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Antigone: Moi, je ne veux pas comprendre Jean Anouilh

Publié le 19/03/2020

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antigone

«Je ne veux pas comprendre. C’est bon pour vous. Moi je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir. »

 

«Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur! Avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n’est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, — et que ce soit entier — ou alors je refuse! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite — ou mourir. »

«Pour dire oui, il faut suer et retrousser ses manches, empoigner la vie à pleines mains et s’en mettre jusqu’aux coudes. C’est facile de dire non, même si on doit mourir. Il n’y a qu’à ne pas bouger et attendre. Attendre pour vivre, attendre même pour qu’on vous tue. »

«Ah! je ris, Créon, je ris parce que je te vois à quinze ans, tout d’un coup! C’est le même air d’impuissance et de croire qu’on peut tout. »

«Comprendre... Vous n’avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu’on ne peut pas toucher à l’eau, à la belle eau fuyante et froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu’on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu’on a dans ses poches au mendiant qu’on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu’à ce qu’on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. (Elle achève doucement). Si je deviens vieille. Pas maintenant. »

«Et tu risques la mort maintenant parce que j’ai refusé à ton frère ce passeport dérisoire, ce bredouillage en série sur sa dépouille, cette pantomime dont tu aurais été la première à avoir honte et mal si on l’avait jouée. C’est absurde! »

antigone

« 16 / ABSURDE (et tragique) • 1 fille de Créon, non sans que Créon, toutefois, ait réussi à l'ébranler provisoirement dans son projet.

Le vœu de mourir d' Antigone, et l'héroïque intransigeance qu'il im­ plique, contrecarre la volonté de vivre, Je réalisme très pragmatique de Créon, comme Je non s'oppose au oui.

Deux conceptions du monde s'affrontent.

L'une est celle d'une jeune fille à peine sortie de l'enfance, d'une adoles­ cente orgueilleuse et révoltée qui, éprise d'absolu, décide de « se dresser seule en face du monde», comme le signale le Prologue.

L'autre, celle de Créon, reflète la maturité de l'homme d'expérience.

Loin de refuser tout compromis avec la réalité rebutante du monde, Créon compose avec elle, s'en accommode, malgré ses répugnances car il sait que ce corps à corps avec la réalité est la condition même du bonheur à conquérir.

Principe de plaisir contre prin­ cipe de réalité, pour reprendre la formulation de Freud sur le fonctionnement mental (énoncée en 1911).

Antigone ne veut pas comprendre.

Un tel refus rend compte d'une intolérance irréductible.

Tolérer le point de vue adverse, en effet, ce serait consentir à en apprécier la validité, Je faire sien, du moins dans une première appro­ che, et manifester un esprit d'ouverture et de conciliation qu'Antigone rejette sans appel, çomme elle s'en explique devant sa sœur Ismène : «Comprendre ...

Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous, depuis que je suis toute petite.

Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle eau fuyante et froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes.

Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou tard, mais pas juste quand on en a envie! Comprendre.

Toujours compren­ dre.

Moi, je ne veux pas comprendre.

Je comprendrài quand je serai vieille.

(Elle achève doucement).

Si je deviens vieille.

Pas maintenant.» · Comme il est aisé de s'en rendre compte, Antigone se retourne vers l'enfance pour s'insurger contre les interdic-. »

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