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Discours sur l'origine et les FONDEMENTS DE L'INÉGALITÉ PARMI LES HOMMES. Traité de Jean-Jacques Rousseau (analyse détaillée)

Publié le 22/10/2018

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Discours sur l'origine et les FONDEMENTS DE L'INÉGALITÉ PARMI LES HOMMES. Traité de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), publié à Amsterdam chez Marc-Michel Rey en 1755.
 
Rousseau écrivit ce texte en réponse à une question posée par l'académie de Dijon en 1753 : « Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ? » Dans les *Confessions (livre VIII) Jean-Jacques souligne qu'il médita cet ouvrage dans la forêt de Saint-Germain, l'âme exaltée. Il découvrit alors l'idée maîtresse qui habite le Discours : la nature est innocente et tous les maux de l'homme ne viennent que de lui-même. Apprécié par Diderot, moqué par Voltaire (« On n'a jamais employé tant d'esprit à nous rendre bêtes », lettre à Rousseau du 30 août 1755), le texte ne reçut pas le prix de l'académie. L'œuvre, à partir de références fort nombreuses, ouvre une réflexion politique, anthropologique, philosophique radicalement nouvelle : l'inégalité parmi les hommes est un produit de l'histoire sociale, il s'agit d'en tracer la genèse à partir d'une origine peut-être inassignable ; l'inégalité n'a plus de fondement ni en la nature ni en Dieu.
 
Citons ici seulement quelques œuvres que Rousseau utilise pour le plus souvent en démasquer les erreurs ou, pis, les mauvaises intentions cachées. La Politique d'Aristote, la République de Platon, les textes de Cicéron. Il a lu le Léviathan de Hobbes, le Deuxième Traité sur le gouvernement civil de Locke, *De l'esprit des lois de Montesquieu. Il connaît les théories de l'école du droit naturel dont les textes avaient été traduits en français par Barbeyrac : de Grotius, Du droit de la guerre et de la paix (1625) ; de Puffendorf, les Huit Livres sur le droit de la nature et des gens (1673). Rousseau a lu aussi les Principes
du droit naturel (1751) et les Principes du droit politique (1751) du Genevois Burlamaqui. La théorie empiriste-sen-sualiste de la connaissance que défend Rousseau s'inspire étroitement de VEssai sur l'origine des connaissances humaines de Condillac (1746). C'est sur VHistoire naturelle de l'homme (1749, voir *Histoire naturelle, générale et particulière) de Buffon qu'il s'appuie pour tracer la genèse de l'homme physique. Enfin, et c'est capital pour comprendre le Discours, Rousseau lit des récits de voyageurs qui relatent mœurs et coutumes des peuples antillais, africains, américains.
 
L'interprétation que Rousseau donne de toutes ces lectures est critique. Son argument fondamental, toujours réitéré, est que les théoriciens du droit naturel, s'ils ont compris qu'il fallait remonter à un état de nature pour comprendre l'émergence de l'état civil (social), n'en ont pas moins conçu cet état de nature (règne de la violence ou de la misère) tel qu'il justifie la force du pouvoir politique et rend nécessaires les coercitions sociales. Ainsi l'inégalité entre les hommes serait fondée dans la nature et plus précisément dans la nature humaine anarchique, toujours tentée par l'abus. Les théoriciens de l'état de nature - les voyageurs aussi dans leurs récits - confondent, quelquefois avec duplicité, l'état naturel de l'homme et l'état où la civilisation l'a conduit. L'homme supposé des origines, le « sauvage » des voyageurs n'est que l'être dénaturé, dégradé par une longue évolution sociale. En un mot, Rousseau dénonce ici dans la réflexion de ses contemporains l'incapacité de penser et de construire une histoire de l'homme, une véritable genèse. Il reste qu'on ne peut comprendre ce que l'homme est devenu si l'on ne se réfère pas à l'état de nature. Constituer (retrouver ?) cet état est sans doute la


discours

« tâche la plus ardue que se propose le Discours.

Du point de vue méthodologique, le Discours accumule, en toute conscience, les difficultés.

On ne peut comprendre l'inégalité actuelle entre les hommes si l'on ne remonte pas à l'état de nature.

Mais cet état n'existe plus , «n'a peut-être point existé, [ ...

) probablement n'existera jamais» (Pré­ face).

L'état de nature serait an-histori­ que : il serait soit un modèle construit pour juger des faits réels, soit une théo­ rie lucidement fictive qui permettrait de rendre intelligible la réalité.

Il reste que la méthode suivie par Rousseau implique d'abord une condition néga­ tive : « Commençons donc par écarter tous les faits car ils ne touchent pas à la question » (I).

Les «faits» dont il s'agit sont relatés dans l'Écriture sainte, ou bien figurent dans les œuvres de ces philosophes qui, ayant tenté de penser l'origine de la société, ont confondu l'homme originel et celui que la culture a déjà vicié.

Ces « faits » ten­ dent tous à légitimer l'inégalité.

Les « écarter» implique qu'une seule méthode reste possible : élaborer des raisonnements hypothétiques au sens où les physiciens émettent des hypo­ thèses raisonnables sur la formation du monde.

Dès lors, Rousseau commence, selon un processus analytico-régressif, par dépouiller l'homme actuel de tous les traits artificiels acquis dans l'état de société, afin de retrouver à l'état nu l'homme de la nature.

Se développe alors la méthode génétique propre­ ment dite que suit progressivement le corps du texte.

La genèse s'opère par dénaturations qui sont autant de néga­ tions.

Ici se fait jour la nature du pro­ grès : il n'est ni cumulatif ni continu; il procède par dépassement de moments qui sont de plus en plus éloi­ gnés de la nature.

Rousseau peut affirmer à la fois que ses hypothèses sur l'origine de l'état civil et de l'inégalité ne sont pas des vérités historiques et que cependant il trace la véritable «histoire » de l'homme, absente des livres menteurs qu'on a pu écrire sur lui.

La véritable histoire consisterait, afin de lier deux faits, à connaître les intermédiaires qui permettent de passer de l'un à l'autre.

La méthode génétique reste hypothéti­ que parce que la véritable histoire de l 'ho mme n'est pas encore constituée.

Tant que l'histoire en ce sens fort fait défaut, un palliatif, un expédient demeurent : la philosophie.

Le Discours a été surabondamment commenté, critiqué, moqué, loué.

Notons simplement qu 'il a inspiré de très près les Conjectures sur les débuts de l'histoire humaine de Kant.

Que Engels, dans l'Anti-Dühring, soulignait que le Discours, par l'aspect dialectique de sa méthode, était « déjà rongé par la peste hégélienne ».

Enfin que Leroi-Gourhan et Lévi - Strauss ont pu saluer en l'auteur du Discours un des fondateurs les plus profonds de l'anthropologie et de l'ethnologie.. »

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