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LE CYCLE ROMANESQUE

Publié le 22/11/2018

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CYCLE ROMANESQUE. C’est le critique Albert Thibaudet (1874-1936) qui emploie le terme roman-cycle pour caractériser les variétés particulièrement géantes du roman-fleuve — l’expression était de Romain Rolland — entre les deux guerres : en se référant aux cycles épiques qui groupaient des œuvres consacrées aux membres d’un même lignage, il voulait souligner le rythme dans la quantité même, et les structures analogiques ou récurrentes que gommait le concept de fluvialité. Claude-Edmonde Magny, dans son Histoire du roman français depuis 1918 (1950), parle encore de «surroman », de geste ou de somme romanesque pour désigner des ouvrages qui traduisent « la totalité d’une expérience humaine » et « une vision complète » d’un moment de la vie sociale.

 

Du roman-fleuve au cycle romanesque

 

Comme l’épopée, dont il descend, le roman a subi, dès ses enfances, des accès d’hypertrophie : PAstrée (1632-1633) d'Honoré d’Urfé compte cinq mille pages, Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653), une des nombreuses productions de Madeleine de Scudéry, atteint, avec dix tomes, plus de treize mille pages. Cette tendance toute naturelle à un genre informel qui peut, à sa guise, accumuler aventures, descriptions, réflexions psychologiques et morales se trouve, à l’époque classique, contrariée par le prestige du modèle tragique, qui exige une action ferme, resserrée, unitaire; elle s’épanouit au XIXe siècle, surtout à l’étranger (Léon Tolstoï, la Guerre et la Paix, 1865-1869; Thomas Mann, les Buddenbrook, 1901...). Mais, en France, l’intumescence se concilie le plus souvent avec une forme dramatique qui permet au roman de conserver une exposition claire, une intrigue simple, avec peu de personnages et de péripéties, un dénouement qui résolve les problèmes initiaux; chaque œuvre se trouve alors réduite au statut de partie d’un ensemble plus important, ou d’épisode d’un « super-roman » : la Comédie humaine de Balzac met en jeu des « personnages reparaissants », 

« 1913-1927), l'immensité de l'œuvre acquiert une pro­ fonde cohérence, celle d'une cathédrale dont se décou­ vrent peu à peu les secrètes harmonies (pour reprendre une métaphore proustienne) : par la médiation de la conscience et de la mémoire du narrateur, tout un monde accède à la transfiguration artistique et s'exhausse hors du temps fugace.

Le personnage central est ici moins acteur que témoin, et surtout poète mystique.

De la geste à la somme romanesque La prolifération des cycles romanesques autour de 1930 apparaît corn me une réponse au défi que lançait l'aspiration démesurée du roman proustien (la résurrec­ tion d'une totalité temporelle objective et subjective), aussi bien qu'un prolongement des ambitions réalistes et naturalistes.

Les huit volumes des Thibault (1922-1940) de Roger Martin du Gard mêlent étroitement les desti­ nées d'une famille, symbole de la bourgeoisie française: le père, Oscar Thibault; le fils aîné, Antoine, médecin positiviste et généreux; le cadet, Jacques, idéaliste et pacifiste.

Au :il des coupes dans la temporalité que constituent les tomes, le psy chol ogique et le moral s'ef­ facent devant le politique et le social (avec 1 'évocation de la guerre), :;ans que se modifie le regard impassible du romancier.

Le succès de Martin du Gard, la réaclion contre les excessives sévt!rités du néo-classicisme ouvrent la voie à de nombreuses gestes : les Haws Ponts ( 1932-1935, 4 vol.) de Jacques de Lacretelle déploient autour d'un domaine de tragiques passions; les Destinées sentimenta­ les (1934-1936.

3 vol.) de Jacques Chardonne étoffent le roman d'un couple.

La Chronique des Pasquier (1933- 1941, lO vol.) de Georges Duhamel compose une fresque plus ample, ac.:: use le contrepoim de l'individuel et du collectif, tout en conservant une technique éprouvée : Je médecin biolo�iste Laurelll Pasquier, qui rappelle d'as­ sez près le docteur Pascal de Zola, remémore les existen­ ces diverses de sa famille, en une « histoire discontinue » où s'évoquent à la fois les milieux et les expériences psychologique�.

Il veut atteindre une > (pour employer le mot de Thi­ baudet) et des ambitions de somme : ainsi les Chemins de la liberté ( 1945-1951, 3 vol.) de Jean-Paul Sartre, qui prétendent figurer et illustrer les projets existentialistes, les Communistes ( 1948-1951, 5 vol.) de Louis Aragon ou les Chevau.c du soleil ( 1968-1972, 5 vol.) de Jules Roy, roman historique sur la colonisation de l'Algérie.

La forme cyclique constitue désormais -qu'elle soit biographique, familiale ou simultanéiste -un des pôles d'attraction de la création romanesque, avec le caractère épique de sa représentation et les séductions de sa poly­ p h oni e.

(Voir aussi ROMAN).

BIBLIOGRAPHIE R.-M .

Albérès, Histoire du roman moderne, Paris, Albin Michel.

1962: Claude-Edmonde Magny.

Histoire du roman fran­ çais depuis 1918.

Paris.

Le Seuil, 1950; Albert Thibaude!.

Réflexions sur le roman.

Paris.

Gallimard, 1938.

D.

MADELÉNAT. »

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