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HALLIER (Jean-Edern)

Publié le 19/01/2019

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HALLIER (Jean-Edern), écrivain français (Saint-Germain-en-Laye 1936). Que faire lorsqu'on a rêvé d'être un « connétable des lettres » et que la « galaxie Gutenberg » — c'est-à-dire le monde où l'on s'imposait par la tragédie en vers, le poème fulgurant puis la somme romanesque — s'éloigne à une vitesse qui désole chaque jour davantage les habitués d'un univers littéraire « euclidien » ? Les mots qui ont quelque poids ne sont plus ceux qui restent, écrits, mais ceux qui volent sur les ailes labiles de la radio, de la presse, de la télévision. Dans un monde aussi où toute attitude « aristocratique » de l'esprit est suspecte et où règne le conformisme de la subversion (l'arriviste de Stendhal tablait sur la Religion et l'appareil ecclésiastique pour réussir ; le jeune homme de bonne famille qui aujourd'hui « comprend » son époque investit dans la Révolution), l'écrivain, qui désespère de l'écriture, accomplira alors tous les gestes des institutions littéraire et politique dans l'espoir, quasi pascalien, d'en éprouver les « émotions » et de les faire partager aux autres. D'où l'intérêt porté par J.-E. Hallier aux différents « supports » de l'écriture, du lancement (1960) de la revue Tel quel, avec Ph. Sol-lers, à la candidature à l'Académie française {1982) en passant par la création des Editions Libres-Hallier (1974) pour présenter à temps un roman au jury du Goncourt. Parcours non dépourvu d'humour, comme en témoignent l'épisode de la direction (1969-1973) du mensuel gauchiste l'idiot international (la seule étymologie révélait le plaisir de la projection d'une « particularité » irréductible aux quatre vents du monde) et la remise, en 1975, d'un « anti-Goncourt » à Jack Thieuloy, alors détenu à la prison de la Santé, récompense consistant en un chèque de 50 000 F sans provision. La même tonalité est perceptible dans la « carrière » politique, qui, à travers le mime d'attitudes rituelles (la « déclaration », la « prise de position », la « conférence

 

de presse », le « communiqué à l'A. F. P. », etc.), se déploie en une véritable frénésie de l'engagement : autocritique [la Cause des peuples, 1972), candidature aux élections de l'Assem-blée européenne (1979), puis à la présidence de la République (1981), exil (en Irlande, en 1980), enlèvement (avril 1982) — tous ces « épisodes » ne prenant leur véritable consistance que dans le reflet qu'en donnent les médias, et ce jeu de miroirs trouvant sa perfection mimétique lorsque l'écrivain se pose en adversaire politique d'un homme d'État qui prétend placer chez les littérateurs son domaine d'élection et disserte sur Maupassant [Lettre ouverte au colin froid, 1980). Reste au fond de tout cela l'incoercible désir de « donner le change au néant », à travers la nostalgie de la littérature d'an tan [les Aventures d'une jeune fille, 1963 ; le Grand Écrivain,

 

1967 ; Chagrin d'amour, 1974), du milieu familial où couvent les petites joies et les haines froides [Le premier qui dort réveille l'autre, 1977 ; Fin de siècle, 1980), du temps à jamais perdu des joues et des croyances Esses [Bréviaire pour une jeunesse déracinée, 1982). Chaque matin qui se lève est une leçon de courage (1978) pour l'écrivain, qui a fait de sa vie un « one man show » et un autodafé permanents.

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