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NAUSÉE (la) de Jean-Paul Sartre

Publié le 25/01/2019

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NAUSÉE (la), roman de Jean-Paul Sartre (1938). Pour la génération des années 40, la Nausée aura été le diapason, le livre de référence existentielle que les Nourritures terrestres avaient été pour le dilettantisme fin de siècle, ou René pour le mal du siècle romantique. Ce premier roman de Sartre marque l'entrée en scène quelque peu scandaleuse d'un auteur qui allait dominer son époque. Il a 33 ans lorsque le livre paraît. Cette entrée en scène avait également été laborieuse : il y avait sept ans qu'il en avait commencé la première version, intitulée Melancholia.

 

La Nausée est constituée par le journal intime (publié par des « éditeurs » anonymes dans des circonstances qu'ils ne précisent pas) qu'Antoine Roquentin (33 ans) a rédigé en janvier-février 1932, pendant les derniers jours d'un séjour de plusieurs années à Bouville. Après avoir renoncé à vivre une vie d'aventurier — à la Malraux (Russie, Chine, Indochine) —, il était venu s'établir dans cette ville portuaire pour en rédiger une, celle du marquis de Rollebon, personnage hasardeux du xvme s. A la bibliothèque municipale, où il poursuit ses recherches, il se laisse côtoyer par l'Autodidacte, dont l'humanisme admiratif l'exaspère, mais dont l'homosexualité l'apitoie. Mais une expérience existentielle, celle précisément qu'il désigne du nom de « nausée » et qui culmine dans la célèbre scène du Jardin public, fera tomber de ses mains l'allobiographie et retomber dans l'oubli son objet défunt : le passé, symbolisé par Rollebon, s'évanouit lorsque se révèlent la surabondance, l'excès, le « de trop » constitutif d'un présent débordant. Le passé, toutefois, n'est pas le seul objet qui échappe à la prise de Roquentin au cours de ce journal qui enregistre les progrès de sa nausée. Il devra aussi renoncer à Anny, la femme qu'il aime et qui ne l'aime plus. C'est à la suite de cette perte qu'il quitte Bouville pour Paris, où, décide-t-il, il écrira, non plus un livre d'histoire, ni même un journal intime, mais un roman, décidé à faire une œuvre d'art à partir de son existence, à faire son salut en quittant la contingence nauséeuse de l'existence pour la nécessité de l'art où tout est justifié. Tournée d'abord vers le passé (l'ouvrage sur Rollebon), poursuivie au présent (le journal intime), la Nausée se termine (au futur) avec la décision d'écrire un roman dont certains lecteurs ont pensé qu'il s'agissait de la Nausée elle-même. Pourtant, lorsque paraît le roman, Sartre ne partage plus l'esthétique salvatrice que son héros professe dans les dernières pages. La menace de guerre, consécutive à la crise de Munich, lui avait fait découvrir le poids du réel sociohistorique. La guerre de 1940 ne fera que confirmer cette réorientation. Ce qui suivra la Nausée, par conséquent, doit être considéré non pas comme le prolongement ou la réalisation des projets formulés par Roquentin, mais au contraire comme la critique des prémisses sur lesquelles reposaient ces projets. Sartre s'est fait fort de penser contre lui-même. Ce penchant pour l'autocritique trouvera sa cible favorite dans la Nausée, ce chef-d'œuvre issu d'une « névrose d'écrivain » dont les Mots analysent la genèse.

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« une fiction... Pistes de lecture Une œuvre accomplieJean-Paul Sartre est né à Paris en 1905.

La Nausée est sa première œuvre littéraire publiée.

Proposé sous le titreMelancholia aux éditions Gallimard et rebaptisé La Nausée lors de sa publication, ce livre fut considéré par la critiquecomme une réussite si accomplie que beaucoup doutèrent de la faculté, pour l'auteur, de progresser dans le genre.Ce que la critique ignorait alors, c'est que, depuis des années, Sartre écrivait pour lui-même (presque aucune desœuvres antérieures à La Nausée n'a été publiée à ce jour).En 1916, Sartre entre au lycée de La Rochelle et rencontre Paul Nizan avec qui il suivra les cours de l'Ecole Normaleen 1926.

Cette même année, il fait la connaissance de Simone de Beauvoir et termine son agrégation en 1929.

Ilmènera ensuite de front une carrière de professeur de philosophie et d'écrivain et ne quittera l'enseignement qu'en1945, année de la fondation de la revue Les Temps modernes.Dès cette époque, l'œuvre d'art envisagée comme seule forme de salut — le même sentiment anime Roquentin dansLa Nausée — laisse peu à peu la place à un engagement politique qui se traduit tantôt par des actions ponctuelles(mai 68), tantôt par une littérature militante (l'affaire Henri Martin, 1953).

Lors de la rédaction de La Nausée, Sartrene se soucie pas encore de l'engagement historique; ce qui est essentiel, c'est l'œuvre d'art.

Ce journal d'un hommequi se sent peu à peu happé par les désillusions évolue suivant un double principe; d'une part, la découvertemétaphysique de l'absurde de l'existence, c'est-à-dire que l'existence est un défaut de l'être, et, d'autre part, lamise en question et la démythification de principes tels que l'aventure, l'humanisme, les instants parfaits (lamadeleine de Proust), les gens bien pensants, etc. L'œuvre d'art comme seul salutLa découverte de l'existence que fait Roquentin, bien que d'ordre philosophique, se place sur le plan de la sensation.Ce qui a changé, ce n'est pas le monde mais la manière dont le héros le perçoit.

D'abord effrayé par ce qu'il croitêtre la manifestation d'une maladie mentale qu'il va chercher à analyser (c'est le but de son journal), il va peu à peuconsidérer la nausée comme partie de lui-même.

Ce dégoût résulte de sa perception des objets comme existants,c'est-à-dire doués de qualités.

Les objets touchent, bougent, refusent de se laisser nommer (à force d'observer uneracine, Roquentin ne saura plus la nommer), les choses ne se laissent plus fixer.

La nausée vient de ce sentiment deflou, de flasque, de flottement des objets qui, peu à peu, s'animent jusqu'à en devenir agressifs (les bretelles duserveur, le galet).

Roquentin découvre la résistance passive des choses qui, dès qu'il les observe de près, ne sontjamais totalement elles-mêmes.

L'essentiel, c'est la contingence.

Exister, c'est être là simplement, mais cela nesignifie pas que l'on puisse déduire les choses.

Elles sont, gratuitement.

L'existence ne se laisse pas penser de loin.Et l'homme, tout comme le monde, est là, sans plus.

La seule justification de l'homme, le seul acte qui puisse luiaccorder l'opacité et le poids des choses, est sans doute l'œuvre d'art que Roquentin se proposera d'écrire. L'homme face à la nauséeFace à cette découverte, toutes les illusions que l'homme s'invente s'effondrent.

Les rêves d'Anny n'existaient pas,elle voulait agir, profiter de situations privilégiées afin de créer des moments parfaits et lorsqu'elle retrouveRoquentin, c'est pour lui avouer l'échec de son entreprise.

Mêmes espoirs, mêmes illusions en ce qui concernel'Autodidacte, amoureux éperdu du genre humain et de la culture qu'il emmagasine par ordre alphabétique et quifinira par être chassé de la bibliothèque pour pédérastie.

Ne parlons pas de l'esprit d'aventure et des voyages dontRoquentin est revenu.

L'aventure n'est même pas au coin de la rue un dimanche après-midi, ce n'était qu'uneillusion.

Quant aux gens de bien, ceux-là mêmes qui s'exhibent à la sortie de la messe, tellement sûrs d'eux-mêmeset de leur respectabilité, Roquentin ne voit en eux que des salauds.

Si l'histoire est un leurre, les mythes unedérision, l'aventure une dangereuse illusion, les instants privilégiés une fausse route, que reste-t-il à l'homme quipuisse justifier son existence?C'est par le biais de la musique qui dissipe la nausée de Roquentin que celui-ci découvre une porte de salut.

Sil'existence est gratuite, l'homme peut la justifier parla création.

La Nausée de JEAN-PAUL SARTRE Né à Paris.

Jean-Paul Sartre (1905-1980) est reçu au concours de l'École Normale supérieure à l'âge de dix-neufans.

Agrégé de philosophie en 1929, il a poursuivi une carrière dans l'enseignement, interrompue par la guerre,jusqu'en 1945.

Mis en congé illimité, il s'est ensuite consacré au journalisme et aux voyages.

Intellectuel militant degauche, il a pris position sur les événements contemporains.Son oeuvre philosophique a profondément marqué l'après-guerre avec la publication de l'Eire et le Néant en 1943.

Iln'y définit pas la liberté comme l'aptitude à disposer de son destin pour en changer le cours, mais comme unengagement possible de l'homme qui donne un sens à sa situation.

L'exercice de cette liberté de s'identifier avec lui-même peut faire prendre conscience à l'homme du tragique de l'existence et l'entraîner dans le désespoir.

Seul lesens de la solidarité, qui fait de l'existentialisme un humanisme, peut arracher l'homme au nihilisme absolu, à laconviction de son néant. Du 29 janvier au 21 février 1932, Antoine Roquentin tient son Journal pour essayer d' « y voir clair ».

Il s'est installéà Bouville pour y travailler à un livre d'histoire.

Mais, dans cette petite ville morne, les dimanches sont monotones.. »

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