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Une saison en enfer de Rimbaud: récit poétique ou en prose?

Publié le 20/09/2018

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rimbaud

Le noir

 

Le Livre païen devait être à la fois celui d'un homme mal christianisé et de l’individu qui est nativement et irrémédiablement un paysan (paganus, en latin, a donné païen et paysan ; voir « Adieu », « Paysan! »). Le Livre nègre tendait à faire de ce paganus un homme à « la peau sombre », un de ces « enfants de Cham \", c'est-à-dire un Noir.

 

Si le damné est un tel Noir, il peut entrer dans la nuit de l'enfer, au plus profond de cet « abîme » où se trouve la Vierge folle dans « Délires 1 ». Par une étrange dérive, l’odyssée de « Délires Il » va vers la « patrie de l’ombre et des tourbillons », donc le pays de la nuit. Cette nuit s’éclaire (« L'éclair », « Matin ») et le livre s'achève sur la quête de la « clarté divine », de « l’aurore ».

 

Le blanc

 

Dans « Nuit de l’Enfer », Jésus est montré « blanc et des tresses brunes », avec un effet saisissant de noir et blanc. Mais, par opposition aux Noirs, les Blancs n'ont pas bonne réputation dans « Mauvais sang » : ils sont les puissants de ce monde, les colonisateurs. Rimbaud se méfierait tout autant des vêtements blancs des élus, au Paradis. La pureté qu’il recherche est d'un autre ordre (voir la fin de « L’Impossible »): c'est un point de lumière à partir duquel tout pourra être recommencé (telle « Aube » dans les Illuminations).

 

Le récit d’une aventure poétique

 

« Délires Il » racontent l’histoire d’un poète qui a voulu être un alchimiste du verbe, c'est-à-dire transformer le langage pour en faire de l’or. Ce récit est en prose, mais il est illustré par des poèmes en vers de Rimbaud qui remontent aux mois vécus à Paris et à Bruxelles avec Verlaine (de septembre 1871 à août 1872). Aucun poème en prose n'est présent à titre d’illustration. L'apostrophe au « Général Soleil » n'en est pas une, elle est, de plus, beaucoup trop intégrée au récit même.

Comme Poe (1809-1849) a écrit, en 18391840, des Histoires extraordinaires (c'est du moins le titre que Baudelaire a donné en 1857 à certains contes de l’écrivain américain), comme Villiers de l'Isle-Adam (1838-1889) publiera des Histoires insolites (1888), Rimbaud compose un recueil d’Histoires atroces. L’une d'entre elles, \"Délires II\", est présentée d'entrée de jeu comme << l’histoire d'une de [s]es folies ». L'éclatement du drame, en juillet 1873, n'a fait que donner plus d'intensité à cette atrocité-là. Son dénouement a contribué à faire prendre conscience à Rimbaud de ses folies, et en particulier des risques qu’on court à vouloir, comme Hamlet, simuler la folie: l'entrée dans la folie véritable, et même la mort. Rimbaud a le sentiment d’être passé tout près du << dernier couac » (Prologue) et les \"Délires Il\" prennent la forme d'une petite Odyssée conduisant au pays des morts (la Cimmérie homérique). Mais le voyageur a fait en sorte d’échapper au trépas.

 

En effet, paradoxalement, ce damné n'était pas mort. L'enfer de la saison n’est autre que l'enfer sur terre qu'il vient de traverser. Une saison en enfer est l'histoire de cette traversée.

rimbaud

« L' hi sto ire d'u n texte Le texte lui-même a une histoire.

Rimbaud l'a conçu et écrit au cours des mois précédents.

La date qu'il a indiquée à la fin est précise et clair e : " avril-août, 1873 "· La virgule a son impor tance, car elle met en valeur la " saison "• ou le passage d'une saison à l' autre, du printemps à la fin de l'été.

Le déroulement chronologique du récit d'ensemble le confir me: il est question du " printemps , dans le Prologue et l'Adieu final comme nce par cette indication : " L'automne déjà "· Entre les deux se situera l'été, avec un paroxys me de chaleur qui sera l'équiv alent du feu infernal.

L'année 1873, mise à l'écart par la virgule, accentuée donc elle aussi, est une année importante : c'es t celle de la séparation entre Rimbaud et Verlaine, en juillet.

Verlaine a qui tté précipitamment Londres, où il vivait avec Rimbaud depuis septembre 1872.

Le 10 juillet, à Bruxelles, il a tiré sur lui deux coups de revolver.

Rimbaud, quoique blessé au poign et, retire sa plainte, et il rej oint sa fa mille dans la ferme de Roche où il passe l'été et travaille fébrilement à la Saiso n.

Ve rlaine, arrêté, est condamné à deux ans de prison ferme.

C'est la fin de l'exis tence commune de ceux qui, dans " Délir es 1 , sont présentés comme deux compagnons d'enfer.

Rimbaud avait entrepris d'écrire ce livre avant l'incident de Bruxelles, donc, comme il l'indique lui-même, en avril.

Le 4 de ce mois, il s'était embarqué à Douvres avec Verlaine pour la France.

Chacun d'entre eux voulait faire un séjour tempor aire dans sa propre fa mille.

Le 11, le jour du Vend redi saint, Rimbaud était arrivé à Roche sans même prévenir sa mère.

En mai, dans une lettre adressée à Ernest Delahaye, il annonçait qu'il travaillait à un Livre nègre, ou Livre païen, qu'il avait déjà écrit, pour cela, plusieurs " petites histoires en prose "· " Mon sort, ajoutait-il, dépend de ce livre pour lequel une demi-douzaine d'histoir es atroces sont encore à inventer.

, Hi stoires Il est difficile de déterminer, à cette date, quelles sont les histoir es déjà écrites et celles qui restent à écrire.

Mais le mot histoire , au sens Ë. »

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