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Jean de LA FONTAINE, Les Fables, « Le Jardinier et son Seigneur ». Commentaire composé

Publié le 11/01/2020

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fontaine

Jean de LA FONTAINE, Les Fables, « Le Jardinier et son Seigneur ».

1. Un amateur du j ardinage,

2. Demi-bourgeois, demi-manant,

3. Possédait en certain Village

4. Un jardin assez propre, et le clos attenant.

5. Il avait de plant vif fermé cette étendue.

6. Là croissait à plaisir l'oseille et la laitue,

7. De quoi faire à Margot pour sa fête un bouquet,

8. Peu de jasmin d'Espagne, et force serpolet.

9. Cette félicité par un Lièvre troublée

10. Fit qu'au Seigneur du Bourg notre homme se plaignit.

11. \"Ce maudit animal vient prendre sa goulée

12. Soir et matin, dit-il, et des pièges se rit ;

13. Les pierres, les bâtons y perdent leur crédit :

14. Il est Sorcier, je crois. -Sorcier ? je l'en défie,

15. Repartit le Seigneur . Fût-il diable, Miraut,

16. En dépit de ses tours, l'attrapera bientôt.

17. Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie.

18. - Et quand ? - Et dès demain, sans tarder plus longtemps. \"

19. La partie ainsi faite, il vient avec ses gens.

20. \"Cà, déjeunons, dit-il : vos poulets sont-ils tendres ?

21. La fille du logis, qu'on vous voie, approchez :

22. Quand la marierons-nous ? quand aurons-nous des gendres

23. Bon homme, c'est ce coup qu'il faut, vous m'entendez

24. Qu'il faut fouiller à l'escarcelle. \"

25. Disant ces mots, il fait connaissance avec elle,

26. Auprès de lui la fait asseoir,

27. Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir,

28. Toutes sottises dont la Belle

29. Se défend avec grand respect ;

30. Tant qu'au père à la fin cela devient suspect.

31. Cependant on fricasse, on se rue en cuisine.

32. \"De quand sont vos jambons ? ils ont fort bonne mine.

33. - Monsieur, ils sont à vous. - Vraiment ! dit le Seigneur,

34. Je les reçois, et de bon coeur. \"

35. Il déjeune très bien ; aussi fait sa famille,

36. Chiens, chevaux, et valets, tous gens bien endentés :
37. Il commande chez l'hôte, y prend des libertés,
38. Boit son vin, caresse sa fille.
39. L'embarras des chasseurs succède au déjeuné.
40. Chacun s'anime et se prépare :
41. Les trompes et les cors font un tel tintamarre
42. Que le bon homme est étonné.
43. Le pis fut que l'on mit en piteux équipage
44. Le pauvre potager ; adieu planches, carreaux ;
45. Adieu chicorée et porreaux ;
46. Adieu de quoi mettre au potage.
47. Le Lièvre était gîté dessous un maître chou.
48. On le quête ; on le lance, il s'enfuit par un trou,
49. Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie
50. Que l'on fit à la pauvre haie
51. Par ordre du Seigneur ; car il eût été mal
52. Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval.
53. Le bon homme disait : \"Ce sont là jeux de Prince.\"
54. Mais on le laissait dire ; et les chiens et les gens
55. Firent plus de dégât en une heure de temps
56. Que n'en auraient fait en cent ans
57. Tous les lièvres de la Province.
58. Petits Princes, videz vos débats entre vous :
59. De recourir aux rois vous seriez de grands fous.
60. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,
61. Ni les faire entrer sur vos terres.

C 'est un tableau de moeurs que La Fontaine nous présente ici, et cette scène de la vie quotidienne à la campagne est fort instructive sur les rapports sociaux qui existent entre le seigneur de village et ses paysans. Le Jardinier n'est d'ailleurs pas un paysan attaché au Seigneur : il est demi-bourgeois, il est propriétaire de son clos. Il ne s'adresse au Seigneur que parce qu'il n'a pas le droit de chasse, et il le fait avec toute la déférence voulue. La désinvolture et le sans-gêne du Seigneur n'en sont que plus condamnables, et dans toute la fin de la fable, que La Fontaine nous fait vivre par les yeux atterrés du Jardinier, éclate la sympathie du fabuliste pour-le paysan victime de l'arrogance du hobereau. La fable a donc incontestablement une portée sociale : La Fontaine y fait une satire cruelle de l'égoïsme du petit gentilhomme campagnard, satire d'autant plus efficace qu'il se garde bien de toute condamnation : la description des attitudes suffit, au lecteur de conclure. Il ne faudrait pourtant pas dramatiser à l'excès les rapports sociaux évoqués par cette fable, comme le fait Taine dans sa thèse (1853): Document : « Le Seigneur a cette impertinence aisée et cette bienveillance offensante qui mettent le bourgeois à cent pieds au-dessous de lui... Le vilain plie le dos et se tait. En réalité, si le sans-gêne du Seigneur est évident, il n'y a pas dans cette fable l'expression d'une tension sociale de classe à classe : la notion même de classe sociale est étrangère aux hommes du XVIIe siècle, a fortiori celle de lutte des classes; ce sont des rapports d'individu à individu qui sont dépeints ici.

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« 36. Chiens, chevaux, et valets, tous gens bien endentés : 37. Il commande chez l'hôte, y prend des libertés, 38. Boit son vin, caresse sa fille. 39. L'embarras des chasseurs succède au déjeuné. 40. Chacun s'anime et se prépare : 41. Les trompes et les cors font un tel tintamarre 42. Que le bon homme est étonné. 43. Le pis fut que l'on mit en piteux équipage 44. Le pauvre potager ; adieu planches, carreaux ; 45. Adieu chicorée et porreaux ; 46. Adieu de quoi mettre au potage. 47. Le Lièvre était gîté dessous un maître chou. 48. On le quête ; on le lance, il s'enfuit par un trou, 49. Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie 50. Que l'on fit à la pauvre haie 51. Par ordre du Seigneur ; car il eût été mal 52. Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval. 53. Le bon homme disait : "Ce sont là jeux de Prince." 54. Mais on le laissait dire ; et les chiens et les gens 55. Firent plus de dégât en une heure de temps 56. Que n'en auraient fait en cent ans 57. Tous les lièvres de la Province. 58. Petits Princes, videz vos débats entre vous : 59. De recourir aux rois vous seriez de grands fous. 60. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres, 61. Ni les faire entrer sur vos terres. Jean de La Fontaine (1621-1695) : poète, moraliste, dramaturge, librettiste et romancier qui a vécu au temps de Louis XIV. Ses Fables , écrites entre 1668 et 1694, constituent la principale œuvre poétique du classicisme, et l'un des plus grands chefs d' œuvre de la littérature française. Ces fables furent écrites dans un but éducatif et étaient adressées au Dauphin. « Le Jardinier et son Seigneur » : Fable : apologue > récit comportant une morale.. »

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