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Port-Royal, de Montherlant

Publié le 14/03/2019

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Port-Royal, pièce de Montherlant (1954). Le monastère de Port-Royal de Paris en août 1664 : les religieuses refusent de signer le formulaire établi par l'Assemblée des évêques, condamnant les idées sur lesquelles ce monastère a été réformé. Ce drame d'un christianisme rigoureux, drame du refus et de la différence au sein de l'Église, est saisi dans les divers mouvements d'âme des religieuses menacées d'expulsion, et particulièrement dans l'ébranlement physique et moral de la sous-prieure, sœur Angélique de Saint-Jean, nièce du « Grand Arnauld ». Le véritable drame réside dans la crise de doute religieux traversée par la mère Angélique qui, seule, s'acheminera vers « les portes des Ténèbres ».

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)MONTHERLANT: Port-Royal 1 .

UN THÉÂTRE DE LA GRANDEUR Psychologique et métaphysique, le théâtre de Montherlant s'inscrit dans une tradition humaniste.

Son sens tragique estexposé par des héros qui agissent ou meurent sans être sûrs de la signification de leurs actes ; chacun est animé par uneconviction héroïque qui lui confère une ampleur hors du commun, mais tous sont aussi minés par les faiblesses humaines. - Montherlant trouve dans l'histoire ces âmes fortes qui recherchent la perfection.

Il affirme par là le principe d'identité entrenotre temps et les époques passées ; le sens de la vie, la signification de nos actes, la recherche des valeurs sont les pré-occupations éternelles qu'il met en scène. Éduqué par des prêtres mais non pratiquant, Montherlant a créé dans quatre de ses pièces des personnages religieux ; cen'est pas le moindre des paradoxes de cet auteur : «Le christianisme est pour moi un fait que j'approuve en partie, et en partie réprouve.

Mes ouvrages expriment tour àtour mon approbation et ma réprobation.» Montherlant croit que la religion est impuissante devant les questions qui se posent à l'homme ; mais, selon lui, elle donneune dimension supérieure, «poétique», au monde où nous vivons. 2.

UNE POLÉMIQUE RELIGIEUSE Port-Royal analyse un aspect particulier du christianisme et, malgré son sujet austère, ce drame fut un grand succès scénique.

Le thème en est la condamnation du jansénisme par l'Église catholique, au dix-septième siècle.

Rappelons lesthèses en présence. Jansénius, évêque d'Ypres, prend parti sur le problème de la grâce divine en 1640, dans la pure tradition de saint Augustin :la grâce n'est pas accordée à tous les hommes mais à un petit groupe d'élus, et l'homme ne peut rien pour son salut.

Il n'y aaucune indulgence pour les faiblesses humaines chez les jansénistes ; l'homme est damné s'il n'est pas secouru par la grâce.Cette doctrine, partagée par les religieuses de Port-Royal-des-Champs, à Paris, par Antoine Arnauld et Blaise Pascal', estfaite pour des âmes d'élite, et risque de désespérer le commun des mortels.

Aussi, depuis le seizième siècle, les jésuites,connaissant les faiblesses humaines, proposent une dévotion plus aisée qui laisse une plus grande part à la liberté et laresponsabilité humaines ; ils croient que l'homme a la possibilité de gagner son salut par une vie édifiante et la pratique dessacrements. De quel côté est l'hérésie? L'Église catholique a tranché en condamnant le jansénisme : malgré Les Provinciales de Pascal, en 1656, les religieuses furent persécutées et l'abbaye de Port-Royal détruite en 1709.

La persécution dure depuis vingt-six ans lorsque se produit le coup de force présenté dansla pièce: l'obligation de signer le Formulaire condamnant les cinq propositions hérétiques.

L'action se passe en août 1664 ; lacommunauté des religieuses est bouleversée par cette querelle théologique. 3.

UNE TRAGÉDIE CLASSIQUE Le premier mouvement dramatique expose les diverses réactions individuelles.

Dans l'épreuve, chaque religieuse découvre soncaractère.

Deux personnages se détachent ; la soeur Françoise, qui est un personnage fictif, et Angélique Arnauld d'Andilly, qui vécutde 1624 à 1684 et fut prieure de Port-Royal.

La soeur Angélique a peur et sent que s'approche pour elle une crise de doute ; elleavoue, en parlant d'elle-même : «Je connais de nos soeurs qu'un certain excès de peines met dans un état si étrange qu'il leur semble alors qu'elles ne croientplus en Dieu.» La soeur Françoise, au contraire, qui semble plus modérée dans sa foi et plus faible, se fortifie dans l'épreuve.

Le seul événement de lapièce est l'envahissement de la scène par les exempts du lieutenant civil accompagnant l'archevêque de Paris venu pour une dernièresommation. Le deuxième mouvement dramatique montre l'effort pour briser les âmes, l'intimidation, la persuasion, enfin la menace : la liste deproscription de douze religieuses qui seront dispersées dans des couvents différents.

L'Archevêque dispose d'une complice en la place,la soeur Flavie, qui trahit ses condisciples pour obtenir la charge d'abbesse. La volonté de résistance de soeur Angélique vient relayer sa foi défaillante ; elle fait jurer le secret à soeur Françoise sur ses étatsd'âme.

La révolte se poursuivra au dehors, avec soeur Angélique ; au dedans, l'esprit de Port-Royal se maintiendra grâce à sœurFrançoise : «Il y a un autre Dieu que les dieux de la terre, qui se sont établis pour juger, et pour n'être jugés de personne.

Il y a un autrejuge dans le Ciel, qui nous rendra plus de justice.

Il y a un autre monde, où nous serons préservées de vous.» La scène finale est un tableau symbolique majestueux. Le thème essentiel de la pièce, au-delà de l'épisode d'histoire religieuse, c'est la liberté de conscience, le droit à la révolte, incarnésdans les deux personnages principaux.

La simplicité de l'intrigue, l'accent mis sur l'étude des caractères, le style sobre et dépouillé dece drame montrent bien que Montherlant suit les principes de l'esthétique classique, dans la lignée de Corneille, Pascal, Bossuet etSaint-Simon.

Port-Royal a une tonalité propre dans l'oeuvre de Montherlant ; il a renoncé à l'éloquence que l'on peut reprocher à d'autres pièces, il s'est effacé devant les documents historiques dont il s'est inspiré, les lettres de captivité de la soeur Angélique(1663) et l'histoire de Port-Royal que Sainte-Beuve fit paraître de 1840 à 1855.

Cette réserve du grand styliste qu'est Henry de Montherlant est l'hommage qu'il a rendu au Dieu austère de Port-Royal.. »

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