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BADIUS ou BADE Conrad : sa vie et son oeuvre

Publié le 15/11/2018

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BADIUS ou BADE Conrad (1510-1562). Imprimeur et écrivain, il est le fils de Josse (en latin, Jodocus) Bade, l’imprimeur le plus fécond de son temps, qui avait édité notamment Érasme, Budé, Ange Politien, mais aussi des textes du Moyen Age tardif tels que la Nef des fous de l’Allemand Sebastien Brant. Conrad Badius poursuit d’abord à Paris l’œuvre d'édition de son père, mais, acquis aux idées de la Réforme, il doit chercher refuge à Genève en 1550. C’est là qu’il se lie avec Jean Crespin, le futur auteur de l’Histoire des martyrs, et surtout avec Robert Estienne. Il devient dès lors l’éditeur attitré des réformateurs de Genève, publiant les ouvrages de Théodore de Bèze et de Calvin {Commentaires sur l’Écriture, Sermons). Propagandiste et militant, il imprime, en marge de ces textes théologiques, une masse importante de libelles, souvent anonymes, auxquels il prête parfois la main. Il traduit ainsi l'Alcoranus Franciscanorum, pamphlet luthérien tournant en dérision la légende de saint François d’Assise (L'Alcoran des Cordeliers, 1556) et, d’après l’évêque anglais John Baie, la Vie des évêques et papes de Rome (1561), qui prend le contre-pied de l’hagiographie officielle.

 

Auteur lui-même, c’est dans la polémique que Conrad Badius va s’illustrer, avec les Satyres chrétiennes de la cuisine papale (1560) et surtout avec la Comédie du pape malade et tirant à sa fin (1561). Nommé pasteur à Orléans en 1562, il quitte Genève au moment où éclate en France la première guerre de religion. Il meurt de la peste la même année, dans la ville de son ministère.

 

Les marmites du pape

 

Les deux œuvres les moins oubliées de Badius appartiennent au genre satirique et doivent l’essentiel de leur inspiration à cette tradition carnavalesque dont a parlé M. Bakhtine à propos de Rabelais. Les Satyres présentent, sur le mode de la farce, un rabaissement bouffon de la théologie au niveau de la cuisine. Métamorphose en tout point conforme à la tradition du rire médiéval que celle de cette Église catholique dont les piliers deviennent « chenets de cuisine », les cloches des « chaudrons » renversés, l’autel une table chargée de victuailles et les missels des tailloirs! La nouveauté réside dans l’usage purement négatif et réducteur qui est fait de tels procédés. Si Badius recourt à la vieille panoplie des images culinaires, c’est dans le dessein de renverser tôt ou tard les « marmites grasses » du pape, autrement dit, de mettre fin, par la dérision et par l'appel à la révolte, au pouvoir temporel de celui-ci.

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« bouche le produit de ses exactions.

C'est alors que divers personnages se présentent à la rescousse, et l'on recon­ naît au passage quelques-uns des adversaires les plus acharnés de la Réforme, tels qu'Artus Désiré (l'Affamé), le chevalier de Villegagnon (J'Outrecuidé), de Mouchi (le Zélateur) ...

L'intérêt principal de la pièce réside moins dans cette galerie de portraits contemporains que dans le réemploi.

ce faisant, de types empruntés à la comédie latine ou italienne : sous les masques du « fol », du pédant ridi­ cule, du valet roué ou du soldat fanfaron, le caractère éphémère des victimes de Badius est oublié au profit de leur valeur exemplaire et générale.

L'une des scènes les plus significatives de la Comédie met ainsi aux prises Villegagnon, avatar renaissant du miles gloriosus de Térence, et son serviteur Philaute, rejeton d'un Panurge plus préoccupé de son ventre que de vaine gloire.

Dans le Brésil de 1555, hanté de reptiles et de« bestes mues>>, les deux personnages jouent, sur le fond d'une nature sauvage, immatérielle à force d'être stylisée, la comédie du pouvoir.

Seigneur d'un empire imaginaire dont les sujets ne se nourrissent que de vent, Villegagnon tente de faire croire à son unique interlocuteur -et valet - à sa toute-puissance.

Peine perdue, puisque la faim est là, qui pourchasse Philaute et, à ses basques.

son maître, jusqu'en Europe, devant les marmites du pape! La satire anticatholique et, dans Je cas de la scène précédente, la charge anticoloniale qui vise le chef du Brésil français de 1555 à 1560 se sont élargies aux dimensions d'une sorte d'allégorie morale.

Le «vide théâtre >> où déambulent les zélateurs du pape apparaît comme l'image d'un univers que la folie des puissants a privé de sens.

Tel n'est pas le moindre intérêt d'une des œuvres les plus originales -et les moins austères - qu'ait engendrées la Réforme françai e.

BIBLIOGRAPHIE Les Satyres chrestiennes de la cuisine papale ont été rééditées par Yves Giraud (Paris, 1980); la Comédie du pape malade.

par Helen A.

Shaw (Philadelphie, University of Pennsylvania, 1934).

A consulter.

--Gérard Dirk Jonker.

le Protestantisme et le théâtre de langue française au xvi' siècle.

Gro n in g ue , 1939 (pp.

80-85).. »

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