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COLOMBA. Nouvelle de Prosper Mérimée (analyse détaillée)

Publié le 22/10/2018

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COLOMBA. Nouvelle de Prosper Mérimée (1803-1870), publiée à Paris dans la Revue des Deux Mondes le 1er juillet 1840, et en volume, avec les Âmes du purgatoire et la Vénus d'Ille, chez Magen et Comon en 1841.

 

Inspecteur des Monuments historiques, Mérimée avait été chargé, selon son désir, d'une mission archéologique en Corse en 1839. L'écrivain, quant à

lui, s'était déjà intéressé à l'île en publiant Mateo Falcone en 1829. Pour rédiger Colomba, il se sert des Istoria di Corsica de Filippini ou de Pietro Cirneo (qu'il utilise en outre pour composer ses Notes d'un voyage en Corse), et plus encore des Voyages en Corse, à l’île d'Elbe et en Sardaigne (1837 et 1838) de Valéry (pseudonyme d'A. Pasquin, bibliothécaire du roi) qui lui offraient deux personnages réels - Colomba Bar-toli, vieille dame ayant perdu son fils lors d'une vendetta non apaisée par la justice, et sa fille Catherine. Lors de son séjour insulaire, Mérimée rendra visite aux femmes dont il fondra les deux figures en une seule héroïne.

 

Le colonel Nevil et sa fille. Lydia, séduits par la réputation de la Corse (chap. I ). acceptent à leur bord un jeune lieutenant en demi-solde. Orso délia Rebbia, avec lequel ils ne tardent pas à se lier (2). Mais son père a été assassiné. Serait-ce pour le venger qu'il retourne à Pietranera (3) ? Son silence impénétrable suscite l'intérêt de la jeune Anglaise qui entreprend de le séduire (4). À Ajaccio. ils voient arriver la farouche Colomba, soeur d'Orso, bien décidée à lui faire prendre les armes (5). En fait bien que la mort de délia Rebbia s’inscrive dans une longue tradition de ven-deue, les coupables en demeurent inconnus. Colomba accuse les Barricini; les présumant innocents, c’est pour marier sa sœur, et non pour tuer. qu'Orso est revenu (6). Il fait part de sa tension intérieure à Miss Nevil (7) qui succombe au charme romanesque (8). Il trouve le village prêt pour une guerre (9) qu'il a bien du mal à ne pas souhaiter ( 10), d'autarrt que Colomba, assistée de « bandits ». met tout en œuvre pour réveiller son âme corse (II). Ce sont les Barricini qui y parviendront en troublant une veillée funèbre tout d’abord (12), puis en l'agressant dans sa propre demeure où Colomba, qui refuse de croire en la preuve de leur innocence détenue par le préfet (13), profitant de l’inattention de son frère (14). a su les attirer : un « bandit » ayant témoigné de fa complicité des Barricini et d’un faussaire, l’un des frères se précipite sur Orso qui le provoque en duel (15). Orso part avertir de la situation Lydia, qui vient d'annoncer sa venue (16). En chemin, il tombe dans une embuscade dressée par les frères, mais ce sont

« eux qui en sont les victimes.

Il prend le maquis ( 17).

Au village, Colomba devine les sentiments de Lydia en attendant avec elle des nouvelles du jeune homme ( 18).

Prétextant une promenade, elle l'emmène auprès d'Orso blessé, et obtient d'eux une mutuelle déclaration ( 19).

Innocenté par le tribunal, il quitte la Corse, non sans un adieu à ses amis « bandits » (20).

Peu après, le jeune couple visite Pise.

Colomba semble méta­ morphosée, mais la rencontre du père Barricini, pitoyable vieillard, révèle sa nature inaltérable (21 ).

En raison de la multiplicité et de la variété des sources (relations orales, archives judiciaires, ouvrages histori­ ques, etc.), l'écrivain a d'abord fait œuvre d'organisateur : «J'ai tâché de faire une mosaïque avec les récits que j'ai recueillis à droite et à gauche>> (let­ tre à E.

Conti du 12 novembre 1840).

D'où, afin d'éviter au récit de se diluer dans une couleur locale gratuite ou dans l'anecdotique, le centrage de l'intérêt non sur la réalisation de la vendetta (celle-ci n'occupe que le cha­ pitre 17), mais sur les clivages qu'elle révèle entre les personnages : détermi­ nation farouche de Colomba, refus moral et social de Miss Nevil, incerti­ tude d'Orso.

Dès lors que le problème était intériorisé, il devenait normal que le débat d'Orso fût au cœur de la nou­ velle; mais de ce conflit d'où pouvait naître un héros tragique ( « Il lui sem­ blait entendre un oracle fatal, inélucta­ ble, qui lui demandait du sang» [11]) Mérimée a fait un récit d'où émerge un « héros de roman » (8 et 18) en qui viennent se fondre la veine dramatique qu'incarne Colomba et la veine senti­ mentale que représente Miss Nevil.

Reste que si l'unité psychologique des deux héroïnes tranche avec l'ambi­ guïté d'Orso, c'est que les caractères comptent sans doute moins que les idées qu'ils symbolisent : Colomba est moins une« Électre rustique» (P.

Josse­ rand) que le symbole de l'attachement aux traditions et au passé, la représen- tante d'une société archaïque ; de même Miss Nevil apparaît-elle moins comme le porte-parole du romanesque que comme la prosélyte de la civilisa­ tion moderne à laquelle « il serait glo­ rieux de convertir un Corse» (4).

Ainsi, fidèle à son habitude, Mérimée élargit­ ille problème du particulier au général en faisant de son récit, à travers quel­ ques figures emblématiques, le portrait d'un pays ou d'un peuple autant que l'histoire de héros privilégiés ; et même si le narrateur ne s'affuble ici ni du savoir de l'ethnologue ni des connais­ sances de l'historien, il n'en décrit pas moins, au travers du drame d'Orso, « sauvage trop civilisé » (7) sans cesse «agité de résolutions contraires» (17), le déchirement d'une île tentée par la culture continentale mais incapable de renoncer à sa propre nature.. »

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