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ANEAU Barthélemy : sa vie et son oeuvre

Publié le 14/11/2018

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ANEAU Barthélemy (vers 1505-1561). Né à Bourges vers 1505, Aneau y suit les cours de droit de l’Université. A partir de 1529, il est successivement régent, puis principal du fameux collège de la Trinité, à Lyon. Il y a été assassiné en 1561, au cours d’« une échauffourée religieuse » (?). C’est dans cette ville, où il est en contact avec tout le milieu des imprimeurs et humanistes, qu’il publie la presque totalité de son œuvre.

 

Il doit au Quintil Horatian, ouvrage anonyme qui lui est aujourd’hui attribué, une réputation de « pédant de collège » que ne justifie pas du tout le reste avoué de son œuvre. Paru en 1550, ce texte, sous couleur de « correction amiable et modeste », reproche à la Deffence et illustration de Du Bellay de ne pas défendre et de ne pas illustrer une langue qui a fait ses preuves, avant lui, avec les rhétoriqueurs et les marotiques; bref, d’être incohérent dans sa démonstration, de méconnaître sa langue, d’abuser de l’italien et des recherches étrangères. Quoiqu’elles soient souvent honorables et que leur ton polémique soit alors le fait de tous, y compris de Du Bellay, on devrait bien laisser de côté ces quelques notes hargneuses pour lire d'Aneau son théâtre, ses recueils emblématiques, ou encore Alector ou le Coq, histoire fabuleuse (1560), car l’auteur, imaginatif, cherche souvent des voies nouvelles, très conscient de tout ce que son siècle offre de curiosités et d’amusements à l’esprit sans même que le corps quitte l’étonnante ville de Lyon.

 

A sa ville il offre, en 1542, une sorte de chronique mystérieuse, mimée à dix personnages, avec des indications précises de décor, de costumes et de mouvements : Lyon marchant, satire françoise; Lyon, aidé de Rouen, y dispute, à Orléans et à Paris, l’honneur de servir la monarchie française; il y est question de religion, de guerres, de Turcs, de tous les événements de ces années-là, et d’autres choses moins claires, sous des formes plus variées que dans son Mystère de la Nativité (1539). Surtout, il montre une virtuosité réelle à multiplier les niveaux de sens, goût qu’ont satisfait ensuite les recueils emblématiques.

 

Aneau s’essaie aux relations entre images et textes dans les Décades de la description... des animaulx (1549), qu’il justifie par le désir de voir et voyager par l'illustration et l’écriture; ce bestiaire organise en cinq dizaines de dizains, et autant de figures, animaux fabuleux et familiers, licorne, écureuil, chat et lézard, etc., menés par un androgyne et des enfants. Mais ce recueil n’a pas encore l’habileté de l’Imagination poétique (Picta Poesis) de 1552, dans lequel il joue très savamment sur les degrés du visible et de l’intelligible, soucieux de « rendre parlantes et vives » les figures « muettes et mortes » dont disposait son imprimeur sans trop savoir qu’en faire.

 

Comme on se livrera plus tard au petit jeu des descriptions — plus ou moins commentées — d’un tableau ou d’une carte postale, Aneau s’adonne à la « tache difficile de suyvre autruy » (l’auteur du dessin) « par chemin incongneu et estroict », faisant, puisqu'il est dépendant des figures préexistantes, une expérience différente de celle d’Alciat ou de Corrozet : son imagination se projette dans de complexes petits exercices pratiques d’ico-nologie, révélant les niveaux pluriels de signification et d’interprétation des images et des textes, nous surprenant souvent par des décalages qui ne l’inquiètent guère, allant de la masse des petits tableaux quotidiens fort vifs à l’abstraction des mythes, fables et symboles philosophiques ou moraux, compliquant plus souvent qu’il n’explique par le titre et le poème, mais, paradoxalement, avec beaucoup de netteté.

 

Son chef-d’œuvre est sans doute Alector (1560). Mélange de roman de chevalerie et de texte utopique à la manière du Thomas More qu’il a préfacé, dans la veine des contes arabes, de Rabelais et de Till l’Espiègle, c’est

« une véritable fête du langage et de 1' imaginaire.

Épris des voyages qu'il n'a pas faits, Aneau campe son héros Franc-Gal («Franc » comme «libéral », «G al» comme « surmontant les eaux », dit-il; et Franc-Gal comme tous les mythes d'origine gauloise et celtique) sur un hippo­ potame auquel il a fixé des ailes; sous eux défile tout le monde connu : les déserts et les « terres où les gens sont noirs, les oyseaux verts et les arbres rouges ».

Franc-Gal apprend aux hommes sauvages à s'organi­ ser en monarchies élues avec le consentement de tous, épouse une sorte de Mélusine, belle et souple, qui lui donne un fils, Alector (le coq), né tout armé d'éperons d'or dans un œuf de cristal couvé sous les fourrures.

Après des combats étranges contre un mort, un mons­ trueux centaure et un serpent dans les arènes, Alector achève sa vie aventureuse, élu d'une ville merveilleuse­ ment construite à l'antique, et tuant (de joie!) son père.

Dans ce récit libre, qui préfigure Cyrano de Bergerac et Charles Sorel, on peut être ébloui autant par la savante structure d'emboîtements successifs, par la sûreté et la richesse du lexique et les nombreuses réflexions sur le langage que par les excentricités des mouvements et des couleurs, par une imagination qui puise à tous les fantas­ mes, à tous les rêves.

Enfin, ce n'est pas l'un des moindres mérites d' Aneau que d'avoir été le traducteur averti d'œuvres importan­ tes, comme les Emblèmes d' Alciat ( 1549) ou le traité Des usures d'un tout jeune juriste d'avenir, François Hotman (1552); il a aussi continué la traduction des Métamorphoses d'Ç>vide commencée par Marot (1556), édité des textes d'Erasme, de Platina et de Saint-Eucher.

Aneau, qu'on ne saurait ranger ni du côté de la Cour.

ni du côté de la Réforme, représente bien l'humanisme à la lyonnaise, fait de beaucoup de savoir, de beaucoup d'imagination et de beaucoup d'indépendance.

li fut vite oublié.

[Voir aussi CoQ-A-L'ÂNE].

BIBLlOGRAPHIE Parmi les œuvres d'A neau, Alector est en cours de publication chez J:?roz, et le Lyon Marchant aux Presses Universitaires de Saint-Etienne.

Le Quintil Horatian a été plusieurs fois réédité à la suite de la Deffence et illustration de la langue françoyse de Du Bellay; cf.

l'édition Henri Chamard, Didier, 1945; cf.

Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd.

F.

Goyet, Le Livre de Poche, 1990.

Sur le Quintil Horatian, on peut consulter Henri Charnard, Histoire de la Pléiade, Paris.

Didier.

1939-1940; Marcel Ray­ mond, l'influence de Ronsard sur la poésie française, Paris, Champion, 1927.

Les œuvres principales d'An eau sont : Cham natal contenant sept Noeh., ung chant pastoral et ung chant royal avec ung Mystère de la Nativité par personnages, Lyon, Pierre de Tours, 1 539; Lyon marchant, satyre françoise.

Sur la comparaison de Paris, Rohan, Lyon.

Orléans ...

Soubz les Allegories et Enigmes.

Par personnages mystiques, jouée au Collège de la Trinité à Lyon, Lyon, Pierre de Tours, 1542; Décades de la description.

formes et vertu naturelle des animaulx, tant raisonnables que brutz.

Lyon, Barth.

Arnoullet, 1549; Picta Poesis.

Ut pictura poesis erit, Lyon, Macé Bonhomme, 1552; Imagination poéti­ que ....

Lyon, Macé Bonhomme, 1 552; Alector oule Coq, Histoire fabuleuse, traduicte en françois d'unfragmelll divers, trouvé 11011 entier, mais emre rompu, et sans forme de principe, Lyon, Pierre Fradin, 1560; la Description philosophale de la nature et condi­ tion des oyseau/x, Paris, Jean Ruelle, 1571.

Aneau et particulièrement son théâtre ont été étudiés par V.

L.

Saulnier dans. »

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