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Mythe et tragédie

Publié le 18/09/2018

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c'est-à-dire en somme de l'innocence» (É, Entracte, p. 73).

 

Pureté : le mot possède d'abord la valeur qu'on lui donne en chimie, lorsqu'il est question d'un liquide pur, sans mélange ni substance en suspension. Le mot prend ensuite une valeur esthétique. La tragédie devient pure quand elle campe des personnages dévorés par une seule passion. Qu'importe que celle-ci soit la haine ou l'amour. L'essentiel est qu'à l'instar de la haine d'Éectre pour sa mère, elle soit absolue. Ainsi se justifie le mot innocence, qu'il ne faut pas confondre avec le fait d'être inoffensif. Innocent est en effet le loup quand il dévore l'agneau, parce que c'est dans sa nature. Comme il est de la nature de la tragédie d'être une implacable course à l'anéantissement.

 

Cocteau n'a pas tort de voir dans le mythe quelque chose d'« infernal » et de « mathématique1 », dont la tragédie n'a plus qu'à s'emparer et adapter le contenu.

LE MYTHE ET LE PERSONNAGE TRAGIQUE

 

La dramatisation du mythe suscite du même coup un certain type de personnage, différent de celui qu'on peut trouver dans des tragédies qui ne s'appuient pas sur des récits mythiques. Dans ces dernières, le personnage est souvent un caractère en train de se faire : Rodrigue, dans Le Cid de Corneille (1637), devient un héros exemplaire; Néron, dans Britannicus de Racine (1669), un monstre effrayant. Chacun à sa manière s'affirme et se construit. Il en va autrement chez les personnages que les tragédies empruntent aux mythes. Ils ont à rencontrer leur destin. Aussi sont-ils souvent en quête de leur vérité et de leurs origines.

« fune ste.

Soit qu'un e fata lité domine les pers onnages, soit qu'une passion dévorante les anime, tout doit y être iné­ luc table.

Entre le mythe et la tragédie, les liens sont donc étroits.

Les dramaturges ne prétendent d'ailleurs pas faire décou­ vrir au publi c une histoire vieille de trente ou quar ante si ècles.

Le Prolog ue d'Ant igone ne laisse planer aucun doute sur l'issue finale, pas plus que la Voix qui s'élève au début de La Machine infernale.

« La guer re de Troie aura li eu », prévient Cassandre dès la quatrième réplique de la pièce ( GT.

1, 1, p.

55) et, sous la forme de « petites filles», le destin est en marche dès la première scène d'Électre.

L' ess ence du tragique Ri en ne peut en conséquence arrêter, troubler ou orien­ ter dans une autre dir ection l'implacable logique des événe­ ments.

Sous peine de trahir la vérité du mythe, le drama­ turge ne peut en changer les épisodes.

Le spectate ur, de son côté, ne peut laisser son attention s'égarer : lui aussi s ai t quelle est l'issue.

Auteur et public sont face à l'e ssen­ tiel : à l'iné vitable, c'est-à-d ire au tragique à l'é tat pur .

Aussi n'est-ce pas un hasar d si c'est à propos de la réécri­ ture des mythes que Giraudoux et Anou ilh ont exposé leur conception respective de la tragédie.

Selon Anouilh, «c'est propre, la tragédie.

C'est repo sant» parce qu'« on sait qu'il n'y a plus d'espo ir», qu'« on est pris enfin comme un rat, avec tout le ciel sur son dos » (A.

p.

54).

Et de s'expliquer à l'aide d'images empruntées au domaine de la machi ne, comme pour mieu x souligner que rien ne peut en enrayer les rouages : Le ressort est bandé.

Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul.

C'est cela qui est commode dans la tragédie.

On donne le petit coup de pouce pour que cela démarr e [ ...

].

Après, on n'a plus qu'à lais ser faire.

On est tranquille.

Cela roule tout seul.

C'est minutieux, bien huilé depuis toujours (A, p.

53).

Où mieux que dans les myth es? Girau doux n'est pas très éloigné de cette conception quand il fait dire au Jardinier : «C 'est cela que c'est, la Tr agédie, avec ses incestes, ses parricides : de la pu reté,. »

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