Les Fleurs bleues de Raymond Queneau : les hommes d’Église
Publié le 11/01/2020
Extrait du document
tendre pour certains ecclésiastiques du Moyen Âge qu’il n’hésitait pas à précipiter dans son Enfer.
Un autre élément grotesque, pacifique et moins inquiétant celui-là, est constitué par le quasi-ecclésiastique que Raymond Queneau a introduit dans le récit concernant Cidrolin. Le double moderne du duc d’Auge voit passer à plusieurs reprises « un monsieur, monté sur une mobylette >>, qui est « vêtu d’une longue robe noire et coiffé d’un sombrero (chapeau de feutre à large bord) de même couleur, à bords roulés». On reconnaît aisément, dans ce prêtre espagnol et traditionaliste par son vêtement, un Jésuite, puisqu’il tend la main à Cidrolin en reprenant, en guise de salut, la formule du fondateur de l'ordre, saint Ignace de Loyola (1491-1556), « Ad majorem Dei gloriam » (Pour la plus grande gloire de Dieu, p. 29).
THÉOLOGIE, SCIENCE ET POLITIQUE
Une vaste controverse se dessine tout au long du roman ; elle oppose Joachim d’Auge aux membres de l’Église à propos de différents points concernant la théologie et les sciences. Progressivement, le duc d’Auge apparaît comme un « esprit fort ». Il doute de tout et prend des positions qui font de lui un seigneur peu soucieux de respecter les dogmes de l’Église : on le verra ainsi successivement refuser de repartir pour la Croisade, défendre le maréchal Gilles de Rais puis le marquis de Sade, par exemple. Le duc d’Auge est malgré tout cela lié à Biroton, devenu évêque, puis à l’abbé Riphinte (qui sont présents jusqu’au dernier chapitre) ; son attitude à leur égard révèle surtout le grand plaisir qu’il prend à la controverse, quand ce n’est pas à la bagarre.
Dans le chapitre 3, le duc d’Auge interroge Onésiphore Biroton, qui n’est encore qu’abbé, à propos des rêves, du langage des animaux et de l’histoire (p. 40). Mais il est déçu par les réponses du chapelain qui caricaturent, entre deux « taloches », la méthode
«
L'abbé Riphinte est ainsi par exemple rendu particulièrement
ridicule lors de l'expédition qu'organise pour lui le duc d'Auge dans
une grotte préhistorique, aux chapitres 15 et 16.
Apprenant à la fin
de cette visite la prise de la Bastille, l'ecclésiastique se réjouit de
constater que le retentissement de l'événement va détourner
l'attention de la découverte du duo d'Auge:
Foutue nouvelle, murmura le duc.
Personne ne va plus s'intéres
ser à mes préadamites.
-I.:Église est sauvée ! s'écria l'abbé en joignant les mains en
de reconnaissance (p.
213).
L'événement historique dont se réjouit l'abbé Riphinte ne sauvera
évidemment nullement l'Église, bien au contraire, puisque la
Révolution est en marche.
Onésiphore Biroton, quant à lui, est un " abbé de choc » (p.
40),
du même type que le frère Jean des Entommeures chez Rabelais1.
Sans doute ne donne-t-il pas le premier coup mais, " si le duc lui
flanquait un coup de pied, il en rendait deux ».
Leur complicité est
fondée sur un tel échange de horions.
Dans le chapitre 7, le duc trouve plaisant de tirer sur Biroton et sur
Riphinte un coup de bombarde et quelques coups de couleuvrine.
Les deux ecclésiastiques sont alors montés sur des mulets qui se
dirigent vers son château.
La" bonne blague» (p.
85) semble de bien
mauvais goût.
Mais peut-être faut-il reléguer les armes anciennes et
mettre en valeur les " petits canons » dont le duc est fier et qu'il veut
faire bénir (p.
87).
Une ombre suspecte passe sur cette bénédiction
des armes qui a été en effet longtemps pratiquée, - avec peut-être
une allusion aux critiques qui ont pu être faites à l'Église pour son
attitude en temps de guerre.
Même le pape Pie XII n'y a pas échappé
au moment de la Seconde Guerre mondiale, et Dante n'était pas
1.
Ce moine, plus enclin à courir les aventures guerrières qu'à méditer dans sa cellule, participe à la lutte armée contre Plcrochole, lors de l'attaque de l'abbaye de Seuillé, où il est abbé: il cogne ses ennemis" si vertement sans crier gare, qu'il les culbutait comme des porcs, en frappant à tort et à travers, comme les anciens escrimeurs• (Gargantua, ch.
XXVII, éd.
cil., p.
127).
72 PROBLËMATIQUES ESSENTIELLES.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Les Fleurs bleues de Raymond Queneau: HISTOIRE DE L’œUVRE
- FLEURS bleues (les) de Raymond Queneau (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
- FLEURS BLEUES (Les) RAYMOND Queneau (résumé et analyse de l'oeuvre)
- FLEURS BLEUES (Les). Raymond Queneau (résumé)
- Fleurs bleues, les [Raymond Queneau] - Fiche de lecture.