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Les conduites de mauvaise foi dans L'Etre et le Néant - 1re partie, chapitre II - Sartre (commentaire)

Publié le 03/01/2020

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Par exemple, un vaniteux, qui s’exhibe sous ses plus beaux atours, sait que ce n’est pas son apparition, mais bien l’approbation qu’elle trouvera en autrui, qui décidera de son succès^ la question de son prestige sera finalement tranchée par autrui, et non par lui. Si le vaniteux tient autrui pour un simple spectateur facultatif, à qui il prête des apparences prestigieuses qu'il compte pouvoir récu7 pérer, il est de mauvaise foi. Car le sens de son être existe bel et bien, mais en autrui, enfermé dans cette conscience d’autrui qui ne nous apparaît jamais, puisqu’elle est transcendance insaisissable, intériorité fermée sur son secret.

Bref, la conscience, n’ayant réellement le choix qu’entre une consistance fantôme en elle et une consistance volée en autrui, est donc condamnée à se masquer l’angoisse et l'aliénation fondamentales de sa condition en recourant à la mauvaise foi.

La lutte contre l’angoisse est de mauvaise foi

Selon Sartre, ce n’est pas la peur qui caractérise la conscience humaine, c’est l’angoisse.

- On a peur de ce qui menace notre intégrité, des situations qui risquent de modifier notre vie ou notre rapport à elle. Mais la peur vient toujours du dehors : j’ai peur lorsque le monde échappe à mon contrôle, que des forces font pression sur moi, et qu’il ne me semble pas possible de réagir adéquatement au danger. « J’ai peur » signifie : je ne peux pas compter sur moi dans la situation menaçante où je me trouve.

- Mais l'angoisse, elle, ne vient pas du dehors : je peux m'angoisser bien au chaud dans un fauteuil douillet, à l’abri de tout, sauf de moi-même. Je m’angoisse, dit Sartre, quand je me retrouve seul avec ma liberté, c’est-à-dire quand je réalise que moi seul peux décider de moi-même : rien, hors de moi, ne peut prendre ma relève. Mais il n’y a rien non plus en moi qui soit suffisant pour me faire choisir mes actes : mes tendances personnelles elles-mêmes, puisque j’ai conscience d’elles, dépendent, pour me faire agir, du jugement que je porte sur elles.

Dans cette seconde partie du texte, Sartre va en particulier examiner des conduites concrètes de mauvaise foi, pour mieux cerner, dit-il, « les conditions de possibilité de la mauvaise foi ». La plupart de ces descriptions de cas de mauvaise foi sont célèbres : la jeune coquette, le garçon de café, l’homosexuel sont autant d’exemples d’une richesse étonnante. Mais pour faciliter leur compréhension, il serait bon d’en dégager les lignes communes. Or, dans tous ces cas, les deux thèmes de l’angoisse et de Y aliénation dominent : nos trois personnages en effet s'angoissent de leur liberté et tous trois sont aliénés, au sens où ils sont en situation forcée devant autrui : la jeune coquette est livrée au désir de son partenaire, le garçon de café l’est au regard des consommateurs, l’homosexuel l’est au jugement de ses censeurs. S’ils se font de mauvaise foi, c’est précisément pour lutter contre l’angoisse et l’aliénation qui commandent à leur situation. Et leur lutte est de mauvaise foi. .

La mauvaise foi est une attitude défensive de la conscience

La mauvaise foi est donc un moyen de défense (contre l’angoisse et l’aliénation) qui ne veut pas paraître pour tel, et dans lequel la conscience prétend se donner d’autres buts que ceux qu'elle poursuit effectivement.

Deux questions se posent donc :

Par sa fonction de garçon de café, cet homme que décrit Sartre sort perpétuellement de sa condition présente : il improvise à tout instant ce qu’il est devant autrui. Mais cette fonction, il joue à l’être, il ne l'est pas, puisque s’il l’était, il serait une chose, et non une conscience qui fait fonction de garçon de café.

Le garçon de café a compris que par sa transcendance, il n’était rien pour lui-même, il avait simplement à être quelqu’un devant autrui, son rôle : il joue donc au garçon de café qu'il n’est pas. Mais il a compris aussi que par sa facticité, il était un objet pour autrui, qu'il n’était lui-même qu’organisé sous les regards d’autrui : il joue donc ce qu’on le paie à être, il se fait fonctionnel sous les yeux d’autrui. Le jeu de rôle consiste à être pour autrui ce que l’on a à être devant lui, c’est-à-dire ce qu’il attend de nous.

Est-ce à dire que son jeu suffit au garçon de café à sortir de la mauvaise foi ?

La réponse est difficile, car, d’un côté, le garçon de café sait qu’il n’est pas ce qu’il joue à être et qu’il n’est garçon de café que pour les regards posés sur ses voltiges : en cela, il n'est pas dupe des apparences qu’il crée. Mais en même temps, la permanence de son jeu cristallise ses gestes, c’est-à-dire transforme l’être-joueur en son être-joué : le garçon de café automatise chaque jour davantage sa présence, c’est-à-dire que ce rôle qu'il joue de mieux en mieux « mord » de plus en plus sur les autres rôles possibles pour lui : sa liberté s’enferme dans son jeu.

Or la répétition du jeu tue le jeu et fait insensiblement prendre au sérieux ce qu’on avait commencé par jouer. Le sérieux, c’est de prétendre être ce que l'on joue à faire, c’est de transformer un simple rôle en une personnalité.

Le garçon de café prétendra alors être réellement pour lui-même ce qu’il ne peut être qu’en représentation devant autrui. Il prendra sa personnalité objective pour autrui (son rôle) pour l'être qu’il est destiné à être. Tant qù’il n’est ce garçon de café que parce qu’il joue à l'être, il n'est pas de mauvaise foi. Mais dès qu’il joue ce garçon de café

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« 1) Pourquoi la conscience se refuse-t-elle à l'évidence; à savoir qu'elle est sur la défensive ? C'est que devoir se défendre, c'est s'avouer qu'on est en danger dans le monde, objet perpétuellement vulné­ rable par les autres consciences.

Être en danger, c'est être pour autrui un objet que l'on ne connaît ni ne maîtrise: autrui a l'initiative, sa liberté devance toujours la mienne, puisque c'est devant un regard toujours déjà posé sur moi que s'exerce ma liberté.

Pour l'autre, ma liberté est sim­ plement devant lui, objet parmi d'autres, et, pour lui, mon intériorité compte pour rien.

.

Nier que l'on soit essentiellement une conscience défen­ sive, c'est donc vouloir se cacher qu'autrui est majoritaire, hors de moi bien sûr, mais aussi en moi, bref que je dépends d'autrui dans mon être même.

2) De quoi toute conscience doit-elle se défendre ? Réponse : de sa propre inconsistance.

Car, nous allons le voir, la conscience n'a jamais pour elle-même la con­ sistance d'une chose (mon désir, par exemple, je l'éprouve, mais ce n'est jamais quelque chose que je pourrais sai­ sir).

Et, d'autre part, si nous avons de la réalité pour autrui, si nous sommes quelque chose de consistant pour lui (quand par exemple mon désir pour l'autre lui est physiquement sensible), cette consistance n'existe préci­ sément que pour lui, et non pour nous.

Pourquoi ? a) C'est que, on l'a vu, je ne peux saisir en moi qu'un néant d'être: je ne suis rien, j'ai seulement à être des pos­ sibles que je ne peux saisir qu'en les dépassant, et que je dois constamment soutenir à l'existence.

C'est donc une consistance fantôme que la conscience tente de donner à sa liberté par la mauvaise foi, pour se préserver d'une inconsistance essentielle qui se révèle à elle dans l'angoisse.

b) D'autre part, si je n'ai pas de consistance objective pour moi-même, j'en ai une pour autrui.

L'autre, qui est regard permanent braqué sur moi, accomplit une fonc­ tion dont je suis incapable : me voir comme je suis.

Mais cet être que je suis, je ne le suis que pour autrui, c'est-à­ dire pour une conscience dont le monde et ma propre 24 j. »

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