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Histoires naturelles, de Jules Renard

Publié le 19/01/2019

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Histoires naturelles, recueil de Jules Renard (1896). Un bestiaire, fait d'instantanés qui définissent en quelques mots (la phrase est souvent nominale) , ou par un court récit, l' « être » de l'animal — physique, habitudes, mouvements, façon dont les hommes le perçoivent ou l'utilisent dans leur propre langage (le cafard est « noir et collé comme un trou de serrure ») : autant de trouvailles surprenantes et cocasses, parfois précieuses, où sont mises en œuvre toutes les ressources de la fable, du portrait, de la maxime, de l'anecdote, de l'épigramme. Une édition parue en 1899 était illustrée par Toulouse-Lautrec, qui avait en commun avec l'auteur le goût du trait bref, incisif, suggestif.

« • La personnification : les composantes de la scène dont douées d'une vie humaine : le cygne a des désirs, il est «désabusé » (l.

7) puis « victime de cette illusion » que sont les nuages (l.

12).

Ceux-ci naissent (l.

2) puis sont «effarouchés » (l.

6).

Les ondulations de l'eau « meurent » (l.

8).- L'oiseau a l'air humain ; il a des préoccupations apparemment morales, mais il conserve toujours une apparenceanimale : il ne parle pas comme chez La Fontaine et ne porte pas d'habits comme chez Granville. 3.

L'illusion poétique• Les images : le poète nous fait suivre un transfert poétique : le cygne se nourrit de nuages, comme le texte senourrit d'images.

Métaphores et comparaisons sont fondatrices de l'atmosphère : la blancheur de l'oiseau qui glissesuggère l'image du traîneau (l.

1) ; son cou évoque le bras d'une femme (l.

5).— L'image de la blancheur duveteuse cristallise autour d'elle des sonorités : allitération en [s] (« il glisse sur lebassin » (l.

1) ; « sur son léger coussin de plumes, le cygne...

s'approche » (l.

10- 11).

Glissement suggéré aussi parles sonorités fluides en « L » (I.

1-3).• Les jeux de reflet : il y a correspondance entre deux blancheurs, celle des nuages et celle de l'oiseau, autrementdit il y a reflet de nuage à plumage.— Idée du narcissisme du cygne : le texte multiplie les occurrences du pronom personnel « Il » (15 fois).

Le poèmeest plein du cygne et de son orgueil.

C'est lui-même en définitive qu'il cherche dans l'eau. II.

L'ironie du poète 1.

De l'illusion à la réalité• Nous avons une anecdote dans laquelle l'auteur se laisse d'abord fasciner par la majesté traditionnelle du cygneavant de se reprendre par la question : « Mais qu'est-ce que je dis ? (l.

14).— La structure est éclairante.

Le poème se décompose en deux temps : la quête du cygne et le retour à la réalitéqui réinterprète les éléments précédents.

Le cygne se promène ainsi sur un modeste « bassin » au lieu d'un lac.— La chute du texte établit un constat prosaïque : le cygne n'est qu'une oie gourmande.

La fin éclaire d'un jourironique l'autre faim, celle de l'oiseau pour les nuages.

La brièveté de la formule contraste avec le rythme glissant dela première partie du texte : « Il engraisse comme une oie » (l.

16) (voir le texte des Histoires naturelles intitulé «L'oie »).— Le retour au prosaïsme donne un sens plein à l'appellation de poème en prose : c'est à la fois un texte d'images,de rythmes, de sonorités, mais aussi de réalité.• La désillusion : c'est le refus de l'illusion dont semble être victime le cygne lui-même : la quête de la beauté, del'ineffable que sont les nuages.

Le poète exerce contre lui-même son ironie puisqu'il a été capable, un moment, decroire au cygne mangeur de nuages.— Le caractère de magie à laquelle on ne doit pas se laisser prendre, apparaît dans l'étape du cou qui ressort del'eau, sans rien, comme le bras de l'illusionniste qui ne réussirait pas à faire sortir du chapeau quelque vaporeuxfoulard. 2.

La perversion du sérieux• Buffon : le titre des Histoires naturelles est le pluriel de celui de l'ouvrage de Buffon : Histoire naturelle.

MaisRenard prend le contre-pied de son modèle qui déclarait que le cygne est « supérieur en tout à l'oie » et sait « seprocurer une nourriture plus délicate et moins commune ».

Toute noblesse est déniée à ce cygne qui ne vaut pasmieux que l'oie.• La tradition poétique : Les sonorités fluides, comme l'allitération en [s] au début du texte, se transforment : ellesdeviennent dodues, en [r] (l.

15-16).— C'est un refus en réalité de « faire littéraire » : le cygne, animal favori de la littérature et de la mythologie, oiseaud'Apollon (dieu de la poésie), est aussi, par sa couleur, l'expression de la pureté.

Or ici, le beau sujet devientobservation sans complaisance d'attitudes purement animales : « chaque fois qu'il plonge...

ramène un ver » (l.

15-16).— A noter le ton parodique de « L'Étranger », poème en prose de Baudelaire : « J'aime les nuages qui passent...

lesnuages qui passent...

là-bas...

là-bas...

les merveilleux nuages.

» Conclusion • Renard voulait une poétique « en morceaux, en petits morceaux, en tout petits morceaux ».

Ce texte, court,composé par petites touches, semble d'abord pousser l'observation jusqu'à la préciosité.• Mais l'humour du poète nous ramène au maillon réel d'un bestiaire qui sait distinguer rêverie poétique et spécificitéauthentique d'un animal.• La structure du recueil, qui commence sur l'ouverture de la chasse et se clôt sur sa fermeture, fait du poète unchasseur...

d'images.. »

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