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De l'interprétation de la nature de Diderot (résumé & analyse)

Publié le 22/11/2018

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De l'interprétation de la nature

Diderot amasse depuis sept ans des matériaux pour l'Encyclopédie lorsqu’il publie, dans l’hiver 1753-1754, en marge de ce dictionnaire — donc un peu plus librement —, une série de réflexions sur la connaissance de la nature. Nouvelle mise au point de ses idées matérialistes, après les Pensées philosophiques de 1746 et la Lettre sur les aveugles de 1749. Toujours la même structure décousue, mais au sein de laquelle règne cependant un ordre. Il s’agit tout d'abord de prophétiser l’avènement d'une nouvelle ère de la connaissance : l’âge des mathématiques et de la géométrie est révolu; trop abstraites, « jeu », proposant une connaissance absolue incompatible avec les limites de l’esprit humain, elles ne peuvent mener à rien de certain. La physique, les sciences naturelles, la chimie prennent le relais pour une nouvelle série de siècles, après quoi elles devront céder le pas à leur tour. Pour l’instant, elles vont apporter par l’expérience des connaissances utiles. Relatives, certes, mais plus claires, \"populaires\", accessibles à tous, plus conformes à la nature de l’esprit humain.

De toute façon, l’hypothèse est là pour permettre aux savants de dépasser les données de l’expérience. Ils ont « cet esprit de divination par lequel on subodore (...) des expériences nouvelles, des résultats ignorés » (xxx). C’est transférer aux savants, nouveaux poètes, le « démon » socratique de l’inspiration. C’est compléter l’observation de la nature par son interprétation, fruit de l’imagination peut-être, mais source de progrès quand l’expérience vérifie la rêverie. Dans la partie centrale du livre, la rêverie de Diderot part — autre démarche habituelle chez lui — de ses plus récentes lectures : l'Histoire naturelle de Buffon et le Système de la nature de Maupertuis. Tous deux séduisent Diderot par l’idée d’un premier animal, prototype de tous les autres. La nature n’aurait fait ensuite qu'allonger, raccourcir, transformer, multiplier certains organes (xii). Évolutionnisme sommaire et pittoresque, mais qui enchante l’imagination créatrice de Diderot : qu’on réunisse les doigts, que les ongles enveloppent tout, une main d’homme devient un pied de cheval. N’ayant « peut-être jamais produit qu’un seul acte » (xi), la nature le varie à l’infini : « Elle n’abandonne un genre de productions qu’après en avoir multiplié les individus sous toutes les faces

diderot

« possibles >> (lm).

De même, Diderot retourne sous toutes les faces possibles les idées de Buffon et de Maupertuis, démasquant ironiquement ce dernier qui essaie, par pru­ dence, de conserver Dieu, montrant perfidement les « effrayantes >> conséquences matérialistes et spinozistes de son système! Prudent à son tour, il fait semblant de les refuser, mais en tire un magistral panorama poético­ scientifique de l'évolution des espèces (LVIII, 2), excluant de la nature tout fixisme (les classifications de Linné, par exemple) et toute finalité (contrairement aux déistes).

Qui a osé dire que rien ne change sous le soleil? C'est« un pré­ jugé fondé sur la faiblesse de nos organes, l'imperfection de nos instruments, et la brièveté de notre vie» (LVII).

Chemin faisant, Diderot fait quelques excursions à partir de Buffon et de Maupertuis : sur la génération (XXXII), sur l'origine de la Terre (XXXIII), sur l'électricité (XXXIV).

Les thèmes obsédants ne sont pas oubliés : l'ex­ plication du mouvement autonome de la matière par l'image des cordes vibrantes (xxxvi); la comparaison de l'art et de la nature : l'art véritable serait celui qui imite­ rait la nature en mettant à réaliser 1 'œuvre autant de temps que la nature à former les merveilleuses grottes de stalactites! (xxxvii) ...

Selon sa méthode familière aussi, Diderot entre en « délire philosophique » vers la fin de l'ouvrage.

Dépas­ sant les idées de Maupertuis et de Buffon qui lui ont servi de tremplin, il jette à la volée les idées les plus dangereuses du matérialisme : la vie ne serait-elle autre chose que la matière en mouvement par elle-même? Où passe la frontière entre vie et mort? (LVIII, 3-15).

Il y répondra quinze ans plus tard dans le Rêve de d'Alem­ bert, sans avoir cessé d'y réfléchir entre-temps.

D'une lecture naissent des réflexions, des questions nouvelles, d'autres lectures, d'autres réflexions, sans fin, les œuvres s'enchaînant l'une à l'autre, à plus ou moins longs inter­ valles, dans un mouvement de la pensée continuel, varié, comme l'acte créateur unique de la matière.

BIBLIOGRAPHIE Édition par A.-M.

Chouillet, Paris, Vrin, 1983.

Sur le texte, un ouvrage fondamental : Jacques Roger, les Sciences de la vie dans la pensée française du XVIII' siècle, Paris, A.

Colin, 1971.

Po ur les idées matérialistes de Diderot, le seul grand ouvrage actuel de synthèse est écrit en allemand : Ursula Winter, Der Materialismus bei Diderot, Genève-Paris, Droz-Minard, 1972.

Les ouvrages d'ensemble sur Diderot indiqués à la Bibliographie générale éclairent aussi, mais plus brièvement, ces questions.. »

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