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L’Orient et le merveilleux dans les Fables de La Fontaine

Publié le 12/09/2019

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fontaine

Dans une autre fable \" quatre chercheurs de nouveaux mondes » (X, 15) surgissent dès le premier vers. L'imprécision géographique, le recours au pluriel, suggèrent l'existence de régions inconnues, dans lesquelles un \" aventurier •• parfois :

 

Rencontre une esplanade, et puis une cité.

 

Un cri par l'Eléphant est aussitôt jeté.

 

(Les Deux Aventuriers et le Talisman, X, 13.)

 

Le récit se colore de romanesque et de splendeurs. Une fable entière ou quelques vers élargissent ainsi la vision.

 

LA FABLE ET LE CONTE

Entre la fable et le conte a toujours existé une étroite parenté. Les deux genres sont des récits. La Fontaine est lui-même venu à la fable par le conte, en publiant dès 1665 des Contes et Nouvelles en vers. Le Livre Xli des Fables contient d'ailleurs deux contes mythologiques (Daphnis et Alcimadure, Xli, 24 et Philémon et Baucis, Xli, 25). De son côté, depuis Les Contes des Mille et une Nuits, l'Orient était globalement considéré comme l'un des berceaux du conte. Aussi n'est-il pas étonnant que, pour toutes ces raisons, les fables orientales présentent une tonalité particulière. Elles se rapprochent du conte, pour mieux dessiner un idéal de perfection.

L'enrichissement des thèmes

 

À personnage nouveau, situation nouvelle. L'Orient suscite des sujets de réflexion spécifiques. Il constitue un ailleurs si lointain qu'il devient le lieu de tous les possibles et, plus particulièrement, de l'intrusion du surnaturel dans le réel. Par tradition culturelle, l'Orient passait en effet pour plus ésotérique1 que l'Occident. Ses sages étaient réputés. Ainsi,

 

[...] certain Mogol vit en songe un Vizir

 

Aux Champs Élysiens possesseur d'un plaisir

 

Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée2.

 

(Le Songe d'un habitant du Mogol, XI, 4.)

 

Les Souhaits (VIl, 5) ont de leur côté des esprits comme personnages principaux.

 

La création par Colbert de la Compagnie des Indes en 16633 associe l'Orient au commerce maritime. \" Trafiquants » et aventuriers, mus par le désir de s'enrichir, partent pour ces contrées de l'autre bout du monde ou en reviennent (VIl, 11 ; VIII, 18 ; X, 13). Le thème de la mer, des périls de la navigation et de l'ambition cupide4 en découlent tout naturellement.

 

UNE SOURCE DE DÉPAYSEMENT

 

Sujet d'actualité, l'Orient n'en demeure pas moins mal connu du grand public français du XVIIe siècle. Le mot reste nimbé de mystère et, par là même, séduit l'imagination. Il devient propice à la rêverie poétique.

 

La poésie des noms

 

La Fontaine n'était pas géographe. Son Orient reste imprécis, parfois fictif. Mais en poète, La Fontaine connaît le pouvoir évocateur et

fontaine

« L' enrich issement du bes tiair e et des personnages Si vaste soit-il, le bestiaire des Fables n'est pas illimité.

Le retour des mêmes animaux d'une fable et d'un livre à l'autr e le prouve amplement : le Rat, le Loup, le Renard, le Chien, le Lion sont des per­ sonnages �écurrents ..

La faune orientale apporte, en plus de sa note exo tique, des spécimens plus inattendus, en tout cas moins connus du lecteur français du xv11• siècle.

Le Tigre (VIl, 1), l'Éléphant 0f111, 15), le Léopard (IX, 3), le Cormor an (X, 3), la Gazelle (Xli, 15), le Rhinoc éros (Xli, 21) font leur apparition, ainsi, que les boubaks 1 (Di scours à Madame de La Sablière, fin du Liv�e IX).

Leur évocation dépayse et, souvent, amuse.

L'Éléphant est ainsi vu 'à travers le regard d'un "Rat des plus petits ,.

comme un " animal à triple étage ,.

(VI II, 15).

Le Léopard fait admir er sa peau " pleine de taches, marquetée ,.

(IX, 3).

Leur description est d'autant plus suc­ cinète·que les livres des Fables comportaient des illustrations lors de ièu rs premières publications.

L'image suppléait à la brièveté du trait.

L'effet n'en était que renforcé : cet exotisme charmait.

Le renouvellement concen1e également le personnel non animalier de la fable, qui s'ouvre aux figur es mythologiques de l'Orient.

Dans Le Dragon: à plusieurs têtes et Je Dragon à plusieurs queues (1, 12) app araît un" Chaioux "• c'est-à-dir e un offi cier de la cour de l'Emp ire ottoman (turc).

Un " follet2 ,.

et des bons génies sont les héros des Souhaits (VIl, 5).

Dans un pays lointain, deux " aventuriers ,.

décou­ vrent un " talisman ,.

(X 13) ; ou bien ce sont des' digni taires orientaux qui envahissent l'univers des fabl és.

L'une d'elles inet eri scène un ·" bassa "• c'e st-à- dire un gouverneur de province turc (VIII, 18) ; une autre, un " habitant du Mogol "• pays désignant les Indes ou, comme on disait alors, l'empire du Grand Mogol (Xl, 4).

Dans tous les cas, ces référ ences agrandissaient l'horizon.

1.

Un boubak est une sorte de renard.

2.

Folle t : sorte de lutin.

vif et gracieux.. »

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