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Les Fleurs bleues de Raymond Queneau : Les différents registres

Publié le 11/01/2020

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laquelle joue l’auteur, à force de mélanges et de décalages. Ainsi, par exemple, la rencontre de la jeune Russule et du duc, au chapitre 8, entremêle le style du conte féerique (en italique, p. 106-107) et des remarques très familières, du type : « C’est tout ce qu’il y a à bouffer ? » (p. 106). Ces décalages provoquent sans cesse des effets plaisants ou franchement comiques.

Les dialogues jouent de cette façon sur des procédés très divers : les répliques du duc d’Auge font alterner des propos très soutenus et des remarques familières ou grossières ; elles le montrent sûr de lui, hâbleur, truculent et vif, au contraire de Cidrolin, mesuré et laconique. Les ecclésiastiques, de même que Timoleo Timolei, s’expriment souvent avec distinction ou emphase, usant du jargon de leur état, alors que d’autres personnages sont naturels et spontanés, comme Lalix. Les chevaux du duc parlent eux aussi avec distinction et érudition, à l’inverse d’une pauvre mule. Queneau joue parfois aussi du style burlesque, en attribuant à un personnage de haut rang une façon de parler argotique ou vulgaire. La comtesse d’Empoigne s’exprime comme une fille de la rue, satisfaite lorsqu’on lui propose un verre d’essence de fenouil : « On va toujours se taper celle-là », dit-elle, pour constater ensuite qu’elle n’est « [p]as sale » (p. 233).

Ces façons de parler rompent les distinctions traditionnelles entre les différentes classes sociales ou professionnelles, et abolissent même la différence entre l’homme et l’animal — en donnant la parole aux chevaux. Elles permettent aux Fleurs bleues d’élaborer une esthétique de la variété qui donne vie au texte et lui permet de prendre une allure joyeuse qui bannit toute monotonie.

LES CHANSONS

« a toujours aimé mêler l'érudition à la fantaisie ; ce mélange peu académique est un ferment supplémentaire du rêve et n'est pas dénué de poésie.

Mais le niveau de langue est volontairement inégal et décousu, et l'on peut aussi bien découvrir dès la ligne suivante une expression familière ou argotique.

Le registre familier ou courant est en effet omniprésent.

L'intérêt que porte Raymond Queneau à l'argot se retrouve à travers quantité d'expressions tirées de cette langue relâchée propre au milieu populaire parisien ou aux malfaiteurs : " entraver » pour comprendre, " mélancolo » pour mélancolique, par exemple.

Ces brusques changements de niveau de langue confèrent de la vivacité au texte et se développent surtout dans les dialogues.

LES DIALOGUES Les dialogues dominent dans Les Fleurs bleues et donnent vie et dynamisme au texte.

Les répliques sont en effet souvent brèves, rythmées, volontiers exclamatives - toujours très expressives et vivantes.

Les longs discours sont rares, sauf dans le cas de Labal, qui abuse de ses auditeurs et semble apprécier les longs développements de sa " pensée ., (p.

251-252, par exemple).

Ainsi construit, le roman met en scène de très nombreuses situations de dialogue qui rappellent parfois le théâtre ou le cinéma.

Les échanges constituent en effet l'essentiel du texte et sont accompagnés de nombreuses indications de l'auteur, qu'on pourrait assimiler à des didascalies : " d'un air menaçant » (p.

34), " à mi­ voix » (p.

143), " à haute voix » (p.

105), etc.

On s'étonne alors de constater que Les Fleurs bleues ait échappé à la mode de l'adaptation pour l'écran1.

A chaque dialogue correspond en effet ce que les linguistes appellent une " situation d'énonciation2 » sur 1.

Mais Les Fleurs bleues a été adapté dès 1966, par Roger Pillaudin, sous la forme d'un feuilleton radiodiffusé.

2.

Une situation d'énonciation appelle une certaine façon de s'exprimer: langage distin­ gué à l'occasion d'un discours solennel, langage courant entre amis, utilisation d'un jar­ gon professionnel entre confrères, par exemple.

138 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES. »

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