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Chateaubriand, Génie du christianisme

Publié le 29/11/2018

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Chateaubriand, Génie du christianisme (1802)
 
Ouvrage circonstanciel d’apologétique sentimentale, le Génie du christianisme intéresse l’histoire de la théorie littéraire par sa deuxième partie, la « poétique du christianisme », qui attribue à la religion chrétienne un progrès décisif dans la profondeur psychologique, la richesse de l’imagination, l'art de la description. Des parallèles vibiants entre l’antique et le moderne, des évocations colorées fournissent aux futurs romantiques un magasin de thèmes, réhabilitent le Moyen Âge et ses monuments. Mais, pour une génération, le romantisme se trouve annexé au catholicisme, et s’installe un clivage : romantique, catholique; classique; monarchiste; « philosophe », libéral ou républicain. Les récits Atala (1801), René (publié avec le Génie, en 1802) servent d’illustration à l’esthétique nouvelle, en peignant une nature luxuriante et vierge, et en évoquant le « vague des passions », hiatus entre l’ infini du désir et les bornes du réel. L’idéologue Pierre Louis Ginguené (1748-1816), auteur d’une belle Histoire littéraire de l'Italie (1811-1819), critique vivement ce mélange de littérature et de religion dans lequel se complaît ce tout premier romantisme : « Est-ce un livre dogmatique, ou une poétique, ou un traité de philosophie morale? Si c’est le premier, la partie poétique est de trop ».

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Le Génie du Christianisme de Chateaubriand (fiche de lecture) Le « Génie du Christianisme » (1802) est l'un des plus grands livres du XIXe siècle, le plus grand peut-être, puisqu'il contient en germe toute la littératureultérieure.

C'est là qu'il faut aller chercher les théories par lesquelles Chateaubriand, devenu chef d'école, donnera les principes d'un completrenouvellement littéraire et artistique.Dans la préface écrite pour l'édition de 1826, il rappelle les conditions dans lesquelles parut cet ouvrage qui répondait si parfaitement aux aspirationsprofondes de l'âme française et à ses besoins du moment, et qui devait, par la suite, avoir une si grande influence :Ce fut, pour ainsi dire, au milieu des débris de nos temples que je publiai le Génie du Christianisme, pour rappeler dans ces temples les pompes du culte etles serviteurs des autels.

On avait alors, après les événements de la Révolution, un besoin de foi, une avidité de consolations religieuses qui venaient de laprivation même de ces consolations depuis de longues années.Chateaubriand va montrer l'excellence du christianisme, en le considérant non seulement dans ses dogmes et sa morale, mais dans son influence sur leslettres et les arts.

Il va montrer que le christianisme « favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée,offre des formes nobles à l'écrivain et des moules parfaits à l'artiste ».L'ouvrage contient quatre parties.

Le première est consacrée aux Dogmes et Doctrine, la quatrième aux cérémonies du C ulte.

C'est dans la seconde et latroisième qu'est exposée la Poétique du christianisme.

Chateaubriand compare les ressources qu'offrent à l'écrivain les religions chrétienne et païenne, etmontre de combien de sentiments nouveaux le christianisme a enrichi l'âme humaine.

Il le prouve en étudiant les caractères de l'époux, de l'épouse, dupère, de la mère, du fils, de la fille, du prêtre, du guerrier, chez les anciens et tes modernes.

Il soutient que la chevalerie, née du christianisme, et le «merveilleux chrétien », peuvent servir de thème aux développements du poème épique.

Examinant ensuite les rapports du christianisme et des beaux-arts,il sait le premier parler avec admiration de l'art gothique et des monuments du moyen âge: On aura beau bâtir des temples grecs, bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peuple de saint Louis...

il regrettera toujours ces Notre-Dame deReims et de Paris, ces basiliques moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de nos pères. On peut se demander d'abord quelle était la valeur de cet ouvrage comme apologie de la religion.

On s'est souvent raillé du christianisme de Chateaubriand; on lui a reproché d'être superficiel, de s'en tenir aux détails extérieurs et pittoresques, de n'aller pas jusqu'à l'âme.

Et tout n'est pas faux dans cesreproches.

On peut ajouter qu'il a plus d'une fois compromis les idées qu'il soutenait par des argumentations maladroites ou ridicules, et, d'une manièregénérale, on peut aisément souscrire à toutes les critiques qui ont été adressées au Génie du Christianisme.Seulement, s'en tenir là, c'est reprocher à un pur artiste de n'être qu'un artiste, et non pas un théologien ou un philosophe.

C'est en outre, — et c'est surtout,— ne pas comprendre qu'aux différentes époques la religion est attaquée par des armes différentes avec lesquelles doivent également varier les moyens dela défense.

Pascal avait lutté contre le scepticisme insouciant et frivole des libertins.

Chateaubriand avait à répondre aux philosophes du xviiie siècle quitenaient le christianisme pour une doctrine anti-sociale, ennemie née de l'oeuvre civilisatrice.

En mettant en relief, comme il l'a fait, les innombrablesservices que, dans tous les ordres, le christianisme a rendus aux sociétés modernes, il a prouvé, contre Voltaire et les Encyclopédistes, que, comme Tainele dira plus tard, « le vieil Evangile, quelle que soit son enveloppe présente, est encore aujourd'hui le meilleur auxiliaire de l'instinct social ».Il avait ensuite à réfuter cette thèse du classicisme, que la religion chrétienne, trop sombre, est une ennemie de l'art.

Il a très fortement montré qu'aucontraire le christianisme et, plus spécialement le catholicisme, pouvait et devait être un fécond principe de rénovation littéraire.

Depuis plus de deuxsiècles, la littérature, répudiant les modèles nationaux et l'esprit chrétien, s'était exclusivement inspirée des genres et des modèles de l'antiquité païenne.A vrai dire, elle avait, sans s'en rendre compte, fait à l'inspiration moderne et chrétienne une bien plus grande part qu'elle ne se l'imaginait ; et même,remarque bien suggestive, les plus belles oeuvres de la littérature classique étaient précisément celles où cette inspiration dominait.

Mais à prendre leschoses dans leur ensemble, depuis la Renaissance, écrivains et artistes s'étaient faits païens par l'âme et s'étaient mis résolument à l'école de l'antiquité. De la foi des chrétiens les mystères terribles,D'ornements égayés ne sont point susceptibles, avait affirmé Boileau.

Le moment était venu, pour des écrivains « nés chrétiens et français », d'oser, dans leurs livres, être franchement chrétiens etfrançais, de faire délibérément ce que les Corneille et les Racine n'avaient fait en quelque sorte qu'à leur insu.

Poème lyrique, épopée, drame, roman,histoire, éloquence, critique, ils seront ainsi, de proche en proche, amenés à renouveler tous les genres.

Et qu'ils ne craignent pas que la matière leur fassejamais défaut ! L'âme humaine régénérée par le christianisme, la nature regardée avec des yeux neufs et non déformés par les livres, leur seront une sourceinépuisable d'études et d'émotions !Chateaubriand ne se contentait pas d'exposer ces idées sous forme abstraite : il joignait l'exemple au précepte.

Atala et René qui, comme nous l'avons dit,étaient incorporés .au Génie du Christianisme, étaient là pour prouver que la représentation des héros modernes, que l'analyse des troubles du coeur touchépar le christianisme pouvaient donner naissance à des oeuvres aussi émouvantes, aussi profondes et aussi belles que celles des littératures classiques.Chateaubriand faisait plus encore : dans ses pénétrantes et originales études sur les oeuvres du passé, il inaugurait une nouvelle forme de critique, plusvivante, plus subtile, plus ingénieuse et plus féconde que celle dont on était nourri jusqu'alors ; comme il le dira plus tard, il abandonnait « la petite et facilecritique des débuts, pour la grande et difficile critique des beautés ».

Dans ces oeuvres d'autrefois consacrées par l'admiration universelle, son senscritique, aiguisé par son sens chrétien, lui permettait de découvrir et de mettre en une vive lumière des « beautés » nouvelles.

Ainsi, cette apologie duchristianisme jetait les bases et esquissait les principes d'une critique vraiment moderne qui rivalisait en largeur, en pénétration, en intérêt littéraire ethumain avec les oeuvres mêmes qu'elle étudiait.Enfin, toutes ces nouveautés étaient exprimées sous une forme originale, éloquente, souvent poétique, où se reconnaissait la maîtrise d'un grand écrivain.Depuis Rousseau, on n'avait rien vu de semblable.

Plus souple, plus variée, plus harmonieuse, moins tendue que celle de Rousseau, la prose deChateaubriand retrouvait les traditions du grand siècle.

Les contemporains ne s'y sont pas trompés.

A vant même que le livre eût paru en librairie, Rivarol,qui avait lu à Hambourg une première esquisse de l'ouvrage, imprimée à Londres, notait sur ses carnets : « Il y a du Fénelon et du Bossuet dans cetteesquisse, et l'auteur, qui est jeune encore, nous promet un homme religieux et un grand écrivain.

»Le courant, né de l'influence de Jean-Jacques, s'enrichissait d'éléments nouveaux, et prenait sa direction définitive.

Le Génie du C hristianisme, avec unevigueur, un éclat, une autorité qui en soulignaient l'importance, traçait le programme de la future littérature romantique et esquissait à peu près tous lesthèmes qu'elle devait développer dans la suite.. »

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