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Piotr Arkadievitch Stolypine

Publié le 10/07/2019

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Ceci vaut plus encore pour les autres projets de réformes que Stolypine soumet en l907, notamment les libertés civiques, les impôts sur le revenu progressif et un régime d'assurances légal pour les ouvriers qui ne sera introduit en Russie qu'en 1912, après la mort de son initiateur.

 

Même dans sa tentative d'étendre l'administration autonome locale, Stolypine se heurte à la résistance des conservateurs. Après son échec à la Douma le 4 mars 1911, il présente sa démission au tsar Nicolas II qui la lui refuse. Stolypine reste alors à la condition d'obtenir une mise à l'écart du Parlement. Le tsar devant s'incliner devant la détermination de son premier ministre, Stolypine perd définitivement le soutien de la Cour. Il meurt victime d'un attentat à Kiev au début de septembre 1911.

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Piotr Arkadievitch Stolypine Lorsqu'un régime politique meurt, on est parfois tenté d'imputer la cause de sa disparition parmi d'autres facteurs de désagrégation à la faiblesse de sesdirigeants ; de fait, Nicolas II, dernier tsar de Russie, paraît bien avoir été un piètre politique, englué dans des conceptions surannées, prisonnier d'unentourage peu digne de rehausser le prestige de la dynastie des Romanov : son abdication, le 15 mars 1917, consacre autant l'insuffisance d'un hommeque l'inadéquation d'un régime.

Faut-il cependant penser que les dernières années du tsarisme au XXe siècle aient seulement correspondu à la lente agonied'un gouvernement incarné en théorie par un homme seul, le tsar autocrate, seigneur de la terre et des hommes russes ? Ce serait oublier l'actionpréventive, mais non curative, des derniers grands commis de l'État tsariste, au premier rang desquels se présente la figure de Piotr ArkadievitchStolypine.

Si l'historien se doit de mesurer l'influence néfaste du légendaire Raspoutine sur la vie de la Cour et de l'Empire entre 1910 et 1916, il doit aussiconsidérer les efforts entrepris par Stolypine pour sauver le gouvernement impérial entre 1906 et 1911.

L'échec final du tsarisme ne peut jeter le discréditsur la personnalité du dernier grand homme d'État de l'ancien régime russe ; Stolypine représentait sans doute la dernière tentative cohérente derénovation politique du tsarisme ; certains se demandent même si "l'évolution" entamée par Stolypine aurait pu éviter la "révolution" en Russie.

Vainequestion sans doute, puisque l'histoire reconstitue ce qui fut et non ce qui aurait pu être, mais l'acharnement, parfois même posthume, de ses adversairestémoigne de l'importance de son action politique. Issu d'une famille de haute noblesse de la région de Moscou, Stolypine a mené jusqu'en 1905 la vie ordinaire d'un haut fonctionnaire russe, sans que lesqualités du personnage aient contribué à le faire sortir de l'anonymat habituel des administrateurs provinciaux du tsar ; ses relations familiales autant queson zèle pour le service du tsar l'ont fait avancer régulièrement dans la carrière : étudiant en droit à Saint-Pétersbourg, fonctionnaire du ministère desDomaines (1885), puis de celui de l'Intérieur, il s'installe, en 1889, en Lituanie à Kovno ; grand propriétaire terrien, il devient maréchal de la noblesse desa province ; en 1902, il est nommé gouverneur de la province voisine de Grodno, aux marges de la Pologne russe ; en 1903, il quitte cette régionoccidentale pour le poste de gouverneur de la province de Saratov ; c'est là que la révolution de 1905 le surprend.

Actif, énergique, capable d'affronter lesrisques, Stolypine fait alors preuve de décision face aux nombreux troubles agraires qui se multiplient dans cette province méridionale ; la tâche est rude,car l'agitation paysanne est de tradition dans cette région où les groupes sociaux-révolutionnaires sont actifs et bien organisés.

En particulier, pendantl'automne de l'année 1905, soulèvements et jacqueries rassemblent des milliers de paysans de ces Terres Noires ; la province de Saratov est un bonmicrocosme des problèmes agraires russes ; Stolypine n'oubliera pas la leçon donnée par ces violents affrontements à la campagne, dont il triomphe par lamanière forte ; la répression est un palliatif momentané, des réformes doivent suivre. L'efficacité de la conduite de ce gouverneur a été remarquée par le tsar Nicolas II ; aussi, lorsque va se réunir en mai 1906 la première Douma d'Empire, oùles opposants l'emportent nettement sur les fidèles de l'autocratie, le choix impérial de nouveaux ministres est significatif : à Witte, Premier ministresuspect de complaisances pour les libéraux, succède Goremykine, "bureaucrate racorni" (le mot est de l'ambassadeur de France), épaulé comme ministrede l'Intérieur par Stolypine ; déjà l'homme fort du ministère, celui-ci prend aisément le poste de Premier ministre le 9 juillet 1906, quelques semaines plustard, lorsque le tsar a décidé de dissoudre l'Assemblée rebelle ; n'est-il pas l'inspirateur de cette politique offensive ? Piotr Stolypine va conserver ce postede président du Conseil des ministres jusqu'à sa mort en septembre 1911. Pendant cinq années, Stolypine domine incontestablement la vie politique russe.

Son autorité n'est pas sans partage, car il tient tout son pouvoir du tsar etne peut agir qu'après avoir convaincu ce dernier, soumis par ailleurs aux pressions des extrémistes de droite, nombreux à la cour et dans la familleimpériale, voire même dans le ministère ; paradoxalement, celui que ses adversaires de gauche vont accuser, non sans raison, de dureté dans la répressionet d'absence de scrupules quant aux moyens pour gouverner, doit lui-même se défendre contre les tenants d'un absolutisme étroit ; sa marge de manoeuvreest réduite.

Pourtant, l'homme est habile ; sensible aux conditions nouvelles de la vie politique russe, il perçoit l'obligation pour un gouvernement des'appuyer sur certaines catégories sociales ; le temps est révolu où la seule confiance du tsar autorisait un homme politique russe à conduire à sa guisel'administration de l'État.

Toute la stratégie politique de Stolypine consiste à rechercher des soutiens à la Douma, le pouvoir législatif venant appuyer lepouvoir exécutif ; la primauté de ce dernier pouvoir doit être totalement sauvegardée, mais, signe des temps nouveaux, où les sujets de l'Empire accèdent àleur majorité, le gouvernement s'efforcera de composer avec tel ou tel groupe parlementaire, afin de paraître incarner une volonté nationale unique. Après avoir fait renvoyer la première Douma, Stolypine tente vainement d'obtenir des concours dans la seconde Douma, élue en février 1907 ; il a proposéune large collaboration politique aux groupes soucieux d'ordre et de réformes, mais comment la majorité de la Douma, située à gauche, accepterait-elle decollaborer avec un chef de gouvernement qui affirme dans les faits sa volonté de puissance, en muselant la presse, en décimant les opposants grâce à descours martiales dont la sévérité des sentences devient vite proverbiale ? Le désaccord entre la Douma et Stolypine est profond, la réaction du Premierministre énergique : en juin 1907, légalement, l'Assemblée est dissoute ; illégalement, la loi électorale est modifiée, ce qui permet à Stolypine de trouverune majorité selon ses voeux : grâce à cette "Douma des seigneurs", il peut enfin gouverner à sa convenance. Or cette action n'est pas simple réaction bornée ; tout appareil répressif est impuissant à contenir durablement les mécontentements populaires.

Puisquela population russe se compose de paysans (près de 85 % du peuple russe), il convient de se tourner vers ces masses rurales pour obtenir les appuissociaux nécessaires au gouvernement tsariste ; pour y parvenir, il faut briser la communauté villageoise (le mir) en facilitant l'accession à la propriété despaysans enrichis, les koulaks ; en permettant à ces derniers d'acquérir des terres hors du mir, on en fera des propriétaires attachés à leurs biens, hostiles àla revendication traditionnelle des partis révolutionnaires le partage des terres prêts donc à soutenir le gouvernement.

Tel est le sens général des loispromulguées en 1906 et 1907 sous l'inspiration directe de Stolypine ; le but lointain de cette stratégie politique est clair : constituer une classe moyenneà la campagne.

Pour réussir pareille entreprise, il fallait du temps, de l'argent et la paix intérieure et extérieure ; ces trois conditions ne furent pas remplies; non seulement Stolypine disparut rapidement, mais au bout d'une décennie à peine la Russie entrait dans la guerre mondiale, génératrice de profondsdéséquilibres sociaux et politiques. Ce processus de mutation sociale était-il suffisant pour garantir la solidité du tsarisme rénové, alors que la libéralisation économique suggérait enconséquence la libéralisation politique de la Russie ? Stolypine se refusait à admettre pareille évolution politique, conduisant à terme vers une démocratie ;il effarouchait les réformistes russes tout en scandalisant les ultras de l'Union du peuple russe.

Le dénouement de cette contradiction fut brutal : déjàblessé lors d'un attentat en août 1906 qui avait détruit sa demeure, Stolypine est mortellement atteint au Grand Théâtre de Kiev le 1er septembre 1911 ;son assassin, Bagrov, anarchiste au service de l'Okhrana (police politique), a-t-il agi pour le compte de l'extrême droite ? La lumière n'est pas faite surcette ténébreuse affaire : la mort de Stolypine servait trop d'intérêts contradictoires.

Elle mettait fin à la carrière du dernier grand ministre tsariste,considéré par l'historiographie soviétique comme "prétendant à devenir le Bismarck russe".

Évoquer le "chancelier de fer" permet en effet de replacerStolypine à sa vraie place : un tenant du despotisme éclairé au début du XXe siècle.

N'était-ce pas trop tard alors en Russie ?. »

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