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K. est-il coupable ?

Publié le 05/08/2014

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K. est-il coupable ?

Lors de la mort de Kafka, Milena Jesenska écrivait, le 7 juin 1924 : « Tous ses livres décrivent l'horreur de l'incompréhension, de la faute innocente parmi les hommes. « Plus que tout autre de ses romans, Le Procès pose le problème de la cul¬pabilité. K. est-il coupable ? S'il l'est, quelle faute a-t-il commise ? Quels liens Kafka établit-il entre la faute, l'inculpation et la culpabilité ?

« Une faute métaphysique? Dieu serait-il accusateur? De confession juive, vivant dans le ghetto de Prague, Kafka donne-t-il à méditer uniquement sur le Dieu de l'Ancien Testament, Dieu du châtiment? À aucun moment, K.

ne pratique un culte, il erre dans la cathédrale sans prier.

Il meurt sans se confesser, sans manifester aucune crainte quant au Jugement dernier.

Sa faute relève-t-elle simplement du péché originel ou serait-elle d'avoir oublié Dieu, et plus largement toute vie spirituelle? À l'accusation sous-jacente du prêtre, K.

répond en faisant de Dieu le responsable: «Comment un homme peut-il être coupable? »Mais si Dieu est responsable, l'homme n'est pas libre.

Une faute philosophique? Responsables ou non, tous les héros de Kafka sont déclarés coupables, ne serait­ ce que par leur propre conscience.

La faute, qui n'est ni d'ordre éthique ni d'ordre théologique, est peut-être liée au fait même de vivre.

Exister serait être coupable.

Ainsi, le suicide, qui a maintes fois tenté Kafka et que K.

ne peut accomplir, serait l'aboutissement logique d'une vie appréhendée comme impure ou inutile.

Ce faisceau d'hypothèses prouve qu'aucune n'est satisfaisante, et qu'aucune n'est à proscrire.

La question serait dès lors : comment un homme peut-il n'être pas coupable? Ill.

Vers une culpabilité universelle? La société kafkaïenne ne comportant que des accusés, la faute est donc uni­ verselle.

Ressemblances entre les accusés La société produit des accusés : partout ils hantent les couloirs, les archives croulent sous leurs dossiers.

Reconnaissables « entre mille personnes » (p.

230), ils portent jusque dans leurs corps la marque de la servitude : « Les dos restaient courbés et les genoux pliés» (p.

104).

Ce produit de la société devient une nouvelle norme, un stéréotype.

Selon Léni, les accusés atteignent une certaine beauté à force de porter sur eux « le reflet » de leur procédure.

Être accusé, ce n'est pas nécessairement être coupable.

L'accusation fonde la culpabilité qui devient l'essence de la personne.

Ressemblances entre accusés et accusateurs Cette extension est si irréfutable qu'elle menace les accusateurs eux-mêmes.

Les accusés se ressemblent entre eux; ils présentent aussi des similitudes avec leurs maîtres.

Avant que Block ne soit« le chien de l'avocat», il dit de Huld qu'« il se roulait devant la justice avec l'humilité d'un chien » (p.

222); sachant que la dernière parole du roman ( « comme un chien ») s'applique à K., tous sont impliqués dans une condi­ tion servile.

L'humiliation devient un motif appliqué alternativement à Block (p.

227) et à Huld (p.

234).

Le texte met à jour la similitude de leur condition.

Plus les accusa­ teurs sont vulnérables, plus ils oppriment.

Pour le pouvoir, la faute est sans doute un faux problème.

S'il n'y en a pas, il existe de nombreux moyens pour persuader l'accusé de son existence : le plus satisfaisant sera que l'inculpé l'invente.

C'est l'inculpation qui est fondatrice.

Comme l'a montré Camus, le pouvoir peut s'inculper lui-même au point de disparaître.

Souvenir de La Colonie pénitentiaire ?. »

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