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GAULLE Charles de et la littérature

Publié le 13/12/2018

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GAULLE Charles de (1890-1970). En Charles de Gaulle, l’homme politique et le stratège éclipsent quelque peu l’écrivain, classé une fois pour toutes comme un mémorialiste dont les anthologies retiennent les pages les plus lyriques : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France » (Mémoires de guerre). Pourtant, loin de se borner à la remémoration du déjà fait, le discours de l’homme du 18 Juin, du président de la République (1959-1969), est aussi l’instrument de l'histoire en train de se faire. D’où la variété — traités de stratégie, Mémoires, conférences de presse, messages — et le dynamisme de textes gouvernés par une commune finalité politique ou, à défaut, pédagogique : « Qu’ai-je été moi-même sinon quelqu’un qui tâchait d’enseigner? » (Mémoires d'espoir).

 

Un écrivain de combat

 

Né à Lille, fils d’un professeur de lettres, Charles de Gaulle grandit dans un milieu cultivé, au patriotisme sourcilleux. A seize ans, il rime un apologue à la manière de Rostand, Une mauvaise rencontre; mais seule l’Histoire peut à la fois séduire son imagination et satisfaire le « côté positif » de son esprit : « Princesse des contes », la France est aussi « le pays tel qu’il est », au destin millénaire inscrit dans les données de la géographie (Mémoires de guerre, 1954), réalité qui marquera durablement la pensée gaullienne. Avec Bergson, il partage la foi en l’instinct du héros, car il croit à son étoile : « Je ne doutais pas que la France dût affronter des épreuves gigantesques, que l’intérêt de la vie consistât à lui rendre un jour quelque service signalé, et que j'en aurais l’occasion » (ibid.). Mais Péguy lui apprend à se défier des clercs. Affrontée dès sa sortie de Saint-Cyr, en 1914, la « terrible épreuve » du feu lui enseigne la nécessité d’encourager les audacieux en leur ménageant la protection d’une « nouvelle cuirasse», le char (Vers l'armée

 

de métier, 1934). Blessé, fait prisonnier à Douaumont, enfermé, après cinq évasions manquées, à la forteresse d'Ingolstadt — où se morfond le futur maréchal Toukhatchevski —, le jeune officier compose la Discorde chez l'ennemi (qui paraîtra en 1924), un essai sur les rapports entre autorités civile et militaire. Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre du colonel de Gaulle comprend déjà : une Histoire des troupes du Levant (1931); le Fil de l'épée (1932), regroupant trois conférences sur la vocation du chef que l’auteur dispense « des apparences d’une fausse discipline »; Vers l'armée de métier, développant une stratégie prophétique de l’arme blindée; la France et son armée (1938). Contredisant les thèses officielles, ces ouvrages recueillent peu d’audience.

 

Pendant la «drôle de guerre» (1939-1940), promu général à la tête d'une unité de chars qu’il manœuvrera habilement en mai 1940, de Gaulle rédige un Mémorandum prévoyant le déferlement de l’offensive allemande. Membre du gouvernement Reynaud (5 juin 1940), il s’envole vers Londres à la veille de l’armistice et, le 18 juin, lance son fameux appel. Chef de la «France libre », il parvient à imposer son personnage aux dirigeants alliés et à regrouper autour de lui la Résistance française (cf. les Mémoires de guerre). Après la Libération, l’hostilité des milieux politiques le contraint à une retraite (1946-1958), d’où il sort à la faveur de la crise algérienne. Président de la République jusqu’à l’échec du référendum de 1969, il se retire dans sa maison de Colombey-les-Deux-Églises. Il meurt l’année suivante, laissant inachevé le deuxième tome de ses Mémoires d'espoir (1970). Cinq volumes de Discours et messages, publiés en 1970, rassemblent ses différentes interventions depuis juin 1940 jusqu'à sa disparition de la scène politique. Enfin ses Lettres, notes et carnets sont en cours de publication depuis 1980.

 

Classicisme et irrationnel

 

Evoquant Bossuet ou Saint-Simon, les commentateurs s’accordent pour qualifier de classique le discours historique de De Gaulle : syntaxe infaillible, économie du vocabulaire, limpidité, efficacité. Mais aussi, sous cette froideur apparente, un lyrisme à la Chateaubriand, qui s’exprime par un système métaphorique empruntant largement aux éléments de la nature. Et tout d'abord à l’eau : le narrateur se compare à « un homme au bord d’un océan qu’il prétendrait franchir à la nage », naviguant ensuite avec Churchill sur « la mer démontée de l’Histoire » (Mémoires de guerre). Ailleurs, « houle vivante », la foule envahissant les Champs-Élysées en août 1944 lui arrache ce cri : « Ah, c’est la mer! » (ibid.). D’ordinaire, l’élément liquide peut être canalisé, le « torrent » endigué pour en capter l’« énergie » (Mémoires d'espoir). Mais lorsque de Gaulle perd prise, le continu des forces naturelles se fige soudain en discontinu mécanique, et la métaphore s’évanouit. Ainsi au « déferlement » d’enthousiasme des précédentes étapes africaines, lors de la préparation du référendum de 1958, succède l’automatisme hostile des manifestations guinéennes : « Les femmes sautent, chantent, dansent au commandement » (ibid.).

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« proche J'art de J'homme de lettres de celui du stratège.

Tantôt un mot au sens obscur, à la consonance bizarre, « volapük», « quarteron », « comités Gustave ou Théo­ dule », se détache de 1 'ensemble du discours, focalisant l'attention de J'auditeur ou du téléspectateur tout à coup saisi d'étonnement : « Par-dessus tout, ménager la sur­ prise ».

lisait-on déjà dans Vers l'armée de métier.

Dans d'autres textes.

un effet identique est obtenu par un renouvellement complet du ton, une cocasserie soudaine tranchant avec l'image que « Je Général » donne habi­ tuellement de lui-même : «L'Europe! l'Europe! l'Eu­ rope! >> (Entretien avec Michel Droit, 1965) -autre application d'une même tactique dont le principe est de «tenir en haleine>> par l'imprévu (Vers l'armée de métier).

Tantôt, à coup de petites phrases ductiles comme des colonnes blindées, s'avançant sous le« camouflage >> (ibid.) de formules ambiguës, aux sens multiples, «je vous ai compris », « la paix des braves >>,de Gaulle lance ses raids, explorant le terrain, fonçant sur 1 'adversaire avec un humour féroce.

On retrouve le zélateur de la guerre de mouvement, qui ne craint pas la feinte.

Dans la Iittdrature ou dans l'action, de Gaulle estime hautement l'habileté tactique; à preuve certains por­ traits : Jean Moulin, « homme de foi et de calcul >>, Sta­ line exploitant les« détours de l'exégèse marxiste» pour conduire sa politique «grandiose et dissimulée>> (Mémoires de guerre).

De Gaulle, lui aussi, a su plier l'écriture aux exigences de son grand dessein, renouve­ lant le discoun politique en le purifiant de sa rhétorique traditionnelle au profit d'une tactique -devenue une esthétique -de la ruse et de la surprise.

BIBLIOGRAPHIE La plupart des œuvres du gén éral de Gaulle.

éditées chez Plon.

sont aussi publiées dans les collections de poche.

A consulter.

-G.

Cattaui, Charles de Gaulle, l'homme er son destin, Paris.

Fayard.

1960; J.

Lacouture, De Gaulle, Paris, Le Seuil, 1965, rééd.

1969; id., Charles de Gaulle, 3 vol., Paris, Le Seuil, 1984-1986; A.

Malraux, les Chênes qu'on abat, Paris, Gallimard, 197 l; Michel Cazenave et Pierre Solié, Moi, de Gaulle, Im ag o, 1984; Raoul Aglion, De Gaulle er Roosevelt, Plon, 1984; Pierre Sainderichin.

De Gaulle et ..

le Monde», le Monde édition� 1990.

Sur l'écrivain : J.-M.

Cotteret et R.

Moreau, Recherches sur le vocabulaire du gé11éral de Gaulle.

Paris.

Colin, 1969; O.

de Roux.

l'É critu re de Charles de Gaulle, Paris, Éd.

univ.! rsi tai re s, 1967: J.

Boly.

De Gaulle écrivain, Paris, Éd.

du Cercle d'études Charles-de-Gaulle, 1978.

M .· A .

DE BEAUMARCHAIS. »

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