez pour croire que je n'abuserai pas de cet aveu. Vous avez raison, madame, je n'en abuserai pas et je ne vous en aimerai pas moins. Vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donnée à son mari. Mais, madame, achevez et apprenez-moi qui est celui que vous voulez éviter. - Je vous supplie de ne point me le demander, répondit-elle; je suis résolue de ne point vous le dire et je crois que la prudence ne veut pas que je vous le nomme.  - Ne craignez point, madame, reprit M. de Clèves, je connais trop le monde pour ignorer que la considération d'un mari n'empêche pas que l'on ne soit amoureux de sa femme. On doit haïr ceux qui le sont et non pas s'en plaindre; et encore une fois, madame, je vous conjure de m'apprendre ce que j'ai envie de savoir.  - Vous m'en presseriez inutilement, répliqua-t-elle; j'ai de la force pour taire ce que je crois ne pas devoir dire. L'aveu que je vous ai fait n'a pas été par faiblesse et il faut plus de courage pour avouer cette vérité que pour entreprendre de la cacher.  Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678 (Troisième partie) Introduction (l'extrait est long : nous ne travaillerons que la réaction de M. De Clèves, soit la 2nde partie encadrée ci-dessous)  Présentation : - l'extrait : cette scène d'aveu suit l'échec de la fausse lettre qui a révélé à la Princesse de Clèves sa passion pour le Duc de Nemours. Ainsi, cette dernière supplie son mari de fuir la cour pour trouver refuge à Coulommiers. Ce dernier trouvant étrange ce désir de retraite de sa femme pense qu'elle cache quelque chose, et la pousse à parler. Cet aveu se fait devant le Duc de Nemours qui, caché, épie le couple. D'emblée, cet aveu s'avère donc problématique, puisqu'il est forcé et que la parole est déviée par l'amant caché. Il ne peut donc être source de liberté et de vérité. Mouvement du texte : le passage se déroule en trois temps. Dans le premier paragraphe, la princesse de Clèves avoue une passion adultère et supplie son époux de la protéger d'elle-même. Dans les deux paragraphes suivants, son époux s'attendrit devant le spectacle de la désolation de sa femme, puis s'apitoie sur son propre sort avant de harceler sa femme pour obtenir le nom de son amant. PASSAGE TRAITE La fin du passage s'organise en dialogue de sourds, puisque ni l'un ni l'autre ne veut céder. Il semble que la révélation de la Princesse de Clèves soit autant occulte qu'elle ne dévoile, puisque le nom de l'amant n'est pas délivré. Que nous dit l'aveu, de quoi la confidence est-elle révélatrice? L'aveu révèle chez Madame de Clèves, derrière la pénitence, un calcul, il fait naître chez l'époux compatissant un tyran amoureux, et enfin met en lumière une parole qui en se voulant honnête est pourtant déviée et empesée par le secret. Premier mouvement : l'aveu de la Princesse - Eh bien, monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l'on n'a jamais fait à son mari; mais l'innocence de ma conduite et de mes intentions m'en donne la force. Il est vrai que j'ai des raisons de m'éloigner de la cour et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n'ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d'en laisser paraître si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour ou si j'avais encore Mme de Chartres pour aider à me conduire. Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d'être à vous. Je vous demande mille pardons, si j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l'on en a jamais eu; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez.  L'aveu révèle une pénitence incomplète. Théâtralité de la scène : chacun joue un rôle tragique sans aller au fond de la vérité. 1-Posture de la suppliante: « en se jetant à ses genoux »; « il la vit à ses genoux ». « Je vous demande mille pardons » rythme ternaire, impératifs: « conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore». => attitude traditionnelle/ lieu commun (= topos*) de la suppliante (on peut alors faire référence à l?histoire de Sophonisbe, reine punique ayant vécu à la fin du IIIème siècle av. JC, dont la supplique au roi Masinissa est restée célèbre et fait l?objet d?une réécriture par Mlle de Scudéry, précieuse raffinée de l?époque ; mais aussi à la supplique de la pénitente chrétienne, puisque tout dans l?organisation de son discours y renvoie : aveu - demande de pardon; demande de l?aide - montre qu?il lui a été pénible d?avouer - silence - propos qui traduisent détresse et souffrance ?ayez pitié de moi? Une scène tragique : l'aveu semble devoir être prononcé par nécessité = ce n'est pas sa faute à elle ?ne me contraignez point (...) à vous avouer une chose que je n'ai pas la force de vous avouer.? + choix de l'isolement (retrait de la cour) pour lutter 2-Une parole calculée: -Une parole détournée: rien n'est direct. Périphrases: « les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge » « J'ai des raisons de m'éloigner de la cour ». « Je n'ai jamais donné nulle marque de faiblesse » -Discours remarquablement organisé: -profession de sa bonne foi -demande de pardon -exhortation parallélisme de construction: « j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins, je ne vous déplairai jamais par mes actions ». - honnêteté survalorisée: hyperbole: « innocence de ma conduite et de mes sentiments» Langage absolu: « je n'ai jamais donné nulle marque de faiblesse ». Adverbe, « jamais », pronom indéfini, « nulle » « Je ne vous déplairai jamais par mes actions » « Il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l'on n'en a jamais eu ». + comparatifs. Mme de Clèves est convaincue de la vertu de cette confession, car celle-ci demande du courage : «l?aveu que je vous ai fait n?a pas été par faiblesse », et qu?elle montre tout le respect qu?elle a pour son époux : « il faut avoir plus d?amitié et plus d?estime pour un mari que l?on n?en a jamais eu » => noter ici l?hyperbole utilisée par la princesse afin de souligner son honnêteté et sa fidélité envers son mari. Enfin, elle réclame l?assurance qu?elle sera toujours protégée, à défaut d?être aimée « aimez-moi encore, si vous pouvez » Or, le lecteur sait, depuis le vol du portrait et l'épisode de la lettre, qu'elle s'est laissée aller à quelques complaisances... -Serment d'amour précieux: « amitié (?) estime (...) » + marques hyperboliques de la préciosité ?mille pardons?, ?il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime...? + métaphore guerrière de l'amour qui est un combat dangereux (?demeure exposée?, ?les périls?, ?craindrais?, ?quelque dangereux que soit le parti que je prends?) Personnage ambigu : repentance, humilité, mais aussi protestations d'innocence et absence de révélation du nom de l'être aimé. => Surtout scène pathétique et accent tragique (rappeler terreur et pitié, présence du fatum, destin implacable, inexorable) : ici émotions d'autant plus fortes que le lecteur peut s'identifier, à elle ou à son époux, dont on ne sait comment il va réagir à cet aveu ! => Deux valeurs morales reconnues et valorisées au XVIIème siècle : la vertu (virtus en latin) et la fidélité (fides) héritées de la tradition antique, romaine en particulier. - la fides est une valeur morale fondamentale dans l?antiquité romaine, puisqu?elle touche à la fois la cellule familiale et le citoyen. C?est un mot que l?on retrouve dans le nom ?fidélité?, mais dont le sens premier est ?confiance?, puis ?droiture, loyauté?. C?est bien dans cet esprit-là que Mme de Clèves prononce son aveu. Elle le dit elle-même « Pour faire ce que je fais, il faut plus d?amitié et plus d?estime pour un mari que l?on n?en a jamais eu ». Ce qui motive l?aveu, c?est donc, a priori, cette volonté de ne pas trahir la fides engagée lors des v?ux du mariage, et ainsi de rester « digne » de son rang : « pour conserver digne d?être à vous ». Pourtant, cette droiture est contestable : s?il faut beaucoup de courage (ou d?inconscience) pour formuler cet aveu, n?y a-t-il pas là aussi une grande marque de faiblesse de la part de l?héroïne qui ne parvient pas, seule, à faire face à la passion qui l?assaille ? Sous couvert de conduite ?vertueuse?, cet aveu ne dissimule-t-il pas au contraire un amour-propre bien ancré et que l?on ne veut pas mettre à mal (cf. La Rochefoucauld) ? - la vertu est aujourd?hui synonyme de ?courage?, mais à l?époque où Mme de Lafayette écrit, il faut y voir le sens d?énergie ou de force morale (cf définition du Petit Robert : « Force avec laquelle l?homme tend au bien ; force morale appliquée à suivre la règle, la loi morale définie par la religion et la société ». La Rochefoucauld, dans une de ses Maximes écrit en outre que « l?hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. »). Enfin, si la vertu est autant rattachée à l?idée de force et de courage, c?est qu?elle est, étymologiquement, liée à la personne masculine. Ainsi, dans cette optique, on peut voir dans Mme de Clèves une incarnation féminine de la vertu (valeur morale fortement prônée dans le monde précieux) : elle évoque elle-même la « force » et le « courage » qu?il lui a fallu pour « avouer cette vérité » plutôt que d? « entreprendre de la cacher » (fin de l'extrait) Néanmoins, on peut se poser légitimement la question de savoir pourquoi cette femme avoue l?innommable à son époux, dernière personne à laquelle elle aurait dû se confier. Elle se justifie : « si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour, ou si j?avais encore Mme de Chartres pour m?aider à me conduire » ; si le Prince donc accédait à sa volonté, et ce sans se montrer impérieux dans ses « ordres », Mme de Clèves n?aurait pas eu à prononcer cet aveu : autant dire que tout est la faute du Prince, et que la princesse se décharge, d?une certaine façon, d?une culpabilité qu?elle refuse. En outre, cet aveu, dont on a souvent critiqué l?invraisemblance, a pourtant une valeur symbolique en ce temps où les moralistes écrivaient beaucoup. La vertu est en effet une valeur que l?on défend, mais dont on pointe les limites : pourquoi un individu est-il vertueux ? Est-ce par nature ? Ou par intérêt (conscient ou inconscient) ? En cette fin de siècle marquée par le Jansénisme et un certain pessimisme, le discours prétend que l?homme n?est vertueux que par intérêt. Et dans une certaine mesure, Mme de Clèves illustre cela : - elle présente cet aveu comme une fatalité, ce n?est donc pas de sa faute si son époux souffre ; - cet aveu révèle son incapacité à faire face, seule et en son âme et conscience, à la passion qui l?assaille et qui la met en danger. Non devant Dieu, mais face à ses pairs : quel jugement auront d?elle les gens de la cour, les courtisans, ceux-là même qui font et défont les réputations ? Ainsi, expliquer son refus de paraître à la cour à son époux relève peut-être plus de l?amour-propre que de la vertu : la princesse ne veut pas être la cible des moqueries, qui seraient pour elle pires que le péché d?adultère. - Cet aveu ne se limiterait donc pas à une écriture conventionnelle d?un lieu commun (= topos*) de la littérature, mais susciterait au contraire une réflexion morale très caractéristique de son temps. Deuxième mouvement : la réaction de M. De Clèves M. de Clèves était demeuré, pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-même, et il n'avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de parler, qu'il jeta les yeux sur elle, qu'il la vit à ses genoux, le visage couvert de larmes et d'une beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l'embrassant en la relevant :  - Ayez pitié de moi vous-même, madame, lui dit-il, j'en suis digne; et pardonnez si, dans les premiers moments d'une affliction aussi violente qu'est la mienne, je ne réponds pas comme je dois à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d'estime et d'admiration que tout ce qu'il y a jamais eu de femme au monde; mais aussi je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m'avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue; vos rigueurs et votre possession n'ont pu l'éteindre : elle dure encore; je n'ai pu vous donner de l'amour, et je vois que vous craignez d'en avoir pour un autre. Et qui est-il, madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? Depuis quand vous plaît-il ? Qu'a-t-il fait pour vous plaire ? Quel chemin a-t-il trouvé pour aller à votre c?ur ? Je m'étais consolé en quelque sorte de ne l'avoir pas touché par la pensée qu'il était incapable de l'être. Cependant un autre fait ce que je n'ai pu faire. J'ai tout ensemble la jalousie d'un mari et celle d'un amant; mais il est impossible d'avoir celle d'un mari après un procédé comme le vôtre. Il est trop noble pour ne pas me donner une sûreté entière; il me console même comme votre amant. La confiance et la sincérité que vous avez pour moi sont d'un prix infini; vous m'estimez assez pour croire que je n'abuserai pas de cet aveu. Vous avez raison, madame, je n'en abuserai pas et je ne vous en aimerai pas moins. Vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donnée à son mari. Mais, madame, achevez et apprenez-moi qui est celui que vous voulez éviter. L'aveu révèle chez l'époux compatissant un tyran amoureux. 1-Un époux compatissant - hypotypose* (= description saisissante qui semble 1 tableau vivant) tragique: « il la vit à ses genoux le visage couvert de larmes et d'une beauté si admirable » + hyperbole précieuse : beauté et souffrance - L'embrassant en la relevant » - Vous me paraissez plus digne d'estime et d'admiration que tout ce qu'il y a jamais eu de femmes au monde » : superlatif + élément de comparaison démesure (toutes les femmes du monde!) Le prince cependant est « hors de lui-même », est demeuré « la tête appuyée sur ses mains », il « pensa mourir de douleur » : posture du désespoir. Le détail qui est ajouté en fin de phrase : « il n?avait pas songé à faire relever sa femme » montre que sa détresse est infinie : la souffrance que lui inflige le discours de sa femme lui fait oublier sa dignité et son rang : jamais un homme de sa qualité n?aurait laissé transparaître un tel trouble ?même à son épouse, cela était presque indécent pour l?époque puisqu?il trahit sa passion amoureuse pour elle (ce qu?il lui avoue d?ailleurs juste après)-, et ensuite jamais il n?aurait toléré que sa femme demeure agenouillée : le prince est galant homme, il ne peut accepter une attitude aussi humiliante, pour ne pas dire obscène. Le pathétique tient au fait que lecteur peut mesurer la souffrance du personnage : il connaît cette passion du prince pour son épouse, et peut donc mesurer la blessure terrible qu?il vient de recevoir ainsi que son impact (le prince mourra d?amour peu de temps après cet aveu, d?ailleurs). 2-Mais abîmé dans sa douleur: complaisance tragique. - « La tête appuyée sur ses mains, hors de douleur , et il n'avait pas songé à faire relever sa femme ». - « Il pensa mourir de douleur. » - « affliction aussi violente » - « Je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été » => Discours tragique, mort (marque de l'écriture précieuse), langage du malheur et parole absolue : ?ayez pitié de moi? (écho) ; ?affliction aussi violente? + ?je me trouve le plus malheureux des hommes qui ait jamais existé? = hyperbole - héros tragique cornélien : se domine malgré sa peine et rassure son épouse ?je n'en abuserai pas? (et plus loin ?ne craignez pas? mais fureur de l'amour difficile à contenir 3-Le désir de savoir: harcèlement. Admiration, prostration et douleur laissent vite la place à un harcèlement pour connaître le nom de l'aimé. Il n'aime alors plus, mais se comporte en tyran jaloux. -protestations d'amour déplacées: « Vous m'avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue » -Questions martelées et accumulées qui superposent questionnement et menaces et qui révèlent la jalousie qui menace de le submerger : malgré son rang, il est homme - amertume ; ?vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donné à son mari?=> sa tristesse provient du fait qu'il ne peut en vouloir à sa femme car elle avoue par honnêteté et lutte contre un sentiment qui la domine et qu'elle n'a pas recherché. Emphase et vers blancs Allusion précieuse à la carte du Tendre ?quel chemin a-t-il trouvé pour aller jusqu'à votre c?ur?? Jalousie envers l'autre: se décentre de sa femme et de sa douleur: « Cependant, un autre fait ce que je n'ai pu faire. J'ai tout ensemble la jalousie d'un mari et celle d'un amant » -Discours de confiance qui s'achève par la volonté de connaître le nom de l'autre: il désire endormir sa prudence pour obtenir ce qu'il désire savoir => manipulation rhétorique. L'échange se poursuit jusqu'à la fin dans ce harcèlement, lutte déguisée. La Princesse de Clèves protège l'homme aimé, Le Prince de Clèves est habité par un désir de vengeance. => Les deux personnages vivent chacun une passion intense, mais hélas sans réciprocité en ce qui concerne le Prince. Cet aveu, au-delà de la scène traditionnelle qu?il peut représenter, permet de confronter une perception de la passion amoureuse très caractéristique de cette fin du XVIIème siècle. En effet, il s?agit de ne pas se laisser submerger par elle, la Raison doit être toute-puissante. Ainsi, le Prince s?est-il bien gardé d?avouer sa flamme à son épouse avant ce jour (« Vous m?avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue » ; de même, Mme de Clèves n?a jamais dit à Nemours qu?elle l?aimait (c?est en étant caché dans les buissons qu?il l?apprend?). On notera par ailleurs la métaphore du feu qui sert à désigner l?amour dans le discours du prince : « votre rigueur et votre possession n?ont pu l?éteindre ». De même, l?attitude des deux personnages laisse voir que la Raison doit toujours primer. => forme de catharsis* romanesque (= purgation des passions au théâtre : ce que vivent les personnages sur scène « nettoie » le spectateur de ses propres défauts ou vices dans la salle, en le mettant en garde contre eux.) => détresse des 2 personnages terrifiante : compassion, identification et donc catharsis => ironie tragique : Nemours est caché et entend tout ; il sait que cet aveu s'adresse à lui ; malgré la vertu de la Princesse, sa confession est finalement plus dévastatrice que salvatrice Conclusion : A retenir : que révèle l'aveu? Que la parole est inefficace, car biaisée par la théâtralité tragique des passions. Chacun semble ici jouer un rôle tragique sans aller au bout de la vérité. La Princesse de Clèves, derrière sa repentance, refuse de livrer le nom de l'amant, le Prince de Clèves, malgré ses protestations d'amour, tente avec orgueil de connaître le nom de celui qui le supplante, sans ménagement pour son épouse. Cet aveu incomplet ne peut que précipiter l'issue tragique de ce triangle amoureux. ce passage se nourrit des grands thèmes littéraires de son temps (la passion amoureuse, la vertu) chers, entre autres, au mouvement précieux. du point de vue du genre, l?écriture romanesque puise ici son inspiration dans la grande tragédie classique (Racine et Corneille), avec une tendance à assimiler les deux personnages aux héros cornéliens, même si ce qui leur arrive rappelle les situations inextricables que vivent les héros de Racine (cf. Phèdre, Roxane ou Hermione). si cette scène paraît très conventionnelle et proche des cercles précieux, il s?agit au fond d?une réflexion proche de celle des moralistes (cf les Maximes de La Rochefoucauld), tout aussi pessimiste à la fois sur la nature humaine et sa condition. Il s?agit donc là du premier roman d?analyse de la littérature française, dans lequel l?action ne se suffit pas à elle-même, mais sert de prétexte à une réflexion plus philosophique, voire métaphysique* (= recherche rationnelle qui a pour objet la connaissance de choses abstraites comme le Divin, le principe de l?univers et des premiers éléments de la connaissance). C?est ce qui fait la force et l?originalité de cette ?uvre qui, sur le mode plaisant et en s?inscrivant dans une tradition littéraire bien établie, parvient à dépasser les lois du genre pour inciter le lecteur à se livrer à un questionnement d?ordre moral sur sa place dans le monde.

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