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Blaise Pascal, Pensées

Publié le 31/01/2020

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Blaise Pascal, Pensées

Imagination. — C’est cette partie dominante dans l’homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours; car elle serait règle infaillible de vérité si elle l’était infaillible du mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, mar-quant du même caractère le vrai et le faux.

Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages; et c’est parmi eux que l’imagi-

nation a le grand droit de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne

peut mettre le prix aux choses.

Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l’homme une seconde nature. Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres; elle fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir; elle a ses fous et ses sages : et rien ne nous dépite davantage

que de voir qu’elle remplit ses hôtes d’une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison.

Édition Brunschvicg, § 361, Gallimard, collection « La Pléiade », 1993, p. 1116.

Cet extrait est consacré à l'imagination et à ses pouvoirs. Pascal y procède à une critique sévère de cette faculté, en montrant sa rivalité avec la raison.

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« COMMENTAIRE DE TEXTE la faiblesse des facultés cognitives de l'homme est, pour Pascal, un moyen de rame­ ner l'homme à la piété.

Mais l'imagination n'est pas une instance mensongère dont il faut simplement se défier pour lui ôter sa nocivité.

Elle est avant tout une puissance, et peut combattre et vaincre la raison.

Elle suscite ainsi un déchirement intérieur en chaque homme.

-2.

L'.imagination, l'ennemi intérieur de l'homme (de la ligne 6 à la fin du texte) A Pascal généralise ses remarques sur la force de l'imagination en étendant l'empire de cette dernière à tous les hommes sans exception.

li répond ainsi à une objection tacite selon laquelle il existe une profonde différence entre les hommes dotés d'une raison faible et ceux qui, grâce à l'éducation ou à leurs prédispositions intellectuelles, ne sont pas prisonniers de l'imagination.

li indique ainsi que les « sages » qui prétendent s'affranchir du joug de l'imagination par leurs propres moyens sont dans l'illusion : ils lui sont soumis tout autant que les autres hommes (lignes 6-7).

La sagesse humaine est une fiction orgueilleuse(« superbe», ligne 9) de l'imagination.

B.

!.'.imagination est en conflit avec ce qui pourrait garantir la sagesse humaine, la raison.

Mais cette dernière est vaincue par l'imagination.

Si bien qu'elle« ne peut mettre leur prix aux choses» (ligne 8), c'est-à-dire qu'elle est incapable de donner des choses une appréciation raisonnable et conforme à la réalité.

Elle dépend en effet des impressions de l'imagination.

Elle donne à l'homme une « seconde nature » (ligne 11) parce qu'elle transforme cet« animal rationnel» en être d'imagination.

De plus, s'il n'y a pas entre les hommes de différence quant à la puissance de la rai­ son, il y a entre eux une hiérarchie pour ce qui concerne l'imagination (ligne 11).

C.

Elle asservit nos facultés cognitives, les sens et la raison, en mêlant ses propres impressions aux idées de la raison et aux perceptions des sens.

Et non seu­ lement cette force intérieure fait obstacle à la découverte de la vérité, mais elle possède en outre une force de séduction considérable.

Elle les remplit de satisfac­ tion (ligne 14) parce qu'elle donne au monde le visage que les hommes désirent.

Elle est un ennemi intérieur d'autant plus redoutable qu'elle nous ment avec notre propre assentiment et pour notre plaisir.

-Discussion !.'.intérêt philosophique de ce texte est de cristalliser en lui toutes les critiques que la philosophie classique adresse à l'imagination, tout en lui ajoutant une idée profondément nouvelle : l'imagination n'est pas tant une faiblesse de certains hommes qu'une puissance qui domine tous les hommes.

Elle condamne les efforts de la raison à l'impuissance justement parce qu'elle est une force.

Notons qu'elle est envisagée seulement sous l'angle de la morale ou de la théorie de la connaissance, et c'est pour cette raison qu'elle est condamnée.

Si l'on suit au contraire Rousseau ou Kant par exemple, l'imagination peut apparaître comme une force créatrice, notamment dans le domaine artistique.. »

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