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Partage de midi. Mesa, je suis Ysé, c’est moi. Paul Claudel

Publié le 19/03/2020

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claudel

«Comment c’est qu’il faut l’appeler? une mère, Parce qu’elle est bonne à avoir?

Et une sœur? et je la tiens, cette colonne ronde et féminine entre mes mains,

Et une proie, et la fumée de sa vie me monte à la tête par le nez et je frémis de la sentir la plus faible comme un gibier qui plie et que l’on tient par la nuque ! »

 

 

«Dans Partage de midi et dans Le Soulier de satin, les deux personnages, ou les quatre, si vous voulez, réalisent d’une manière complète que cette clé, que cette énigme de leur propre personne, que cet être qu’ils auront à réaliser ne se trouve pas en eux-mêmes, qu’il se trouve en un autre, et que c’est l’autre qui connaît en somme leur véritable nom, ce nom par lequel on s’appelle, et par lequel l’autre vous appelle ou en somme vous appelle à quoi ? vous appelle à l’existence. Dans Partage de midi, cette clé a été trouvée par les deux personnages mais elle n’a été créée qu’aux dépens, si je puis dire, de leur réunion : il fallait qu’en se séparant ils arrivent à trouver que cette clé semble, en somme, s’ajuster. Et la situation est un peu la même dans Le Soulier de satin : sinon qu’au lieu que ce soit une séparation en ce monde, c’est une séparation dans le monde futur. »

(39e Entretien avec J. Amrouche)

« mesa. — Riez ! Vous êtes belle et joyeuse, et moi, je suis sinistre et seul... Un de ces affreux chiens parias... Et je ne veux rien du tout! (Une espèce de hoquet.) Qu’auriez-vous à faire de moi ? qu’y a-t-il entre vous et moi?

Onze heures du matin. La cloche sonne six coups. ysé. — Mesa, je suis Ysé, c’est moi.

mesa. — Il est trop tard !

Tout est fini. Pourquoi êtes-vous venue me rechercher ? yse. — Ne vous ai-je pas trouvé?

mesa. — Tout est fini, je vous dis! Je ne vous attendais pas.

J’avais si bien arrangé

De me retirer, de me sortir

D’entre les hommes, eh bien ! oui, d’entre les hommes ! pourquoi pas? c’était fait;

Pourquoi venez-vous me rechercher? pourquoi venez-vous me déranger?

YSE. — C’est pour cela que les femmes sont faites. »

 

« C’est elle qui donne pardon à Mesa, et il y a du vrai, parce que dans le fond, en le quittant, elle lui a rendu un immense service. Elle s’en rend compte, elle lui dit : tu vois que j’ai bien fait de te quitter, tu devrais me remercier. »

«Mais ce que nous désirons, ce n’est point de créer; mais de détruire et que ha !

Un cri sauvage. Il n’y ait plus rien d’autre que toi et moi, et en toi que moi, et en moi que ta possession, et la rage et la tendresse, et de te détruire, et de n’être plus gênée Détestablement par ces vêtements de chair, et ces cruelles dents dans mon cœur, Non point cruelles !

Ah ! ce n’est point le bonheur que je t’apporte, mais ta mort et la mienne avec elle. »

claudel

« 32 • NOM (et identité) / 245 Pourquoi venez-vous me rechercher? pourquoi venez­ vous me déranger? YSE.

- C'est pour cela que les femmes sont faites.» ► Est-ce une femme que rencontre Mesa? En la per­ sonne d'Ysé, ne serait-ce pas, plutôt, comme le suggère son interlocutrice, « les femmes», toutes les femmes, l'éternel féminin? Dans la première version de Partage de midi, à l'acte III, dans le Cantique, Mesa s'interroge avec raison sur la nature profonde de cette femme rencontrée sur le bateau, qu'il identifie à la femme: « Pourquoi cette femme? pourquoi la femme tout d'un coup sur ce ba­ teau?» De fait, peu après l'interpellation d'Ysé, Mesa n'aura aucune peine à reconnaître Ysé, cette femme uni­ que, irremplaçable, singulière, mais qui est aussi LA femme: «- Ysé ! Vous êtes Ysé.

Je sais que vous êtes Ysé.

» Quelques instants avant le dénouement, alors que la mort est proche, de nouveau Ysé se fait reconnaître de Mesa et a recours à la même formule : «Mesa, je suis Ysé, c'est Moi.

C'est pour cela que j'ai essayé de t'échapper.» Si, aux yeux de Mesa, Ysé incarne toutes les femmes en puissance, elle contient toutes les contradictions de la nature féminine et se révèle, en particulier, comme un être double, à la fois bienfaisante -mère et sœur -et inquiétante -gibier que l'on capture - : « Comment c'est qu'il faut l'appeler? une mère, Parce qu'elle est bonne à avoir? Et une sœur? et je la tiens, cette colonne ronde et féminine entre mes mains, Et une proie, et la fumée de sa vie me monte à la tête par le nez et je frémis de la sentir la plus faible comme un gibier qui plie et que l'on tient par la nuque!» Plus précisément, dans cet acte II qui a pour décor signifi­ catif le cimetière de Hong Kong, Happy Valley, la passion réciproque unit charnellement, autant qu'elle les détruit, ces deux amants qui s'enferment dans une solitude à deux,. »

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