Devoir de Philosophie

LE DUC D'AUGE dans Les Fleurs bleues de Raymond Queneau

Publié le 10/01/2020

Extrait du document

fabrication de l'or, elle a pour but, parallèlement aux expériences du laboratoire, le perfectionnement moral de celui qui s'y adonne. La quête de l'or va de pair avec une ascèse de la régénération morale. C'est ce qu’affirme l'alchimiste Joseph Salm'on au XVIJe siècle :

Ceux qui sont assez heureux pour avoir la possession de ce rare trésor, quelque méchant et vicieux qu’ils fussent auparavant, sont changés dans leurs mœurs et deviennent gens de bien1.

Or cette quête de la pureté, de la perfection morale, rejoint l’idéal d'une humanité préadamite incarnant la pureté absolue. Il existe en effet une véritable continuité, une forte convergence entre alchimie et préadamisme. Par sa quête de l'absolu (l'or, la pureté morale), l'alchimiste rêve de s'élever au niveau des préadamites, modèles d'une humanité parfaite. Ainsi, après son initiation à l'alchimie, le préadamisme qu'adopte le duc d’Auge, au-delà de la supercherie, manifeste l’idéal de pureté qui subsiste en lui. On le voit quand il montre à Riphinte les peintures rupestres qu'il attribue aux préadamites. Il rappelle que « les préadamites avaient la pureté des enfants », que « ces gens ont vécu avant le péché originel », et la nostalgie le gagne :

Un profond soupir évoqua la merveilleuse union préadamite de la pureté et de la dextérité, (p. 211 )

Dès lors ses aventures, à partir du moment où il découvre l'alchimie, en 1614, sont une initiation. L'antre de Timoleo, la grotte qu'il visite avec Riphinte sont des lieux initiatiques dont l'entrée ou l'exploration constituent des épreuves à surmonter. Le laboratoire de Timoleo n'est atteint par Auge qu'après avoir affronté la pluie, l'orage, la boue, et enfoncé une porte. La grotte n'est accessible qu'en gravissant une pente, par une fente dans le rocher, et est obscure. À ces deux lieux s'ajoute la péniche à la fin, dont la difficulté d'accès est martelée par Cidrolin :

Ils descendirent le talus, Cidrolin menant la marche et répétant à plusieurs reprises :

- Faites attention de ne pas vous casser la figure.

Lorsqu'ils passèrent sur la planche passerelle au-dessus du bourbier, il changea de refrain :

- Faites attention de ne pas vous flanquer à l'eau, (p. 231)

« passe à l'action, il triomphe certes des Parisiens, puis des « .céhéresses » lorsqu'il est retranché dans son château de Larche, mais l'écriture comique déclasse ses exploits en épopée burlesque.

Le burlesque est caractérisé par la disproportion entre les forces en présence et le résultat de l'affrontement: à Paris, Auge est seul contre toute la foule puis les archers du Roi ; à Larche, il ne dispose que d'huile bouillante et de plomb fondu face aux redoutables « céhéresses ».

S'il l'emporte, c'est sur le mode de la parodie, de l'invraisemblance.

En troisième lieu, Auge tourne lui-même en déri­ sion l'héroïsme des croisades, par le registre familier et par son goût immodéré des calembours : -Mais c'est foutu, pauvre faraud ! On va encore prendre un chaud-froid de bouillon.

(p.

SS) En associant Godefroi de Bouillon qui, lors de la première croi­ sade, s'empara de Jérusalem, à une défaite, en utilisant des expres­ sions bien éloignées du style noble de l'épopée, Auge confirme son éloignement par rapport à l'héroïsme des chevaliers.

La suite de ses aventures précipite cette évolution.

B ~ LES TROIS ÉCHECS DU DUC D'AUGE En 1439, son héroïsme est une nouvelle fois derrière lui.

Il a participé à la guerre de Cent Ans aux côtés de Jeanne d'Arc et de Gilles de Rais, mais, dans le temps de la narration, nous le voyons échouer lors d'une conjuration politique contre Charles VII, comme il le rapporte à l'abbé Biroton : Je ne te raconte pas tout ce qui s'est passé; en fin de compte, les nobles seigneurs se sont conduits comme des cloches et le dauphin nous a laissé tomber, tant et si bien que je reste seul en face du roi de France [ ...

].

(p.

86-87) En 1614, tout semble lui réussir, puisqu'il reçoit du roi Louis XIII trois cent mille livres à l'occasion de son remariage, puisqu'il obtient des «gouvernements», « bénéfices» et« privilèges» pour ses gendres et ses filles, puisqu'il permet à Biroton de devenir évêque.

Mais cette réussite fulgurante est suivie d'un échec cuisant dans l'alchimie.

Il dilapide toute sa nouvelle fortune dans ses expériences supervisées par Timoleo Timolei, en pure perte.

Le seul héritage de son maître alchimiste sera une bien dérisoire recette d'essence de fenouil.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles