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Recherche d'une définition - Histoire de la littérature

Publié le 12/02/2018

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histoire

Recherche d'une définition

La grande époque du roman en France commence au XIxe siècle; c'est l'époque des Stendhal, Balzac, Flaubert, Maupassant, Zola, Proust ... Le roman d'avant la Révolution ne fait-il qu'annoncer cette grande époque, ou a-t-il les caractères propres d'un genre littéraire qui mérite d'être étudié pour lui-même? Comme Les Faux-Monnayeurs, qui sont de 1926, passent pour avoir inauguré une ère nouvelle, il serait tentant de tracer trois grandes divisions dans l'histoire du roman : la préparation, avant le x1xe siècle; l'époque créatrice, au x1xe siècle; l'époque critique, au xxe. C'est simple, mais c'est faux.

On ne croit plus qu'un genre littéraire naisse, se développe jusqu'à sa per­fection et se décompose comme un organisme vivant en vertu d'un mystérieux dynamisme intérieur 7Son évolution est liée à l'évolution sociale, mais certains critiques ont jugé que le roman était par excellence un genre moderne, et que sa

1. La distinction entre époques créatrices et époques critiques est légitime (cf. J. PoMMIER, Questions de critique et d'histoirt littéraire, Publications de l'E.N.S., Paris, Droz, 1945) mais elle concerne l'ensemble de la production littéraire et repose sur les différences entre divers états de civilisation, et non sur la faculté évolutive des genres. Quant à l'évolution des formes, son étude ne fait pas appel à la notion de genre (cf. H. FOCILLON, Vie des formes, Paris, 1943).


perfection supposait une société ouverte, libérée de l'ordre et des cloisonnements anciens, maîtresse de créer des valeurs nouvelles et laissant une ample carrière à l'énergie des individus : la société bourgeoise dans sa période conquérante; la Révolution aurait ainsi rendu possible le vrai roman, aperçu seulement au cours des siècles antérieurs : «A l'époque classique le roman balbutie ... Au xvme siècle le roman se cherche 1 », dit un de nos contemporains, et pour un autre tout ce qui précède Stendhal et Balzac constitue x la préhistoire du roman 8 n. Lorsque la société bourgeoise cesse d'être libératrice et devient oppressive, que ses valeurs morales et ses idéaux politiques ne sont plus que de beaux mots cachant l'injustice et la servitude, le roman bourgeois, s'il est lucide et non mystificateur, devient le roman de l'échec et Flaubert succède à Balzac. Il ne nous appartient pas d'exa­miner si cette théorie explique le devenir du roman au sise et au xxe siècle, mais on voit bien ses conséquences pour l'histoire du roman avant la Révolution : n'entrent en ligne de tompte que les œuvres où apparaissent les prémices des valeurs bourgeoises, l'Histoire comique de Francion et non La Princesse de Clèves, les fabliaux et non les romans de Chrétien de Troyes sauf les inévitables vers d'Yvain sur les tisseuses de soie; ou bien, dans les œuvres sentimentales, fantas­tiques, aristocratiques, mystiques, on s'attachera à chercher l'élément de réalisme social qui fasse leur véritable valeur. Une très grande partie du domaine roma­nesque du passé peut bien ainsi être prise en considération, si l'on se fait du réalisme une idée assez large pour y comprendre la peinture des âmes telles que les rapports sociaux les déterminent. Mais enfin de vastes secteurs du roman sont aussi tenus pour négligeables, le roman d'aventures, le roman héroïco-galant, le roman sentimental, le roman lyrique, ou bien retenus pour des qualités qui n'étaient pas essentielles, ni peut-être même visibles, aux yeux des auteurs. Il y a des œuvres, mineures et de transition, qui n'ont de raison d'être que par ce qui les a suivies : mais l'admiration modernisante, quand elle s'aveugle sur le sens qu'une œuvre a eu dans le passé pour son auteur et ses lecteurs, est aussi fausse que l'admiration historique,

qui rend incompréhensible la survie des chefs-d'œuvre; ceux-ci doivent être admirés et dans ce qu'ils ont été, et dans ce qu'ils sont devenus. Il est impossible de définir le roman de l'Ancien Régime par pure et simple référence au roman réaliste moderne.

 

De plus, si Gargantua et Les Malheurs de l'amour sont des romans aussi bien que Dominique ou que Le V entre de Paris 3, il est aussi paradoxal de grouper ces noms deux à deux en-deçà et au-delà de la barrière qui sépare l'Ancien Régime des temps modernes, que de les réunir tous les quatre sous la même rubrique. Nous admettrons que certaines formes littéraires et certaines images se sont perpétuées à travers les siècles en changeant de signification et même de structure; une Ode de Pindare, une Ode de Lamotte ou de J.-B. Rousseau, et l'Ode à Fourier d'André Breton n'ont guère de commun que le titre; l'usage de la culture gréco-latine du xvie siècle à la Révolution, le sens de la mythologie

histoire

« perfection supposait une société ouverte, libérée de l'ordre et des cloisonnements anciens, maîtresse de créer des valeurs nouvelles et laissant une ample carrière à l'énergie des individus : la société bourgeoise dans sa période conquérante; la Révolution aurait ainsi rendu possible le vrai roman, aperçu seulement au cours des siècles antérieurs : «A l'époque classique le roman balbutie ...

Au xvme siècle le roman se cherche 1 », dit un de nos contemporains, et pour un autre tout ce qui précède Stendhal et Balzac constitue « la préhistoire du roman 2 ».

Lorsque la société bourgeoise cesse d'être libératrice et devient oppressive, que ses valeurs morales et ses idéaux politiques ne sont plus que de beaux mots cachant l'injustice et la servitude, le roman bourgeois, s'il est lucide et non mystificateur, devient le roman de l'échec et Flaubert succède à Balzac.

Il ne nous appartient pas d'exa­ miner si cette théorie explique le devenir du roman au xxxe et au xxe siècle, mais on voit bien ses conséquences pour l'histoire du roman avant la Révolution : n'entrent en ligne de tompte que les œuvres où apparaissent les prémices des valeurs bourgeoises, l'Histoire comique de Francion et non La Princ esse de Clèves, les fabliaux et non les romans de Chrétien de Troyes sauf les inévitables vers d' Yvain sur les tisseuses de soie; ou bien, dans les œuvres sentimentales, fantas­ tiques, aristocratiques, mystiques, on s'attachera à chercher l'élément de réalisme social qui fasse leur véritable valeur.

Une très grande partie du domaine roma­ nesque du passé peut bien ainsi être prise en considération, si l'on se fait du réalisme une idée assez large pour y comprendre la peinture des âmes telles que les rapports sociaux les déterminent.

Mais enfin de vastes secteurs du roman sont aussi tenus pour négligeables, le roman d'aventures, le roman héroïco-galant, le roman sentimental, le roman lyrique, ou bien retenus pour des qualités qui n'étaient pas essentielles, ni peut-être même visibles, aux yeux des auteurs.

Il y a des œuvres, mineures et de transition, qui n'ont de raison d'être que par ce qui les a suivies : mais l'admiration modernisante, quand elle s'aveugle sur le sens qu'une œuvre a eu dans le passé pour son auteur et ses lecteurs, est aussi fausse que l'admiration historique, qui rend incompréhensible la survie des chefs-d'œuvre; ceux-ci doivent être admirés et dans ce qu'ils ont été, et dans ce qu'ils sont devenus.

Il est impossible de définir le roman de l'Anc ien Ré gime par pure et simple référence au roman réaliste moderne.

De plus, si Gar gantua et Les Malheurs de l'amour sont des romans aussi bien que Dominique ou que Le V entre de Paris 3, il est aussi paradoxal de grouper ces noms deux à deux en-deçà et au-delà de la barrière qui sépare l'Ancien Régime des temps modernes, que de les réunir tous les quatre sous la même rubrique.

Nous admettrons que certaines formes littéraires et certaines images se sont perpétuées à travers les siècles en changeant de signification et même de structure; une Ode de Pindare, une Ode de Lamotte ou de J.-B.

Rousseau, et l'Ode à Fourier d'André Breton n'ont guère de commun que le titre; l'usage de la culture gréco-latine du xvie siècle à la Révolution, le sens de la mythologie 1.

H.

LEFEBVRE, Diderot, Paris, 1949, p.

198.

2.

P.

DAIX, Sept SiAcles de roman, Paris, 1955, p.

470.

3· Garg antua est de Rabelais, 1534; Les Malh eurs de l'amour, de Mme de Tencin, 1747; Dominique, de Fromentin, 1863; Le Ventre de Paris, de Zola, 1873.. »

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