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PHÈDRE, de Racine

Publié le 13/03/2019

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PHÈDRE, tragédie de Racine (1677). La lutte du jour et de la nuit, de Minos, roi du labyrinthe, et de Pasiphaé, fille du Soleil, de la conscience du mal et de l'incapacité de bien faire est le sujet véritable d'une pièce qui pivote tout entière autour du personnage de Phèdre, dévorée de passion, consciente de ses fautes, mais incapable d'en assumer la responsabilité, écrasée par la Fatalité qui triomphe. C'est la plus « grecque » des pièces de Racine, par son lyrisme et parce que le poète y retrouve le sens du sacré, essentiel à la tragédie antique. On a voulu (Chateaubriand) voir dans Phèdre une âme façonnée par le christianisme et dans la pièce une « tragédie janséniste ». En réalité, la seule théologie moderne à laquelle on puisse rattacher l'œuvre serait celle de Sade : le monde est livré à des dieux cruels qui prennent leur plaisir dans la souffrance des hommes.



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« Introduction Poser tout de suite le paradoxe de la formule : le jour où Racine crée l'héroïne la plus« osée » de son théâtre, la plusmoderne et la plus troublante (on Ta souvent rapprochée des héroïnes de Mauriac), ce jour-là Racine se défend endisant que cette héroïne est peut-être ce qu'il a mis de plus raisonnable sur le théâtre ».

Eliminons naturellementl'interprétation à grossier contresens qui consisterait à croire que Racine justifie son héroïne et trouve « raisonnable» tout ce qu'elle fait! Ce qu'il veut dire, c'est qu'elle agit conformément à ce qu'on pourrait attendre de toutpersonnage de tragédie placé dans une situation identique, avec un caractère analogue.

La « raison » est donc enl'occurrence une sorte de logique interne des sentiments dans un genre déterminé, conformément à certainestraditions d'art. I La « raison » = lois du genre Si nous étudions le contexte de notre citation dans la Préface de Phèdre (cf.

XVIIe Siècle, p.

307), il apparaît queRacine pense surtout aux traditions esthétiques et littéraires. 1 L'imitation des Anciens.

Racine déclare que Phèdre est raisonnable d'abord parce que c'est un caractère qu'il aemprunté à Euripide (idée qui du reste devrait être fortement nuancée, mais là n'est pas la question).

Il doitd'ailleurs aussi en réalité à Sénèque, à Garnier.

De toutes façons, et même s'il assimile et transforme ses emprunts, ily a « raison » parce qu'il y a conformité à une tradition d'art. 2 Les lois de Part.

Cette tradition doit se comprendre non seulement comme une imitation de modèles, mais commeune méditation sur les théories qui ont constitué progressivement au cours des temps les lois de l'art : ici parexemple, en disant que Phèdre est « raisonnable ».

Racine pense surtout à la règle aristotélicienne du héros « nitout à fait coupable ni tout à fait innocent », et il commente, avec quelle docilité modeste : Elle est engagée par sadestinée et par la colère des Dieux, dans une passion illégitime, dont elle a horreur toute la première.

Elle fait tousses efforts pour la surmonter.

» D'autres règles sont liées à la précédente, dans l'idée de Racine: ainsi Phèdre, nitout à fait coupable ni tout à fait innocente, provoque mieux » la compassion et la terreur : de plus, elle répond à larègle posée par les classiques du XVIIe siècle du vice puni, ou pour le moins toujours en horreur » (D'Aubignac,Pratique du théâtre) 3 Les lois du genre.

Ainsi se précise cette notion d'un caractère rai sonnable.

On remarquera que ce qui précède n'est valable que pour le genre tragique.

Une héroïne de roman serait « raisonnable » moyennant d'autres conditions: lire à ce sujet dans Corneille, Deuxième Discours : De la tragédie, le texte célèbre sur ce que donnerait la tragédied'Horace écrite sous forme de roman (cf.

Les Textes littéraires généraux, n° 193, lire surtout depuis : « Cetteréduction de la tragédie au roman...

»). II Du « raisonnable » au « classique » Nous dégageant de ces considérations étroitement techniques et historiques, nous nous demanderons dans quellemesure cette épithète ne définit pas, au sens large du terme, un art classique. 1 Les distances prises par l'artiste.

Dans tout ce qui précède, il apparaît que, si monstrueux que soit le personnagequ'il peint, l'artiste ne se confond pas avec le monstre qu'il prend comme objet de son art, mais s'en détache pouren donner une peinture conforme aux lois de l'art, et suffisamment stylisée (ceci n'étant nullement contradictoireavec le fait que l'idéal classique est souvent défini par les hommes du XVIIe siècle comme une « imitation », commeune « expression », dirions-nous aujourd'hui).

Sur toutes ces idées, on lira avec fruit le Belphégor de Julien Benda,où ce critique oppose les artistes modernes, justifiables d'une esthétique bergsonienne, c'est-à-dire persuades quel'art doit mimer le mouvement et le désordre de la vie, et les artistes classiques, convaincus que l'art doit dominer lavie.

non par un ordre artificiellement plaqué, mais par les exigences de la création artistique. 2 La logique des sentiments.

Ces exigences, cette stylisation doivent particulièrement se manifester dans unecertaine logique des sentiments, logique à valeur universelle.

C'est ainsi qu'il est « raisonnable » que Phèdreconnaisse au sein de son amour incestueux une crise de jalousie; c'est ainsi — exemple cité par Racine lui-mêmedans sa Préface — qu'il ne serait pas « raisonnable » de penser que Phèdre, avec tous ses scrupules moraux,pourrait accuser Hippolyte : « J'ai cru que la calomnie avait quelque chose de trop bas et de trop noir pour la mettredans la bouche d'une princesse qui a d'ailleurs des sentiments si nobles et si vertueux.

» Sorte d'algèbre despassions, non pas abstraction vide, mais logique interne des situations et des caractères, qui est le plaisir duthéâtre proprement racinien. 3 Le raisonnable comme aspect de la vraisemblance.

Cette logique est en grande partie celle qu'attend le public : ils'agit de peindre des caractères conformes à ce qu'attendent les spectateurs, et on estimera ces caractèresd'autant plus « raisonnables » qu'ils plaisent à plus de publics différents : « Je ne suis point étonné que ce caractèreait eu un succès si heureux du temps d'Euripide, et qu'il ait encore si bien réussi dans notre siècle, puisqu'il a toutesles qualités qu'Aristote demande.

» Ainsi la raison se concilie avec le plaisir, ce qui est l'essence de l'art classique.Mais ce plaisir, à la différence du plaisir « baroque », ne peut être pris que par la raison et on se rappellera que « Laraison, pour marcher, n'a souvent qu'une voie » (Boileau, cf.

XV1IK Siècle, p.

358, v.

48).

La raison classique, c'est. »

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