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Etude de style

Publié le 18/02/2019

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ETUDE DE STYLE Dans l’évolution du roman de mœurs et d’étude sociale au XIXe siècle, Maupassant est tenu pour un des représentants les plus accomplis de l’esthétique dite « réaliste ». Il est, du reste, lui-même à l’origine de la notion d’ « illusion réaliste ». La thèse qu’il soutient est que l’effet de réel n’est en fait que le produit d’un art du romancier. Dans la mesure où il lui est impossible de retranscrire toute la réalité, ce dernier est amené à faire des choix, à ordonner, à orchestrer le réel. Ce passage de Bel-ami illustre bien le fonctionnement de la narration réaliste. Il s’agit d’une scène stéréotypée de rencontre qui met en jeu les codes d’écriture les plus représentatifs de ce type d’esthétique. On étudiera donc successivement le topos de la rencontre, la relation entre le narrateur omniscient et son personnage, et cette composante obligée de l’écriture descriptive qu’est le portrait. I- Le topos de la rencontre 1) La composition de la scène La scène narrative correspond avant tout à un certain traitement de la durée narrative. Le temps de la fiction coïncidant à celui de la narration, la progression du récit épouse ici au plus près la succession chronologique des événements sans ellipse. Le passé simple, temps de la succession chronologique, domine naturellement, et alterne avec l’imparfait, temps de la description. On distingue nettement deux parties : une partie narrative (1-23) et une partie descriptive (24-32). Le paragraphe est chez Maupassant l’instrument de la segmentation du temps. Chaque § distingue des étapes dans la progression : cela est clairement marqué par les initiales qui mettent un verbe en relief (il balbutia, il rougit, il avait envie, il s’assit). De telle manière que chaque geste du personnage est souligné, avec un grand souci du détail. Le découpage en § permet également de distinguer ce qui est de l’ordre des actes et les réactions intérieures du personnage. C’est précisément cette alternance entre actes et mouvements subjectifs qui contribue à créer cette impression de dilatation du temps et de ralenti, qui est une des composantes de ce topos narratif 2) La focalisation En conformité avec le canon dominant de l’esthétique réaliste, nous sommes ici en présence d’un mélange de focalis...

« 2 de simplicité ( je suis très heureuse ) et de registre soutenu ( la bonne inspiration de vous prier ) qui atteste cette différence. Même fonction dans le discours du domestique au début.

Aucune trace de discours indirect et une seule occurrence de discours narrativisé ( Et il jeta le nom… ).

Cette rareté du discours correspond à un code de l’écriture réaliste de la scène de rencontre (voir Stendhal, Flaubert) : le regard l’emporte sur la parole, les signes de tous ordres ont plus d’importance que le discours. 2) La restitution de la vie intérieure En revanche, contrairement à ce qui se passe chez Flaubert ou Zola, le monologue indirect libre est rare dans cette scène : Quelle était cette dame qui souriait ?.

Maupassant emploie successivement, dans cette séquence , le monologue i ndirect libre, le psycho -récit ( Il se souvint que…) et le discours direct.

Au § précédent, de manière plus bal zacienne , on a un enchaînement psycho -récit et commentaire psychologique : Mais Duroy se sentit perclus … (psycho -récit).

Il allait faire … (expli citation psychologique du narrateur omniscient). Autre exemple à la ligne 2 : sans comprendre d’où lui venait ….de leurs vêtements .

Les deux -points assurent la transition du psycho -récit ( se troubla ) au commentaire narratorial ( [lui venait] d’une inconsci ente comparaison peut -être …). On trouve du reste un autre balzacisme caractérisé dans l’emploi de l’exophore mémorielle à la fin du texte : C’était un des visages de femme… En revanche, o n reconnaît dans l’agencement de certains § psychologiques l’influenc e déterminante de la prose flaubertienne.

C’est le cas aux lignes 15 à 19.

Charpente binaire articulée autour d’un point -virgule suivi par un conjonctif très neutre du type et ou mais .

Une telle phrase porte la signature de Flaubert. Pour qui connaît L’Edu cation sentimentale , la relation très mécanique entre le trait comportemental exprimé au perfectif ponctuel (Il rougit …) et la réaction intérieure à l’imparfait duratif ( Il se sentait examiné… ) est la manifestation d’un code inter textuel.

A cette réserve, que les métabole s (examiné, inspecté / pesé, jugé ) ne sont pas flaubertienne s.

La phrase -paragraphe de la ligne 19, quant à elle, l’est encore moins .

Elle use d’un patron de phrase hypotaxique assez élaboré pour restituer le sentiment d’intense volupté épr ouvé par le personnage.

A cet instant, le topos de l’échange de regard montre assez que nous sommes à un moment charnière de la rencontre entre le néophyte et la femme médiatrice.

Maupassant use alors d’une phrase ample, rythmée par des appuis anaphoriques sur les conjonctifs ( quand…quand / qu’il…qu’il…qu’il ).

A l’inverse de ce qui se passait dans les paragraphes précédents, la syntaxe se fait plus abondante, plus généreuse et plus expressive.

En témoigne la multiplication des caractérisations binaires ( éla stique et doux/ nouvelle et charmante ), ternaires avec gradation (enfoncé, appuyé, étreint ).

Le recours à la personnification du fauteuil dans la tournure passive avec agent ( par le fauteuil ), à l’hypallage sur caressant , la polysémie de l’expression « prenait possession », tout cela atteste une volonté d’expressivité qui contraste avec les deux paragraphes précédents .

Tous ces procédés visant à insister sur la portée symbolique de cette rencontre où le fauteuil érotisé se substitue à la femme et se trouv e associé à l’espoir de volupté charnelle et sociale qu’elle représente. Ainsi, la phrase paragraphe épouse le trajet de ce rite initiatique qui transforme Duroy en parvenu. III - Le portrait 1) Composition Le bref portrait de Mme Forestier obéit à une lo gique de progression conventionnelle (balzacienne) : il amorce sur le code vestimentaire ( robe de cachemire ) et s’achève sur le code physiognomonique (exophore mémorielle : C’était un de ces visages ).

De l’observation à l’interprétation, en somme.

Progress ion qui donne sens au choix de la focalisation interne : Duroy apprend à déchiffrer la féminité. Autre effet de focalisation interne : le mouvement du regard.

D’abord, la silhouette, puis un cadrage mi - corps (des bras jusqu’aux cheveux), pour finir sur un parcours méronymique du visage.

Le portrait dessine donc un trajet conforme aux étapes traditionnelles, que segmente bien le découpage en paragraphes.

Une vue d’ensemble du personnage, puis un parcours détaillé des parties du corps (bras, gorge, cheveux, c ou), puis une analogie entre la bourgeoise et la fille des Folies -Bergères qui assure la transition avec la découverte du visage comme siège de l’ambiguïté féminine. De telle manière qu e le portrait dessine un itinéraire de découverte (roman de formation). En témoigne dans le dernier paragraphe, un modalisateur d’incertitude du type « sans qu’il sût pourquoi », ou des caractérisation s évasives telles que « en rendait étrange l’expression », ou « paraît dire ou cacher ».

Le lecteur découvre la femme à trave rs le prisme des mouvements intérieurs du personnage focal.

Il s’agit bien là d’une forme de réalisme subjectif, qui cohabite avec des éléments expressifs propres au naturalisme.. »

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