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Maurice Blanchot et l écriture

Publié le 13/09/2015

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« Dans l’œuvre, l’artiste ne se protège pas seulement du monde, mais de l’exigence qui l’attire hors du monde. L’œuvre apprivoise momentanément ce « dehors » en lui restituant une intimité ; elle impose silence, elle donne une intimité de silence à ce dehors sans intimité et sans repos qu’est la parole de l’expérience originelle. »

« Écrire c’est se faire l’écho de ce qui ne peut cesser de parler, — et, à cause de cela, pour en devenir l’écho, je dois d’une certaine manière lui imposer silence. J’apporte à cette parole incessante la décision, l’autorité de mon silence propre. Je rends sensible, par ma méditation silencieuse, l’affirmation ininterrompue, le murmure géant sur lequel le langage en s’ouvrant devient image, devient imaginaire, profondeur parlante, indistincte plénitude qui est vide. »

Le plus souvent, on dit de l’artiste qu’il trouve dans son travail un moyen commode de vivre en se soustrayant au sérieux de la vie. Il se protégerait du monde où agir est difficile, en s’établissant dans un monde irréel sur lequel il règne souverainement. C’est en effet l’un des risques de l’activité artistique : s’exiler des difficultés du temps et du travail dans le temps sans toutefois renoncer au confort du monde ni aux facilités apparentes d’un travail hors du temps. L’artiste donne souvent l’impression d’un être faible qui se blottit peureusement dans la sphère close de son œuvre, là où, parlant en maître et agissant sans entrave, il peut prendre la revanche de ses échecs dans la société. Même Stendhal, même Balzac font naître ce doute, à plus forte raison Kafka ou Hôlderlin - et Homère est aveugle. Mais cette vue n’exprime qu’un côté de la situation. L’autre côté, c’est que l’artiste qui s’offre aux risques de l’expérience qui est la sienne, ne se sent pas libre du monde, mais privé du monde, non pas maître de soi, mais absent de soi, et exposé à une exigence qui, le rejetant hors de la vie et de toute vie, l’ouvre à ce moment où il ne peut rien faire et où il n’est plus lui-même.

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« propos une lettre de Rilke (Autriche, 1875-1926): «Depuis des semaines, sauf deux courtes interrup­ tions, je n'ai pas prononcé une parole; ma solitude se ferme enfin et je suis dans le travail comme le noyau dans le fruit.» Cette solitude permet à l'écrivain de se mettre à l'écoute d'une force« interminable», ce« besoin d'écrire» sou­ vent étouffé par les exigences de la vie pratique.

Il doit pour cela se fermer au monde : «Quand écrire, c'est découvrir l'interminable, l'écri­ vain qui entre dans cette région ne se dépasse pas vers l'universel.

Il ne va pas vers un monde plus sûr, plus beau, mieux justifié, où tout s'ordonnerait selon la clarté d'un jour juste.

Il ne découvre pas le beau lan­ gage qui parle honorablement pous tous.

Ce qui parle en lui, c'est ce fait que, d'une manière ou d'une autre, il n'est plus lui-même, il n'est déjà plus personne.

Le"II" qui se substitue au "Je", telle est la solitude qui arrive à l'écrivain de par l'œuvre.

"Il" ne désigne pas le désintéressement objectif, le détachement créateur.

"Il" ne glorifie pas la conscience en un autre que moi, l'essor d'une vie humaine qui, dans l'espace imagi­ naire de l'œuvre d'art, garderait la liberté de dire "Je".

"Il", c'est moi-même devenu personne, autrui devenu l'autre, c'est que, là où je suis, je ne puisse plus m'adresser à moi et que celui qui s'adresse à moi, ne dise pas "Je", ne soit pas lui-même.» Il y a donc dans l'acte d'écrire une sorte de détachement par rapport au« moi>> dans ce qu'il a de singulier.

Cela explique, pour Maurice Blanchot, que de nombreux écrivains aient éprouvé le besoin de tenir un journal.

Le journal est pour le créateur un moyen de «garder le rapport avec soi »,de maintenir le lien avec celui qu'il est quand il n'écrit pas.

Tout écrivain est en proie à deux forces opposées.

L'une qui le pousse à n'être que l'écho de ce qui en lui ne peut cesser de parler; l'autre qui tend à l'écarter. »

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