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Publié le 23/03/2020

Extrait du document

?I) Une scène de révélation 1) Un objet sacré ? On note neuf occurrences du nom « lettre », dont sept dans les répliques. L?objet est au centre de la scène : les protagonistes la tiennent, en parlent et la lisent. ? Roxane conserve sur son c?ur (« elle met la main sur sa poitrine », didascalie) cette lettre qui est le symbole d?un amour qui transcende la mort grâce aux mots qui le revivifient. ? Le « sachet pendu à son cou » fait toutefois obstacle à la vérité des c?urs. Il masque le véritable amour. Mais en invitant Cyrano à lire la lettre (« Ouvrez », v. 8) elle transforme l?objet qui a entretenu la confusion en agent de la révélation. ? Cet objet semble lié au destin puisque Roxane a fait une promesse : « N?aviez-vous pas dit qu?un jour, peut-être, / Vous me la feriez lire ? ». L?heure de la révélation est donc venue. 2) La lecture est une traduction corporelle du fond de l?âme de Cyrano ? De nombreux termes renvoient à la lecture. Polyptote : infinitif « lire » (v. 6, 24), participe présent « lisant » (didascalies), impératif « lisez » (v. 8), indicatif présent « vous la lisez » (v. 12, 17, 18). ? Roxane avait l?intention de poursuivre son occupation : « elle revient à son métier, le replie, range ses laines » (didascalie). ? Par sa lecture, Cyrano donne un sens nouveau au pronom « je ». Pour Roxane, il renvoyait à Christian mais, lors de la lecture, Cyrano fait sienne cette première personne. ? Les didascalies soulignent, de manière appuyée, la tombée de la nuit (cf. réponse à la question sur le corpus). La lecture devient alors récitation. A mesure que l?objet disparait, le véritable sens de cette lettre se révèle. ? Au début de l?extrait, Roxane emploie le possessif « sa » qui renvoie à Christian, puis elle a recours au démonstratif « cette » signalant un changement de regard. La lecture fait ainsi se rencontrer les mots et leur véritable auteur. 3) La réception de la lecture par Roxane ? Symboliquement et sans même en être consciente, Roxane est dans l?attente du retour de celui qu?elle aime. Son activité, mentionnée dans la didascalie, n?est pas sans rappeler celle de Penelope qui attend Ulysse. ? Le fait que Cyrano lise cette lettre à haute...

« II) L’intensité des émotions 1) L’omniprésence du lyrisme – Grande fréquence de points d’exclamations. – Expression de la passion dans la lettre : – champ lexical de l’amour : « bien-aimée » (v.

9), « amour » (v.

10, 19), « chère », « chérie » (v.

18), « trésor » (v.

19), « âme » (v.

10), « cœur » (v.

21) ; – éternité et intensité du sentiment : « je suis et serai », v.

22 (temps du présent et du futur) ; – « sans mesure », v.

23 (hyperbole). – Roxane exprime son admiration pour Cyrano : – l’oxymore « généreuse imposture » (v.

30) rend compte du paradoxe qui tient du sacrifice ; – le complément circonstanciel de temps « pendant quatorze ans » (v.

25) insiste sur la durée ; – le corps s’exprime : « étonnée », « troublée », « rêveuse », « tressaille ». – Le rapprochement des cœurs est double d’un rapprochement des corps : « s’approche », « la tout près », « lui posant la main sur l’épaule ». 2) Des paroles marquées par le pathétique – Trois personnages (présents ou évoqués) souffrent ou ont souffert : Roxane, Christian et Cyrano (il est blessé). – La douleur de Roxane est permanente : – « elle est la », v.

2, 3 (présent) ; – « Toujours vive », v.

2 (adverbe qui ouvre le vers) ; – topoï des « larmes » et du « sang », v.

4. – La mort est le sujet de la lettre : – infinitif « mourir », v.

8 (à la rime) ; « je meurs », v.

11 ; – « jamais plus, jamais », v.

11 (négation redoublée) ; – « jusque dans l’autre monde », v.

22 (périphrase à valeur d’euphémisme). – L’ironie tragique renforce l’émotion : Cyrano se meurt mais Roxane l’ignore.

Cyrano se réapproprie pleinement les mots écrits pour Christian. 3) Une situation tragique – Cyrano a dévoilé son amour apparemment malgré lui.

Ses didascalies prouveraient qu’il n’a pas souhaité révéler l’« imposture » : « il tressaille », « fait un geste d’effroi ». Relire la lettre, alors qu’il est mourant à son tour, ne devait, semble-t-il, n’être qu’un moyen détourné de prendre définitivement congé de Roxane. – Mais, au moment où la supercherie aurait pu demeurer à tout jamais ignorée, la révélation a lieu. – Sa stupeur est telle que son attitude confirme qu’il est bien l’auteur de la lettre (« baisse la tête »).

Le « long silence » a valeur d’aveu implicite. – Cette situation est intenable, si bien que Cyrano ne peut que chercher à démentir. Aux affirmations prononcées par Roxane, il répond par de nombreuses négations révélant une gradation dans le déni : « non » (v.

27-29), « ce n’était pas moi » (v.

29). – Ce démenti remet-il en cause ou au contraire affirme-t-il le caractère sublime du renoncement qui fut le sien ? C’est toute cette ambiguïté qui rend cette scène poignante.. »

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